Les manifestations de l’opposition, interdites dans la plupart des villes congolaises, ont toutes été dispersées violemment ce jeudi. Une répression qui permet au pouvoir d’éviter, pour le moment, la contagion aux provinces et notamment à Lubumbashi.
Chaque journée de contestation rime désormais avec répression en République démocratique du Congo (RDC). Ce jeudi, trois grandes plateformes d’opposition appelaient les Congolais à descendre dans la rue pour protester contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle autorisant le président Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de son dernier mandat. Mais les slogans des manifestants d’aujourd’hui étaient beaucoup plus explicites sur l’avenir du chef de l’Etat : « Kabila dégage ! Yebela ! (méfie-toi),Telema (lève-toi) ou Non au troisième mandat ! ».
Goma a bravé l’interdiction de manifester
A part Kinshasa, les « marches pacifiques » de l’opposition avaient été majoritairement interdites par les autorités provinciales. A Goma, Lubumbashi, Matadi, Mbuji Mayi ou Butembo… la police étaient très présentes dès le matin dans les rues pour dissuader les manifestants les plus téméraires. C’est dans la capitale du Nord-Kivu, Goma, que les incidents ont été les plus violents. Des centaines de personnes avaient bravé l’interdiction du gouverneur Julien Maluku pour manifester leur opposition au président congolais. Les forces de sécurité ont rapidement dispersé les manifestants. Des témoins relatent des coups de feu et des tirs de gaz lacrymogènes. Un premier bilan fait état de 1 mort, 4 blessés et de plusieurs arrestations. A Butembo, toujours au Nord-Kivu, un homme en moto a été tué en marge de la manifestation… une information qui n’a pas été confirmée officiellement ce jeudi soir.
Manifestation autorisée à Kinshasa… mais réprimée
A Kinshasa, où la manifestation était autorisée, la marche a également été réprimée. Le parcours ayant été modifié par les autorités, la police a dispersé les manifestants « dès qu’ils se sont éloignés du parcours autorisé ». C’est du moins ce qu’a expliqué un responsable de la police à l’AFP. Là encore, des blessés et des arrestations sont à déplorer, sans en connaître encore le nombre exact. Selon plusieurs sources, environ 5.000 personnes participaient au rassemblement dans la capitale congolaise. Un chiffre que conteste l’opposition, qui parle de plusieurs dizaine de milliers, alors que les autorités n’en comptaient que 1.500. Un proche conseiller du président Kabila parle même « d’échec » sur Twitter. A signaler qu’aucun incident n’a été relevé lors dans marches de Bunia, Bukavu et Uvira.
Sans Katumbi… Lubumbashi déserte
La leçon de cette mobilisation est à chercher du côté de Lubumbashi, la capitale et l’ex-Katanga, où la marche était interdite par les autorités. Le fief du nouvel opposant, Moïse Katumbi, hospitalisé en Afrique du Sud, est resté désert ce jeudi. La police ayant quadrillé la ville pour éviter tout rassemblement. Mais contrairement à Goma, où plusieurs centaines de personnes ont braver l’interdiction et contourné, un temps les forces de l’ordre, rien ne s’est passé à Lubumbashi. Il faut dire que depuis maintenant plusieurs mois, et notamment depuis le départ de Moïse Katumbi de la majorité présidentielle, la capitale du cuivre s’est massivement militarisée. Des chars sont même arrivés en provenance d’autres provinces. Le camp présidentiel surveille en effet la situation katangaise comme le lait sur le feu. La province est riche, très riche et forte pourvoyeuse de voix lors des élections.
Le pouvoir évite (pour le moment) la contagion
En maintenant la pression policière maximale et en interdisant les manifestations dans les grandes villes, le pouvoir a réussi, pour le moment, à juguler la contestation et surtout à éviter la contagion. Le risque pour Kinshasa est bien sûr l’embrasement du pays dans un vaste mouvement anti-Kabila. Le probable report de l’élection présidentielle et la forte répression sur les opposants politiques pourraient pousser les Congolais à descendre massivement dans la rue. Pour l’heure, ce n’est pas encore le cas. Mais à jouer avec le feu en réprimant systématiquement les manifestations et en bâillonnant les opposants, le président Joseph Kabila pourrait rapidement se faire déborder par une rue plus virulente. Ce qu’il faut retentir de cette journée n’est pas forcement le faible nombre de manifestants, mais plutôt la détermination de nombreux Congolais à descendre dans la rue malgré les interdictions, la répression et le danger. Et le nombre de ces personnes a augmenté lors des rassemblements de ce jeudi. Un signe qui démontre que le mouvement pourrait rapidement se radicaliser.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia