Trois scénarios ont été proposés lors du dialogue national pour faire face au retard du processus électoral. Des hypothèses qui repoussent l’élection présidentielle à plusieurs mois.

En 2011, les résultats des élections générales avaient été jugés « non-crédibles » par l’Union européenne © Licence creative commons – Monusco – Sylvain Liechti
La révision du fichier électoral constitue l’un des principaux points d’achoppement entre la majorité et l’opposition au cours du dialogue national qui se déroule en ce moment à Kinshasa. Au centre de la crise politique qui couve en République démocratique du Congo (RDC), l’élaboration d’un nouveau fichier d’électeurs bute sur les nombreux retards accumulés par la Commission électorale (CENI) depuis les élections chaotiques de 2011. En cinq ans, la donne a pourtant considérablement changé. Selon plusieurs expertises internationales, le fichier comprend toujours quelque 400.000 doublons (des électeurs enregistrés deux fois), mis aussi 1,6 millions d’électeurs décédés toujours sur les listes et 8,5 millions de nouveaux majeurs non-inscrits. Des anomalies qui ont été régulièrement dénoncées par l’opposition et la communauté internationale. Pourtant, depuis 2011, rien n’a été fait par la CENI pour corriger le fichier électoral. En cause notamment, le gouvernement congolais qui n’a pas décaissé les sommes nécessaires à cette révision. Un « manque de volonté politique » dénoncé par l’opposition qui accuse le camp présidentiel de retarder sciemment le processus électoral pour permettre à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir au-delà de la fin de son mandat, prévu fin 2016.
3 scénarios pour 1 glissement
Devant les 280 délégués du dialogue national ce mercredi, le président de la Commission électoral, Corneille Naanga, a présenté trois options pour la révision du fichier électoral – télécharger ici son exposé complet. Premier scénario : garder le fichier en l’état avec toutes ses imperfections, dans l’espoir (bien mince) de respecter les délais constitutionnels. Second scénario : réviser partiellement le fichier, en incorporant notamment les nouveaux majeurs et les Congolais de l’étranger. La troisième option consisterait en une refonte totale du fichier, avec l’inconvénient d’un large débordement du calendrier électoral. C’est ce dernier scénario qui obtient les faveurs de la CENI et de la Majorité présidentielle. Problème : la Commission prévoit une durée de 16 mois et 1 jour pour revoir intégralement les listes électorales. Une option qui reporterait l’élection présidentielle après juillet 2017… dans le meilleur des cas. L’opposition présente au dialogue préconise une durée maximale de 120 jours de « glissement » du calendrier après la fin du mandat de Joseph Kabila, fixée au 19 décembre 2016.
Un dialogue toujours non inclusif
Pour l’heure, aucun compromis n’a été trouvé entre majorité et opposition sur la révision du fichier électoral… et donc le report de la présidentielle. La route parait d’autant plus longue avant un possible accord, que même le terme « d’alternance » n’a visiblement pas le droit de cité pendant les débats, dans l’enceinte du dialogue. Car en dehors de la question du calendrier électoral, le maintient au pouvoir de Joseph Kabila après le 19 décembre constitue le second point de fixation des débat. Rappelons tout de même que la majeure partie de l’opposition congolaise, composée du Rassemblement d’Etienne Tshisekedi, du MLC de Jean-Pierre Bemba et du G7 de Moïse Katumbi, continue de boycotter le dialogue. Ces opposants récusent le facilitateur, Edem Kodjo, « trop proche du pouvoir » et exigent des préalables au dialogue, comme la libération des prisonniers politique et l’arrêt des poursuites judiciaires à l’encontre de Moïse Katumbi. Préalables restés lettre morte. L’absence de Tshisekedi et Katumbi enlève, pour le moment, toute légitimité au dialogue, où seule l’UNC de Vital Kamerhe et quelques alliés ont accepté d’y participer. Mais le dialogue n’est pas encore terminé, il reste au minimum 10 jours pour trouver un terrain d’entente entre les délégués de la Majorité et de l’opposition. Reste pourtant à savoir quel poids pourrait avoir les conclusions d’un dialogue en l’absence des principaux leaders de l’opposition ? Sans doute bien maigre.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia