D’ici la mi-juillet,une nouvelle Brigade spéciale d’intervention de l’ONU de 3.000 hommes aura pour mission de mettre fin à la guerre en RDC. Son mandat « offensif » réussira-t-il à « neutraliser et désarmer » les groupes armés ? Les militaires pourront-il ramener la paix dans les Kivus sans une approche politique du conflit ? Beaucoup en doute.
L’ONU a décidé de frapper un grand coup à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Souvent accusées d’impuissance dans un conflit qui dure depuis plus de 15 ans, les Nations-unies ont décidé d’employer la manière forte et « d’imposer la paix » selon les propres termes de Ban Ki-moon, en visite à Goma, le 23 mai dernier. Les rebelles du M23 avait prévu un « comité d’accueil » sur mesure, en réactivant les hostilités avec l’armée régulière quelques jours auparavant. Bons princes, les rebelles ont accepté de cesser les combats durant la visite du secrétaire général de l’ONU, histoire de bien montrer à la communauté internationale qu’ils dominaient la situation militaire.
3.000 casques bleus « offensifs«
Le voyage de Ban Ki-moon à Goma laisse pourtant plus de questions que de réponses. Après 14 ans d’impuissance face aux multiples crises qui ont secoué la RDC et l’échec de la prise de Goma par les rebelles du M23 en novembre dernier, la Mission des Nations unies au Congo (Monusco) cherche toujours la solution au conflit des Kivus. Avec l’arrivée de la Brigade d’intervention, prévue à la mi-juillet et composée de 3.000 casques bleus munis d’un mandat « offensif« , Ban Ki-moon croit avoir trouvé une des clés du problème. L’objectif affiché est de palier à l’inefficacité de l’armée régulière (FARDC), qui n’est plus que l’ombre d’elle-même sur le terrain militaire. Avec ce nouveau mandat, le premier de ce type dans l’histoire de l’ONU, Ban Ki-moon espère donner un coup d’arrêt aux groupes rebelles : essentiellement le M23… et les FDLR. Mais il faut savoir que l’Est de la RDC est victime d’une vingtaine de groupes armés et qu’il sera difficile, sur un territoire aussi grand, de courir après tout le monde en même temps.
Doutes sur le caractère « guerrier » de la Brigade
La liste des difficultés que devra rencontrer la future Brigade ne s’arrête pas là. Outre le risque de dommages collatéraux sur les populations civiles, qui écornerait sévèrement l’image des casques bleus, la Brigade sera perçue désormais comme « partie prenante » du conflit par le M23, les FDLR et les groupes Maï-Maï. Autre problème : Quel niveau de risque feront prendre les pays contributeurs à leurs soldats ? On sait qu’en Tanzanie et même en Afrique du Sud, deux pays qui participent à la Brigade, la question continue de faire débat, ce qui expliquerait d’ailleurs la lenteur de sa mise en place. Pour Kris Berwouts, un analyste indépendant, spécialiste de l’Afrique centrale : « le M23 a joué remarquablement avec les opinions publiques tanzaniennes et sud-africaines » et il se demande « quelles seront les réactions à Dar Es Salaam et Prétoria quand les premiers corps des soldats reviendront des Kivus« . Sur le site de Voice of America, le responsable d’International Crisis Group (ICG) pour l’Afrique centrale, Thierry Vircoulon, ne croit pas au caractère « offensif » et « guerrier » de la Brigade. Pour preuve, le spécialiste d’ICG, note l’appel du président tanzanien au Rwanda, l’encourageant à négocier avec les FDLR. Une prise de position qui sème le doute, pour Thierry Vircoulon, sur la « détermination » de la Brigade à faire la guerre dans les Kivus. Kris Berwouts, pense d’ailleurs que « la stratégie du M23 sera dans un premier temps de faire rapidement des victimes dans les rangs de la Brigade« , afin de décourager et démoraliser les opinions publiques des pays contributeurs.
Pas de militaire sans politique
La solution militaire sera-t-elle suffisante pour ramener la paix dans les Kivus ? Certainement pas. « L’action militaire peut créer un peu d’espace, un peu de souffle, pour laisser place à l’action politique, mais rien n’indique que l’on va dans cette direction« , explique Kris Berwouts. Et de regretter que « l’action militaire ne soit pas soutenue par une démarche politique plus convaincante« . En effet, si des avancées sur la bonne gouvernance, la restructuration de l’armée, l’indépendance des institutions, la volonté d’un dialogue national, sont fortement « recommandées » par l’ONU… rien n’est encore effectif. Le militaire sans solution politique risque donc de déboucher sur une impasse. Ce qui fait dire à Kris Berwouts que « l’espace ne restera pas vide très longtemps dans les Kivus. Si la Brigade réussie à affaiblir un groupe armé sur le terrain, un autre occupera rapidement l’espace laissé libre par le premier« .
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo © Ch. Rigaud www.afrikarabia.com