La stratégie des « dauphins », que pourrait désigner Joseph Kabila pour lui succéder, risque d’affaiblir la majorité présidentielle, de susciter des vocations de candidatures dans son propre camp et d’ouvrir les vannes d’une guerre de succession.
Les rumeurs vont bon train à Kinshasa pour savoir qui pourrait bien succéder à Joseph Kabila dans le camp présidentiel. Des « fuites » savamment orchestrées dans la presse affirment que le président congolais envisagerait de désigner un « dauphin » pour lui succéder à la tête du Congo. Empêché par la Constitution de briguer un troisième mandat, Joseph Kabila examinerait la possibilité de mettre en avant un de ses hommes pour le représenter à la présidentielle de 2016… une solution « temporaire », en attendant peut-être de reprendre son fauteuil à la prochaine présidentielle de 2021. Pourtant ce pari pourrait s’avérer risqué pour le jeune président congolais.
« Respectez la Constitution ! »
A seulement 44 ans et après 14 ans d’exercice du pouvoir, on peut douter de la volonté de Joseph Kabila de se retirer de la vie politique en 2016. Sur ce sujet (comme sur d’autres) le président congolais garde le silence, mais son entourage entretient le suspense. Dans un premier temps, ses proches plaidaient pour une modification de la Constitution permettant à Joseph Kabila de briguer un troisième mandat. Un simple changement de l’article 220 pouvait ouvrir la porte à une troisième réélection. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Mal réélu après des élections chaotiques et contestées en 2011, Joseph Kabila devient rapidement vite la cible l’opposition congolaise qui refuse que l’on « touche à la Constitution ». John Kerry, à Kinshasa en mai 2014 et François Hollande, en novembre de la même année à Dakar font passer un message clair au président Congolais : « respectez la Constitution ! ».
Janvier 2015 : le pouvoir prend peur
Entre temps, l’histoire s’accélère à Ouagadougou, où le président Blaise Compaoré, qui souhaite aussi changer la loi fondamentale pour se maintenir au pouvoir, se fait chasser de son fauteuil après quelques jours d’émeutes. Sous pression internationale et craignant que le modèle Burkinabé débarque à Kinshasa, la majorité présidentielle abandonne le « tripatouillage constitutionnel » et propose alors une « simple » modification de la loi électorale. Mais dans la capitale congolaise, personne n’est dupe. Un alinéa du texte conditionne la tenue des élections générales à un recensement complet de la population qui pourrait prendre plusieurs années. L’opposition craint un glissement du calendrier électoral qui permettrait à Joseph Kabila de rester au pouvoir après 2016. Deuxième déconvenue pour le pouvoir : en janvier 2015, la rue kinoise s’empare de la modification de la loi électorale et proteste dans plusieurs quartiers de la capitale. Les manifestations tournent à une fronde anti-Kabila et la répression policière est violente, faisant au moins 42 morts. Les émeutes se poursuivent plusieurs jours et les étudiants prennent le relai sur les campus. A Goma, la jeunesse descend également dans la rue. Et après 3 jours d’affrontements, le pouvoir prend peur. Le gouvernement capitule en retirant l’alinéa litigieux.
Le ballon d’essai des « dauphins »
Après toutes ces déconvenues, le camp présidentiel doit enclencher de nouvelles stratégies pour se maintenir au pouvoir. Une des dernières en date consiste à désigner un « dauphin » à Joseph Kabila pour se présenter à sa place en 2016, quitte à lui rendre le fauteuil à la prochaine présidentielle de 2021. Ce scénario à la « Poutine-Medvedev » est aujourd’hui à l’étude. Les réunions se multiplient dans la ferme présidentielle de Kingakati et des « fuites » sont organisées dans la presse afin de tester le scénario dans l’opinion. Deux personnalités de la majorité tiennent le haut du pavé dans le rôle du « dauphin idéal ». Evariste Boshab, patron du parti présidentiel (PPRD) et ministre de l’Intérieur tient la corde. Il est « offensif, agressif » et tient plus ou moins le parti et ses caciques. Seule question : sera-t-il loyal et laissera-t-il Joseph Kabila revenir à son poste après avoir goûté à la magistrature suprême ? Beaucoup en doute. Le Premier ministre Patata Ponyo fait office de challenger. « Sérieux, rassurant pour les bailleurs internationaux », c’est le bon élève par excellence. Atout de taille : il peut apparaître plus loyal que son collègue Boshab. Inconvénient : « ce n’est pas un politique et il maîtrise mal les arcanes de la majorité présidentielle » affirme un observateur politique.
