5 mois après des élections entachées de nombreuses irrégularités, la Commission électorale de République démocratique du Congo (CENI) se retrouve sous le feu des critiques de la communauté internationale et de l’ensemble de la classe politique congolaise . Même dans la majorité présidentielle encore fidèle au président Kabila, on trouve peu de personnes pour défendre l’organisation chaotique des élections de novembre 2011. Le président de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda sera sans doute le premier fusible à sauter.
Partis politiques, ONG, société civile, bailleurs de fonds, Union européenne, église catholique tirent à boulet rouge sur la CENI. La Commission électorale semble aujourd’hui cristalliser tous les malaises de la société congolaise. Il faut dire que l’institution électorale a longtemps été présentée par Kinshasa comme le symbole de l’évolution démocratique du pays.
Mais très rapidement les doutes sont apparus. A commencer par la nomination d’un proche du président Kabila, Daniel Ngoy Mulunda, à la tête de la Commission électorale. Les choses se sont gâtées avec la composition du bureaux : l’opposition est sous-représentée et la société civile complètement absente. L’indépendance de la CENI est immédiatement remis en question par l’opposition et de nombreuses ONG.
Concernant le travail de la Commission pendant le processus électoral, il suffit de lire le rapport final de la Mission d’observation de l’Union européenne (MOE-UE) pour comprendre l’étendu des dégâts : « les résultats publiés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sont pas crédibles à la lumière des nombreuses irrégularités et fraudes constatées« . La mission de l’UE note les multiples dysfonctionnements du scrutin : « l’absence d’audit du fichier électoral, le manque de transparence lors du nettoyage de ce fichier, le vote sur simple présentation de la carte d’électeur de 3,2 millions d’électeurs, de multiples incidents de fraude et de bourrages d’urnes lors du vote le 28 novembre, ou encore une publication des résultats caractérisée par un profond manque de transparence« . L’Union européenne, tout comme la majorité des partis politiques congolais, demandent « la restructuration de la CENI en y incluant la société civile » et souhaite un audit complet du fichier électoral.
Du côté de l’opposition, l’ensemble des partis exigent la démission pure et simple de la Commission dans la perspective des prochaines élections locales et provinciales dont la date n’est toujours pas fixée. Devant le tollé provoqué par les « ratés des élections », les autorités congolaises paraissent décidées à faire un geste. Selon Charles Mwando, le médiateur nommé par le président Kabila pour « dégeler » la crise politique avec l’opposition et trouver une coalition gouvernementale, « la restructuration de la CENI, à défaut de sa recomposition, constituerait la seule alternative« , d’après les différents partis consultés, « pour sauver le processus électoral en cours« .
Pour donner quelques gages de bonne volonté à la communauté internationale, Kinshasa n’a pas d’autre choix que de trouver un terrain d’entente avec l’opposition sur la composition d’une CENI deuxième version, un peu plus indépendante… ou moins dépendante. Le président Joseph Kabila sait que sa crédibilité et son retour sur la scène internationale se jouera sur la bonne tenue des prochains scrutins. Pour l’instant, l’incertitude plane sur les dates des élections provinciales et sénatoriales (prévues pourtant en mars et en juillet 2012)… et les bailleurs de fonds commencent à hausser (timidement) le ton. Le président contesté de la CENI, Daniel Ngoy Mulunda, pourrait faire les frais du fiasco électoral de novembre. Résultat : à Kinshasa aujourd’hui, plus personne n’ose défendre publiquement le bilan de Ngoy Mulunda.
Christophe RIGAUD