Armements, camps de base, objectifs militaires, négociations secrètes… Le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU pour la République démocratique du Congo (RDC) revient en détail sur la chronologie et les conditions de la résurgence des rebelles du M23.
Depuis fin mars, le Nord-Kivu vit au rythme des offensives de la rébellion du M23 qui effectue un retour spectaculaire dans le conflit congolais. Alors que les autorités de Kinshasa peinent à lutter contre la centaine de groupes armés de la région, la résurgence de cette rébellion, défaite en 2013 après avoir occupé la ville de Goma pendant une dizaine de jours, plonge de nouveau le Nord-Kivu dans le chaos. Selon l’ONU, 158.000 personnes, dont la moitié d’enfants, ont été déplacées dans les territoires de Rutshuru et Nyiragongo suite aux affrontements entre l’armée régulière et le M23.
Pour comprendre la réapparition brutale de cette rébellion, qui n’avait pas fait parler d’elle depuis presque 10 ans, il faut remonter à la défaite du M23 en 2013, qui avaient poussé les rebelles à se retirer dans des camps en Ouganda et au Rwanda. Un accord avait été signé avec Kinshasa, annonçant la dissolution du M23 en tant que groupe armé, et fixant la démobilisation, la démilitarisation du mouvement, ainsi que sa réintégration dans la société congolaise, assortie d’une amnistie conditionnelle pour certains de ses membres.
Des négociations qui tournent court
Le temps a passé, et comme souvent au Congo, l’accord n’a jamais été appliqué. Faute de moyens, mais aussi de volonté politique. Mais en janvier 2017, face à des accords au point mort, la branche du M23 de Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga quitte le camp de Bihanga en Ouganda pour revenir en République démocratique du Congo et établir une base sur le mont Sabinyo, dans le parc national des Virunga. C’est ce que révèle le dernier rapport du groupe d’experts des Nations unies pour le Congo, remis récemment au Conseil de sécurité.
Au Congo, le M23 reste discret jusqu’à novembre 2021, où il lance une première série d’attaques contre l’armée congolaise et des membres de l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN) à la frontière entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Les experts de l’ONU indiquent ensuite que des négociations confidentielles entre le gouvernement congolais et une délégation du M23, qui avaient débuté en septembre 2020 et s’étaient poursuivies pendant 14 mois, se terminent en queue de poisson. La délégation repart discrètement dans les montagnes du Nord-Kivu avec le sentiment que Kinshasa rester inflexible.
Ouganda, Burundi… Tshisekedi « ouvre la boîte de Pandore »
L’enlisement des négociations entre Kinshasa et le M23 serait donc une première raison avancée par les rebelles pour reprendre les armes et obliger ainsi les autorités congolaises à négocier et respecter les accords de 2013. Mais un autre événement va également réactiver les tensions. Pour lutter contre les groupes armés qui sévissent à l’Est du Congo et que l’armée congolaise peine à éradiquer, le président Tshisekedi autorise l’Ouganda et le Burundi à entrer sur le territoire national pour combattre les ADF (au Nord-kivu et en Ituri) et les Red Tabara (au Sud-Kivu). Pour Peter Fabricius, consultant à l’Institut for Security Studies (ISS), le chef de l’Etat congolais « a ainsi provoqué une réaction violente » du président rwandais Paul Kagame, et « ouvert la boîte de Pandore » à l’Est de son pays.
Le rapport du groupe d’experts de l’ONU apporte de nombreuses précisions sur le mode de fonctionnement du M23. Sur le plan militaire, le groupe rebelle est commandé par Sultani Makenga, alors que sur le terrain, c’est le colonel Youssouf Mboneza qui assure la direction des opérations. Bertrand Bisimwa, qui a été obligé de quitter l’Ouganda, s’occupe de diriger l’aile politique du mouvement. On apprend également que, selon l’ONU, l’hélicoptère de la Monusco qui s’est écrasé le 29 mars vers Tchanzu, faisant 8 morts, « a été touché par un tir direct qui provenait d’une colline contrôlée par le M23 ».
« Des voies d’entrée et de sortie » par le Rwanda et l’Ouganda
Des images du Mécanisme conjoint de vérification élargi, un organe de médiation régionale, montrent que le quartier général du M23 était situé sur le Mont Sabinyo, côté congolais, mais où se rejoignent les frontières de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda, « offrant au mouvement un avantage stratégique en ce qui concerne les voies d’entrée et de sortie ». Autrement dit, le M23 traverse régulièrement les frontières rwandaises et ougandaises. Le M23 possède également d’autres camps sur le Mont Visoke, en République démocratique du Congo, « près de la frontière avec le Rwanda et à une courte distance de la frontière entre le Rwanda et l’Ouganda » note le groupe d’expert de l’ONU.
Alors que Kinshasa accuse désormais clairement le Rwanda de soutenir en hommes et en armes le M23, le rapport des Nations unies beaucoup moins catégorique sur la question. Les experts notent tout de même que « la fréquence, la durée et l’intensité des attaques du M23, tout comme le nombre de victimes des FARDC, indique un plus grand degré de « professionnalisme », un recrutement plus actif et de meilleures capacités de réapprovisionnement ». L’armée a également signalé la présence d’individus portant des uniformes des Forces de défense rwandaise (RDF) dans des camps du M23. Une information « qui a été confirmée par des images aériennes et des preuves photographiques ».
Objectif Goma ?
Pour accréditer la thèse du soutien rwandais à la rébellion, le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu avait présenté deux soldats rwandais capturés sur le sol congolais. « Cependant, les deux soldats en question avaient été arrêtés bien avant la déclaration du porte-parole du gouverneur, soulignent les experts de l’ONU. L’un avait été capturé en janvier 2022 par le groupe armé CMC, tandis que l’autre avait été arrêté par les FARDC, également en janvier 2022 ». Pourtant, même si ces soldats étaient bien sur le sol congolais, « le Mécanisme conjoint de vérification élargi a précisé qu’il n’était toujours pas possible de savoir si la résurgence du mouvement était le résultat d’un quelconque soutien étranger ».
On le voit, la prudence de l’ONU et du Mécanisme régional de vérification, reste de mise sur le soutien du Rwanda au M23. Ce dernier rapport laisse pourtant peu de place au doute sur le fait que Kigali autorise le M23 à utiliser son territoire pour se déplacer et se ravitailler. Des doutes subsistent sur la fourniture en arme du M23. Si le rapport de l’ONU explique, à juste titre, que le M23 récupère ses armes auprès des FARDC après ses conquêtes, la sophistication de certains armements et équipements militaires pose question. Les autorités congolaises affirment clairement que le Rwanda soutient également le M23 en armes et munitions.
Les interrogatoires d’anciens membres du M23 par le groupe d’experts de l’ONU montrent enfin que le principal objectif militaire du M23 est « d’occuper les villes de Bunagana (ce qui est fait depuis le 13 juin), Rutshuru et Rumangabo, afin de couper la route stratégique Goma-Rutshuru, puis de prendre Goma ». L’histoire semble se répéter à l’infini dans cette région du Congo. Comme en 2012, le M23 cherche une nouvelle fois à faire tomber la capitale du Nord-Kivu pour force le gouvernement à négocier. Le M23 pourrait donc, 10 ans après, occuper à nouveau Goma… pour les mêmes raisons.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Si j’ai bien compris les dessous du retour du M23 tels que relates ci-dessus il y’a un evenement-cle qui bouscule la sequence en cours : l’autorisation de Tshisekedi à l’Ouganda de combattre sur le sol Congolais les ADF au Nord-kivu et en Ituri, et au Burundi d’entrer pour poursuivre ses rebelles Red Tabara (au Sud-Kivu). Qu’importe il y’a dessus un element majeur qui n’a pas ete suffisament exploite. La reaction violente de Kagame non seulement accuse sa strategie illegale de tutelle sur le Congo et la region mais aussi et surtout accuse Kagame d’etre derriere le M23. Le probleme est qu’il y’a bien peu de personnes qui s’occupent du sort des pauvresbCongolais mais continuent a pardonner au regime de Kagame ses delits et crimes pour culpabulisation de n’avoir pu arreter le genocide en 1994. Un genocide dans lequel, rappelons-le, aucun Zairo-Congolais ne prit part.
Et ici n’oublions pas que l’accord signe avec le M22 apres leur defaite en 2013 actait leur dissolution en tant que groupe armé et fixait les conditions de leur démobilisation, leur démilitarisation ainsi que de leur réintégration dans la société congolaise, assortie d’une amnistie conditionnelle au cas par cas et non collective et l’inegibite a ces condituons pour les tenors du mouvement.