Appel d’air
Mais en ouvrant la boite de pandore des « dauphins », le président Kabila risque de susciter des vocations dans la multitude de partis qui composent la majorité présidentielle, jusqu’au sein même du PPRD, son propre parti. Si le « chef » quitte le navire, même le temps d’une élection, la voie peut s’ouvrir pour de nouvelles candidatures. Joseph Kabila pourrait voir sa majorité s’étioler et imploser en cas de non-candidature présidentielle. Depuis sa réélection contestée de 2011, Joseph Kabila sait qu’il doit à tout prix élargir sa majorité. Mais il a raté deux grands rendez-vous : les Concertations nationales (inachevées) et le nouveau remaniement du gouvernement Matata II (trop étriqué). Dans le contexte d’une majorité trop « plurielle », il y aura sans doute plusieurs candidats du camp présidentiel et dans une élection à un seul tour, le risque est grand de ne pas arriver an tête. Car, en embuscade, se tiennent des « électrons libres », comme Moïse Katumbi ou Gabriel Kyungu, qui pourraient « siphonner » de nombreuses voies promises au candidat de la majorité. L’équation s’avère donc délicate pour le président congolais. Reste un dernier « scénario » qui n’a pas encore été testé au grand jour : celui d’une candidature « familiale ». La soeur du président, Jaynet ou son propre frère, Zoé, pourraient faire de très bons compromis. Avec un grand mérite : celui de faire taire toutes les luttes intestines dans le camp présidentiel… pour un temps au moins.
Christophe RIGAUD – Afriakrabia
La solution du dauphin parraissait la plus logique et la plus facile a gerer si et seulement si elle etait envisagee des 2011 et preparee des lors. C’est vrai qu’elle n’est pas evidente compte tenu de la nature de la majorite presidentielle. Mais ces difficultes auraient pu etre surmontees petit a petit des lors que le choix etait clair que l’on designerait un dauphin.
Mais en venant poser cette solution en dernier lieu a seulement quelques mois de la presidentielle, et tenant compte de l’ambition affichee de plusieurs cadres comme Katumbi, il est evident que cette option s’avere etre la plus risquee. Certes elle profitera au pays – dans son processus de democratisation- mais il n’est pas evident qu’elle profite a JK lui-meme.
Dans ce debat sur la succession je suis tout de meme supris que personne n’aborde l’elephant dans la piece… la composante armee du regime. Son role, son influence et son avenir…
A l’image de l’illustration où l’effigie du Président ternie par la trace bleu sous l’œil gauche se fait voler la vedette par une dame du panneau publicitaire, un mauvais choix du dauphin enfouira tous les plans du Président !
Monsieur Rigaud, arrêtez de rêver un kanambe de leur vrai nom dit « kabila » succéder à un kanambe? vous ne m’avez pas compris un rwandais succéder à un rwandais.Vous prenez des congolais pour qui? Cette fois-ci si ce sera l’hécatombe au congo.
Il faudrait cesser de faire croire que la loi électorale révisée ne conditionne plus « la tenue des élections générales à un recensement complet de la population qui pourrait prendre plusieurs années ».
En publiant son calendrier électoral global, la CENI n’a pas manqué de signaler que plusieurs contraintes risquent d’hypothéquer la mise en œuvre de ce calendrier. Il s’agit de prérequis ou de préalables indispensables dont la responsabilité de mise en œuvre incombe à des acteurs extérieurs à la CENI comme le Parlement, le Gouvernement, etc.
La première de ces contraintes est qu’il faut obligatoirement publier les annexes à la loi électorale qui fixent les circonscriptions électorales et répartissent les sièges par province et par circonscription à l’intérieur des provinces. La méthodologie utilisée pour la répartition des sièges pour la députation nationale donc les élections législatives se réalise en deux étapes utilisées lors des précédentes législatives comme celles de 2011 (que nous prenons ici à titre d’illustration). La première étape consiste en la répartition des sièges par province :
– la détermination du quotient électoral fixe qui s’obtient en divisant le nombre total d’électeurs enrôlés en République Démocratique du Congo, soit 32.024.640, par 500 sièges à pourvoir à l’Assemblée nationale ; il est de 64.049,28 ;
– le nombre de sièges à pourvoir par province est égal au nombre total d’électeurs enrôlés dans cette province divisé par le quotient électoral ;
La deuxième étape consiste en la répartition des sièges par circonscription à l’intérieur de chaque province. Chaque circonscription électorale a droit à un nombre de Députés égal au résultat de l’opération suivante : le nombre de sièges à pourvoir dans chaque circonscription est égal au nombre total d’électeurs enrôlés de la circonscription divisé par le quotient électoral .
Le nombre total d’électeurs enrôlés a été obtenu en 2006 et 2011 par les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs organisées par la CENI.
La loi électorale révisée a introduit subrepticement une modification de cette méthodologie en remplaçant à l’article 115 le « nombre total d’électeurs enrôlés » par le « nombre total d’habitants enrôlés » :
« Chaque circonscription électorale a droit à un nombre de députés égal au résultat des opérations suivantes :
1. Un quotient électoral est obtenu en divisant le nombre total d’habitants de la République Démocratique du Congo par le nombre total des sièges à pourvoir à l’Assemblé nationale ;
2. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque province est obtenu par la division du nombre total d’habitants de cette province par le quotient électoral ;
3. (…)
4. Le nombre de sièges à pourvoir dans chaque circonscription est obtenu par la division du nombre total d’habitants de cette circonscription par le même quotient électoral «
Or, le « nombre total d’habitants » ne peut être obtenu par la CENI mais seulement par des opérations d’identification de la population c’est à dire le recensement.
La CENI, dans son calendrier électoral global, a mentionné comme contrainte, donc comme condition, à la tenue des élections législatives l’adoption par le parlement et la promulgation de la loi portant répartition des sièges par circonscription électorale pour les élections législatives, à annexer à la loi électorale, en fixant la date limite du 5 mai 2016.
Or, pour voter cette loi le parlement ne doit plus comme précédemment disposer du nombre total d’électeurs enrôlés mais du nombre total d’habitants de la RDC, de chaque province et chaque circonscription, chiffres qui ne peuvent être obtenus que par un recensement général qui devrait donc être achevé avant mai 2016 et donc réalisé en à peine 12 ou 13 mois ! Cela est impossible et on peut donc déduire de cette impossibilité que le glissement des législatives et de l’élection présidentielle couplée ou combinée est inscrit et programmé dans la loi électorale révisée et dans le calendrier électoral global.
En conclusion, l’ « élagage » de l’article 8, applaudi avec des cris de victoire par l’opposition, la société civile, etc., ne garantit donc nullement que le scrutin présidentiel, couplé avec les législatives, sera organisé le 27 novembre 2016. Comme conclut avec perspicacité Maître KABENGELA ILUNGA Jean-Marie dans un article intitulé « Loi électorale : recensement toujours incontournable » (Le Phare du 11/02/2015) : « Ainsi, tout compte fait, nous concluons que le législateur de janvier 2015 a trompé la vigilance du peuple Congolais en supprimant l’alinéa 3 de l’article 8 alors que d’autres dispositions du même texte retiennent l’esprit et la lettre de ladite disposition prétendument supprimée ».
S’il est vrai que Kabila prépare un scénario à la « Poutine – Medvedev » et qu’il aurait dû s’y mettre dès 2011, alors l’opposition et tout ceux qui sont ambitieux dans la majorité présidentielle, devraient au courant du prochain mandat présidentiel, limiter celui-ci à seulement deux, consécutifs ou pas.
Mr Rigaud
Ne confondez pas la mentalité occidentale a celle des africains. Tout celui qui prendra le pouvoir commencera par éliminer le soit disant Kabila, amené par le stérile Laurent Kabila, le »malheur des Zaïrois ». Je ne vois personne prendre le pouvoir et le remettre a Joseph.
Vous avez tellement raison…