L’ONU s’inquiète des violences commises depuis plusieurs mois par le conflit intercommunautaire entre ethnies Hema et Lendu dans l’Est du Congo. L’agence pour les réfugiés (HCR) a récemment recueilli de nombreux témoignages du calvaire des déplacés qui hésitent encore à retourner dans leur village.
Massacres à huis clos en Ituri. Dans cette province de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), le conflit foncier autour des terres disputées entre les éleveurs Hema et les agriculteurs Lendu a provoqué la fuite de 350.000 personnes depuis décembre dernier. Au mois de juin, 260 personnes ont été tuées dans ces violences intercommunautaires, mais la population commence à regagner petit à petit ses foyers, la peur au ventre.
« Les gens se font découper en morceaux »
Le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR) estime à 150.000 le nombre de Congolais qui reviennent actuellement en Ituri . Mais les conditions de ces retours restent « désastreuses » selon l’agence de l’ONU, qui a pu se rendre pour la première fois dans certaines zones touchées par le conflit. Si la violence a baissé d’un cran dans la région, l’insécurité persiste.
« J’aurais trop peur d’aller travailler dans les champs maintenant… Les gens se font découper en morceaux » raconte au HCR Pascaline, 59 ans, qui a fui le village de Dese avec ses quatre petits-enfants en février dernier. Elle vit aujourd’hui dans un site de déplacés internes près de l’hôpital de Bunia, la capitale provinciale de l’Ituri, dans des conditions difficiles. « Parfois, nous ne recevons que la moitié des rations alimentaires. Je suis souvent malade, et les enfants aussi. »
« Ils ont tout brûlé »
Rith, 22 ans, s’est également réfugiée à Bunia « après l’explosion de violence à Largu » sa ville natale. Depuis, elle est retournée à Katoto, dans le territoire de Djugu mais comme beaucoup d’autres, elle n’a pas pu retrouver son foyer. « Ils ont brûlé notre maison. Ils ont tout brûlé. J’avais un champ où je cultivais des légumes. Ils ont brûlé ça aussi » explique-t-elle au HCR. « Notre équipe a entendu de nombreux et déchirants témoignages sur des violences barbares, notamment du fait de groupes armés attaquant des civils » dénonce Charlie Yaxley, un porte-parole de l’agence de l’ONU pour les réfugiés.
Les conditions de vie à Bunia restent précaires pour les déplacés, et ce, malgré l’aide humanitaire. « Nous sommes huit dans cette petite tente », témoigne Betso, 70 ans, qui campe avec sa femme et ses sept enfants. « Nous dormons par terre, car nous n’avons pas de matelas. Il fait froid la nuit. Nous ne savons pas où mettre nos enfants, ils ne peuvent dormir que sur un morceau de toile cirée. »
Manque de fonds
Pour Betso, envisager un retour est pour l’instant délicat. « J’aimerais que nous retournions chez nous mais pour vivre où ? Nous n’aurions pas de toit au-dessus de nos têtes. Et pour manger quoi ? Nous ne pouvons plus accéder à nos champs. J’avais l’habitude de vendre de l’huile sur le marché, mais mon magasin a été pillé. »
Le HCR fournit des kits d’urgence et des abris pour remplacer les maisons endommagées ou détruites, mais le manque de fonds continue de compliquer l’aide humanitaire. Le HCR n’a reçu que 17 % de la somme des 201 millions de dollars demandés dans le cadre de son appel de fonds pour l’aide humanitaire en République démocratique du Congo.
Des déplacés oubliés
Avec de l’argent qui n’arrive pas, le HCR se dit particulièrement préoccupé par le nombre élevé d’enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère dans la région et averti que ses « efforts pour fournir l’aide nécessaire dans la région étaient entravés par un sous-financement critique ». « Avec le manque de financement humanitaire, ces gens sont oubliés et laissés pour compte », déplore Charlie Yaxley. Et avec les autres conflits dans les Kasaï, le Nord et le Sud-Kivu, la RDC vient battre cette année un triste record, avec un peu plus de 4,5 millions de déplacés internes sur son territoire.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia