Le calendrier électoral n’en finit pas de glisser en République démocratique du Congo (RDC). Les élections générales prévues le 23 décembre sont reportées au 30 décembre pour des raisons logistiques.
Après avoir attendu pendant deux ans l’élection présidentielle, les Congolais devront encore patienter quelques jours pour désigner un successeur à Joseph Kabila. La Commission électorale vient en effet de décider ce jeudi, soit trois petit jours avant le scrutin, de reporter pour la troisième fois les élections générales, initialement prévues fin 2016. Fixées le 23 décembre 2018, elles auront lieu le 30 décembre. Cette fois-ci, c’est un problème de logistique qui retarde le processus électoral. Les raisons invoquées par son président, Corneille Nangaa : des retards dans le déploiement du matériel électoral, et l’incendie d’un entrepôt de la CENI, il y a une semaine à Kinshasa. L’acheminement des procès verbaux et des fiches de résultats imprimés en Afrique du Sud avait pris un sérieux retard et la destruction de 8.000 machines à voter dans l’incendie de Kinshasa ont fini par plomber l’organisation du scrutin. Voilà pour la version officielle.
Où sont les machines à voter ?
Mais en fait, le fiasco logistique de la CENI est bien plus important qu’annoncé. La formation des agents électoraux, et surtout le déploiement des machines à voter accusent également d’importants retards. A trois jours du scrutin, aucune machine à voter n’a encore été déployée dans le territoire de Fizi, au Sud-Kivu), s’inquiète la société civile, préoccupée par présence de rebelles Maï-Maï Yakutumba dans la région. Le député d’opposition Christian Mwando, du G7, affirme lui aussi “qu’aucun kit et aucun agent électoral” n’ont été déployés “dans un rayon de 150km dans la circonscription de Moba (…) où sont les hélicos ?” s’étonne-t-il. Le report de 7 jours pour rattraper le retard sera-t-il suffisant ? Certains observateurs en doute.
Des retards prévisibles
La Commission électorale (CENI) paye cash le refus de l’aide logistique et financière que lui proposait la communauté internationale, à commencer par les moyens aériens de l’imposante Mission des Nations unies au Congo (Monusco). Les autorités congolaises se sont engagées à financer seules le processus électoral… Une hérésie dans un pays où le budget de l’Etat ne suffit pas à payer tous les fonctionnaires et où le réseau routier est pratiquement inexistant. L’opposition, qui avait prévenu de l’incapacité des autorités à assumer seules l’organisation des élections , ne décolère pas. « Plus de deux ans après l’expiration des délais constitutionnels, aucun report n’est justifiable« , a prévenu la coalition Lamuka du candidat Martin Fayulu. Joseph Kabila et le président de la commission électorale devront « assumer toutes les conséquences de cette mascarade« .
Stratégie du chaos
Ce troisième report devient hautement dangereux pour la stabilité de la RDC. “Kinshasa joue avec le feu” s’inquiète un observateur international. La population, excédée par 17 ans d’incurie du pouvoir, de violence et de crise économique, pourrait être tentée de contester ce nouveau report des élections dans la rue. Et les dernières manifestations de protestation se sont toutes terminées dans le sang. Depuis 2015, la répression policière a tué 400 personnes pendant les nombreuses mobilisations anti-Kabila. Le président congolais a régulièrement instrumentalisé le chaos pour se maintenir au pouvoir. Cette fois-ci encore, Joseph Kabila tente de forcer encore une fois le destin. Car sans élection, la Cour constitutionnelle, largement favorable au chef de l’Etat, autorise Joseph Kabila “à rester en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu”.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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