Les ONG Raid et Afrewatch s’alarment de la pollution toxique provenant de l’industrie minière dans le sud du Congo, et dénoncent « une zone sacrifiée ».
L’énergie verte l’est-elle vraiment ? La forte demande de minerais pour la production des batteries des véhicules électriques place le secteur minier de la République démocratique du Congo (RDC) sous haute tension. Et les conséquences sociales et écologiques sont souvent désastreuses pour les habitants qui vivent à proximité des mines industrielles de cobalt dans le Sud du pays. Un nouveau rapport des ONG Raid et Afrewatch révèle que « la pollution toxique de l’eau provenant de l’extraction du cobalt a des répercussions humaines et environnementales dévastatrices ». L’étude s’est déroulée sur 19 mois et dans 25 villages. 144 habitants vivants près des grandes mines de cobalt et de cuivre de l’ex-Katanga ont été interrogés. Le constat est accablant et remet en cause l’idée d’une énergie « propre et durable » que les Congolais de la région paient au prix fort.
« la pollution affecte la santé gynécologique et reproductive des femmes »
Le rapport des deux ONG s’est essentiellement focalisé sur la pollution de l’eau et ses conséquences sur la santé des habitants, mais aussi sur les écosystèmes locaux et l’agriculture. L’absence récurrente d’eau potable en RDC oblige les Congolais de ces zones minières à utiliser de l’eau contaminée pour leurs besoins quotidiens. L’enquête montre que « 56 % des personnes interrogées ont déclaré que la pollution affecte la santé gynécologique et reproductive des femmes et des filles, entraînant des menstruations irrégulières, des infections urogénitales, des fausses couches plus fréquentes et, dans certains cas, des malformations congénitales ». Les maladies de peaux sont également légions dans la région.
Baisse des rendements agricoles
Les conséquences économiques de la pollution de l’eau par l’industrie minières sont également considérables. « Les rendements des champs et terres cultivées sont considérablement réduits en raison de la contamination de l’eau, avec des conséquences radicales sur leurs revenus. En outre, 59 % ont signalé avoir réduit leur ration alimentaire à un repas par jour, 59 % ont retiré leurs enfants de l’école par manque d’argent et 75 % ont déclaré ne plus avoir les moyens de payer les soins de santé ou les médicaments », constate le rapport. Ce qui fait dire à Raid et Afrewatch que « la région des mines de cobalt et de cuivre de la RDC semble se transformer en une zone sacrifiée ».
Des rivières « hyper-acides »
Les scientifiques consultés s’alarment également de la pollution de l’eau. Une vingtaine d’études scientifiques consultées par les deux ONG démontrent que « les rivières, les lacs, les ruisseaux et les zones humides du secteur sont fortement pollués par les activités minières ». Pire, les propres rapports et évaluations des sociétés minières, analysés par Raid et Afrewatch, « identifient aussi clairement les risques environnementaux et les impacts potentiels sur la santé humaine résultant de l’extraction industrielle de cobalt ». Des analyses complémentaires ont été sollicitées par les ONG auprès de l’Université de Lubumbashi montrent que les eaux étudiées sont toutes touchées par la pollution industrielle. « Les rivières Katapula et Kalenge ont été classées comme hyper-acides, tandis que les rivières Dipeta et Dilala ont été évaluées comme très acides » note l’étude scientifique.
Des entreprises qui font l’autruche
Interpellées, les sociétés minières affirment avoir pris des mesures pour réduire la contamination de l’eau. Pourtant, « aucune société n’a souhaité fournir des preuves confirmant l’efficacité de ses pratiques » indique Raid et Afrewatch. Les entreprises minières arguent que ces pollutions seraient plus anciennes et proviendraient de l’exploitation minière artisanale, ou à d’autres secteurs d’activités. Pourtant, les deux ONG ont relevé « au moins 14 incidents importants de pollution environnementale toxique provenant des cinq mines avaient été signalés au cours des dernières années ».
Les grands perdants de l’exploitation minière
Un habitant vivant à proximité d’une mine se désole : « Nous vivons dans un environnement qui nous apporte plus de problèmes que de solutions. Nous tombons malades, nos sols et notre eau sont pollués et nos terres nous sont enlevées. » Un autre habitant interrogé par Raid et Afrewatch s’indigne : « Nous sommes les grands perdants de l’exploitation minière ». Ce qui met en colère les ONG environnementales, c’est notamment « qu’aucune des entreprises n’a respecté les normes minimales d’approvisionnement en eau potable fixées par les réglementations ». Cette enquête jette également une lumière crue sur l’incurie des autorités congolaises « incapable de faire respecter les protections environnementales ».
Les constructeurs automobiles devant leurs responsabilités
« Nos recherches révèlent un décalage flagrant entre les revendications de « cobalt propre » de l’industrie et la dure réalité à laquelle sont confrontées les communautés congolaises » pointe Anneke Van Woudenberg, directrice exécutive de Raid. « Les constructeurs de véhicules électriques qui achètent du cobalt doivent s’assurer qu’il provient de sources responsables et devraient exiger que les sociétés minières assainissent leurs pratiques. » Tesla, Volkswagen, Mercedes Benz, BYD et General Motors, entre autres, se fournissent en cobalt congolais.
Christophe Rigaud – Afrikarabia