Les travaux du comité préparatoire au dialogue politique se sont ouverts ce mardi à Kinshasa. Mais pour le moment, la majeure partie de l’opposition congolaise a refusé d’y participer. Un boycott qui donne peu de légitimité au futur dialogue censé régler la crise politique au Congo.
![Comité préparatoire dialogue aoüt 2016](http://afrikarabia.com/wordpress/wp-content/uploads/2016/08/Comité-préparatoire-dialogue-aoüt-2016.jpg)
Parmi les participants du comité préparatoire au dialogue, Samy Badibanga, des cadres de l’UNC, mais aussi Bruno Mavungu, Jean-Lucien Busa ou José Makila © DR
Au forceps et après 9 mois d’un feuilleton interminable, le dialogue politique initié par le président Joseph Kabila se met péniblement en place en République démocratique du Congo (RDC). Une avancée importante a été réalisée ce mardi avec la tenue du comité préparatoire au dialogue. Sous l’égide du médiateur international, Edem Kodjo, ces travaux devront déterminer la date, le lieu et le nombre de participants au fameux dialogue politique. Mais la plus grande partie de l’opposition a décidé de boycotter la réunion, estimant que les préalables n’étaient pas réunis pour la bonne tenue du dialogue. En cause, la personnalité du médiateur jugé « trop proche du pouvoir » et l’absence d’un panel international plus large. L’opposition exigeait aussi la libération des prisonniers politiques, la réouverture des médias d’opposition et l’arrêt de la traque judiciaire aux opposants.
Kabila à la recherche d’un consensus politique
Le dialogue est donc toujours rejeté par l’opposition qui accuse le président Kabila d’utiliser cette manoeuvre pour légitimer son maintien au pouvoir au-delà de la fin de son mandat, en décembre 2016. La Commission électorale a annoncé récemment le report de la présidentielle de plusieurs mois et la Cour constitutionnel a autorisé le chef de l’Etat à rester au pouvoir tant que les élections n’ont pas lieu. Deux éléments qui font dire à l’opposition que le président Kabila veut s’accrocher au pouvoir en reportant le plus possible l’organisation du scrutin. En décidant de boycotter les travaux préparatoires, les opposants espèrent vider de toute légitimité le futur dialogue et affaiblir le président congolais. Car ce que cherche Joseph Kabila, c’est l’obtention d’un consensus politique pour se maintenir au pouvoir, après avoir obtenu l’autorisation de la Cour constitutionnelle.
L’UNC change d’avis
Le Rassemblement de l’opposition, piloté par l’opposant historique Etienne Tshisekedi et dans lequel on retrouve le G7 et Moïse Katumbi, ont opté pour la stratégie de la chaise vide au travaux préparatoires, tout comme le MLC de Jean-Pierre Bemba qui s’est dit « non concerné par la dialogue » . Pourtant, à la surprise générale, le médiateur a réussi à convaincre un parti important de l’opposition de participer au comité préparatoire : l’UNC de Vital Kamerhe. Longtemps hostile à tout dialogue avec Joseph Kabila, qu’il connaît bien pour avoir été son directeur de campagne, l’ancien président de l’Assemblée nationale a modifié sa ligne politique pour finalement accepter de participer aux travaux préparatoires. Un revirement qui a provoqué le trouble au sein de l’opposition qui organisait le jour de l’ouverture du travaux, une journée ville-morte en signe de protestation. Le secrétaire général de l’UNC, Jean-Bertrand Ewanga, inscrit comme délégué de son parti sur la liste des participants aux travaux, a d’ailleurs décidé de ne pas s’y rendre « pour respecter l’opération ville morte », mais participera aux prochaines réunions. Une décision qui en dit long sur le flottement au sein du parti.
Le pari risqué de Kamerhe
La présence de l’UNC au comité préparatoire constitue une double victoire pour la majorité présidentielle : intégrer un parti d’opposition reconnu et diviser un peu plus les opposants au président Kabila. Pour l’UNC, le pari est risqué. Sa participation au dialogue permet pourtant de relancer le parti, coincé entre un Tshisekedi remis en selle et un concurrent de poids, Moïse Katumbi. L’espace de Vital Kamerhe s’était considérablement restreint au sein d’une opposition recentrée autour du vieux Tshitshi et du jeune Katumbi. L’UNC pourrait jouer une sorte de « troisième voie » à mi-chemin entre l’intransigeance d’un Tshisekedi et une majorité présidentielle en quête de nouveaux alliés. Mais en s’asseyant à la table du dialogue (ce qui n’est pas encore le cas, puisqu’il ne s’agit que de travaux préparatoires), Vital Kamerhe brouille son image d’opposant qu’il a mis de longues années à construire et réactive les rumeurs qui l’accuse d’avoir toujours garder des liens avec le président Kabila.
Le risque de « Concertations nationales bis »
Mais attention, comité préparatoire ne signifie pas dialogue. Le véritable dialogue n’a encore pas commencé. Les participants aux travaux arriveront tous avec leurs préalables, qui seront tous âprement négociés par la majorité présidentielle. Le comité préparatoire constitue la première marche du dialogue, mais la route est encore longue pour donner à ce dialogue toute sa légitimé nécessaire pour régler la crise congolaise. Sans la participation des poids lourds de l’opposition, comme Tshisekedi et Katumbi, le dialogue apparaîtrait comme vidé de sa substance et ne réglerait rien à la crise politique que traverse la RDC en l’absence des principaux acteurs. Le dialogue ne doit pas devenir des « Concertations nationales bis ». Déjà censées résoudre la délicate équation électorale congolaise et le problème des groupes armés, la majorité des recommandations des Concertations sont en fait restées lettre morte par manque de représentativité des ses participants. Un « dialogue » pour rien, déjà. Et nous étions en 2013, il y a à peine 3 ans.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Mes frères congolais, il ne faut pas croire que tous ne font pas un calcul.
Cependant, cette lecture peut édifier plus d’un compatriote, afin de réaliser que « Loi », « droit », « peuple », « justice » doivent être compris par un chacun pour justifier une voie à entreprendre si non, déjà prise.
Bonne lecture.
1. La liberté politique est une idée, mais non une réalité ; il faut savoir appliquer cette idée quand il est nécessaire d’attirer, au moyen d’un appât idéaliste les forces populaires à son parti, si celui-ci a décidé d’abattre un parti gouvernemental.
Cette tâche se trouve facilitée lorsque l’adversaire est pénétré de l’idée de liberté ou de libéralisme et s’il perd de sa force pour cette idée ; c’est par là que triomphera notre système : en vertu de la loi de la vie, les rênes du gouvernement, à peine
relâchés, sont aussitôt saisis par d’autres mains,étant donné que la force aveugle du peuple ne peut exister un jour sans chef et que le nouveau pouvoir ne fait que remplacer l’ancien, affaibli par le libéralisme.
2. De nos jours la puissance a remplacé le pouvoir des gouvernements libéraux.
3. L’idée de liberté est irréalisable, parce que personne ne sait en user avec juste mesure : il suffit de laisser le peuple se gouverner lui-même pendant quelque temps pour que cette liberté se transforme aussitôt en licence.
Dès lors naissent des dissensions qui ne tardent pas à dégénérer en guerres sociales, dans lesquelles les États se consument et où leur grandeur se réduit en cendres. Qu’un État s’épuise dans ses convulsions intestines ou que les guerres civiles le mettent à la merci des ennemis extérieurs, il peut, dans l’un et l’autre cas, être considéré comme déjà perdu ; il est en notre pouvoir.
4. Un esprit logique et sensé peut-il espérer réussir à mener les foules par des arguments et des raisonnements, quand la voie est ouverte à la contradiction, même stupide, pourvu qu’elle puisse séduire le peuple dont l’esprit est superficiel ? Les foules sont exclusivement guidées par des passions mesquines, des superstitions, des coutumes, des traditions et par des théories sentimentales ; elles sont esclaves de la division des partis qui s’opposent à toute entente un tant soit peu raisonnable. Toute décision de la foule dépend essentiellement de hasards ou bien, quand elle est préparée à l’avance, elle est pour le moins superficielle ; dans son ignorance des secrets politiques, elle prend des décisions absurdes, elle sème une sorte d’anarchie qui ruine le gouvernement.
5. La politique n’a rien de commun avec la morale. Le gouvernement qui se laisse guider par la morale n’est pas politique et par conséquent son gouvernement est fragile. Celui qui veut régner doit recourir à la ruse et à l’hypocrisie. Les grandes qualités populaires, l’honnêteté et la franchise, sont des vices en politique, elles détrônent les souverains mieux que l’ennemi le plus habile.
6. Le mot « droit » désigne une abstraction que rien ne justifie.
Ce mot signifie simplement ceci. « Donnez-moi ce que je veux afin que je prouve que je suis plus fort que vous. » Où commence le droit ? où finit-il ? en quoi consiste-t-il ? Dans un État où le pouvoir est mal organisé, où les lois et le régime sont inopérants du fait des droits sans nombre que le libéralisme et ses avantages fictifs ont créés, je vois un nouveau droit, le nôtre, qui est celui d’attaquer, de par la loi du plus fort, de me jeter sur tous les ordres et les règlements établis pour les renverser ; de m’emparer des lois, de réorganiser les institutions et de devenir le maître de ceux qui, volontairement et libéralement, ont abandonné leur pouvoir.
8. Par rapport à la fragilité actuelle de tous les pouvoirs, le nôtre est invincible garce qu’il est invisible, et qu’il restera tel jusqu’à ce qu’il ait acquis un degré de puissance tel qu’aucune ruse ne pourra plus le menacer.
— C’est juste le temps qu’il faut.
Bravo Mr Rigaud ! Excellent état des lieux de la situation politique et sociale du Congo du moment !
Comme d’habitude dirais-je, en effet j’apprécie beaucoup vos analyses bien documentées, concises à travers des articles chirurgicaux !
Ici je regrette juste que vous n’ayez pas labouré jusqu’au bout l’éventuel scénario d’une réussite de ce dialogue : dans quelles conditions celui-ci aboutirait-il à résoudre l’impasse actuelle ?
AFRIKARABIA répond : Pour faire simple, il suffirait que Joseph Kabila quitte le pouvoir le 20 décembre pour le laisser aux mains d’une transition négociée sous l’égide de la communauté internationale et qu’il annonce publiquement qu’il renonce à briguer un nouveau mandat.
Mr Rigaud; vous savez bien qu’il n’en prend pas le chemin et surtout qu’il s’est constitué une armure juridique pour s’y enfermer au besoin en même temps qu’il a planté le décor d’une auto-défense militaire mais pour mieux légitimer toute cette résistance, il ne compte pas moins sur son fameux dialogue… Tout cela signifie qu’il est bien conscient que son arrêt de la CC et sa militarisation excessive ne suffisent pas à le mettre complètement à l’abri d’une contestation décisive parce que d’abord c’est bien lui le responsable de l’impasse du moment, coupable d’avoir refusé à dessein la préparation à temps des élections et qu’en conséquence les prescrits constitutionnels qui fixent la fin de son mandat à la fin de l’année demeurent malgré tout actifs aux yeux des Congolais et même de la CI…
« JK » se sait donc vulnérable et est vulnérable. Lorsque l’on sait que la contestation populaire est imprévisible, non seulement on ne sait si elle peut avoir lieu effectivement de façon à vraiment le bousculer mais aussi on ne sait comment elle peut commencer et surtout jusqu’où irait-elle, des risques de dérapages incontrôlables, des victimes et une finalité pas toujours acquise aux contestataires, y’a-t-il à travers ce dialogue ou ailleurs, possibilité d’un compromis politique ou d’une contestation purement politique qui déshabille significativement à terme son pouvoir ?
Peut-on par exemple croire que faute d’un compromis politique, le retrait total de ces discussions (bien peu probable je l’avoue chez les acteurs politiques Congolais) de tous ses adversaires ou du moins les plus représentatifs, l’affaiblirait plus qu’on ne peut penser aujourd’hui ?
Si l’on comprend que pour des raisons personnelles de survie physique et politique d’ailleurs couplées aux soutiens de ses parrains rwandais ou ougandais, « JK » n’est pas décidé à quitter le pouvoir aujourd’hui ou du moins dans ces conditions de sortie, dangereuses à ses yeux et à ceux de ses parrains voisins (regardez le cirque macabre de Beni), n’y a-t-il pas des armes exceptionnelles face à un blocage qui l’est autant à conseiller aux Congolais, je le suis d’origine, et à ses acteurs politiques actifs, je ne le suis pas ?
Voilà le sens d’une partie de mes interrogations, mais je me les pose autant que je vous les pose comme à tout observateur sans en attendre bien sûr des réponses acquises, impossibles dans ce genre d’exercice…
PS
Perriello, l’émissaire américain a ajouté dans sa misse en garde sur les violences possibles d’un scrutin différé ou raté une incise qui peut donner à penser : « si ingérence étrangère » ! Que voulait-il dire par cette allusion : craint-il l’irruption des armées étrangères (rwandaises, ougandaises, angolaises…) à la rescousse ou contre un « JK » déstabilisé de l’intérieur (intérieur est ici un grand mot lorsque l’on sait qu’il y’a déjà des forces étrangères infiltrées dans la garde rapprochée de « JK ») ou déplorait-il leur propre impuissance (celle de la CI et en tête les Usa) à ne vouloir ou à ne pouvoir s’impliquer directement en cas de besoin sur le terrain Congolais ?
Je voulais juste souligner que l’équation Congolaise se conjugue aussi en termes de soutiens (ou de contestations) de la part des étrangers et d’abord de ses voisins dont les proches et les plus impliqués sont les rwandais et les ougandais et un peu en retrait les angolais mais aussi de la CI au delà des mers (que fait, que ferait la Monusco ?)..
La dernière tournée de « JK » en Ouganda puis presque contre toute attente au Rwanda (avec rétablissement précipité des relations diplomatiques jusque-là gelées) et toute la tragédie de Beni dans laquelle le pouvoir de Kinshasa est notoirement impuissante sinon complice sont éloquentes…
Mais bien sûr pour que tous ceux-là entrent dans la danse, il faut bien que « JK » en soit acculé à user de la force, ce qui n’est pas non plus acquis car il peut s’avérer que son »règne par défi » continue à se prolonger, à passer comme une lettre à la poste comme à l’accoutumée…
N’empêche que ma première question se pose toujours : que serait la part de la fameuse CI dans tous ses scénarii ?