Les enquêteurs de l’ONU affirment avoir découvert de nouvelles fosses communes au Kasaï-central suite aux violences entre l’armée et les miliciens de Kamuina Nsapu, alors que Kinshasa annonce la décapitation d’une quarantaine de policiers.
Ces deux derniers mois, une centaine de civils a été tuée dans les affrontements entre les forces de sécurité congolaises et les membres du mouvement du chef traditionnel Kamuina Nsapu dans les Kasaï, au centre de la République démocratique du Congo (RDC). Un groupe qui lutte contre l’Etat central et la corruption. Le sous-secrétaire aux droits de l’homme des Nations unies, Andrew Gilmour, vient de révéler 7 nouvelles allégations de présences de fosses communes dans les Kasaï, en plus des 10 charniers déjà découverts près de Kananga. Ce sont des habitants de Tshibulumbu, dans le Kasaï central, qui ont contacté les Nations unies. De nouvelles fosses communes dont l’ONU doit encore vérifier l’existence, mais les autorités de Kinshasa entravent régulièrement le travail des enquêteurs onusiens.
17 charniers
Concernant les charniers déjà découverts (une dizaine), l’ONU affirme qu’à Tshibulumbu « au moins 40 miliciens présumés de Kamuina Nsapu, dont plusieurs mineurs, auraient été abattus par les FARDC dans des affrontements avec la milice, pour la plupart sans armes armées ou armées. Certaines des victimes auraient été abattues par des éléments des FARDC, soit blessées, couchées au sol ou en quête d’un abri dans des maisons ». Andrew Gilmour demande qu’une expertise médico-légale et balistique soit réalisée sur place, mais le responsable des Nations unies dénonce les menaces dont ses enquêteurs sont l’objet. « Cela s’est produit la semaine dernière à Nkonko lorsque les officiers de l’armée ont essayé d’empêcher notre équipe d’accéder à un site de fosse commune ». Au total, 17 charniers sont actuellement en cours de recensement par l’ONU.
Escalade de la violence
L’armée congolaise (FARDC) est sur le banc des accusés dans ce que ressemble à massacres de masse au Kasaï. Les soldats congolais sont accusés par les ONG de défense des droits de l’homme de nombreuses exactions. La Voix des sans voix dénonce « les villages brûlés, les miliciens, mais aussi les civils innocents tués et la fuite des populations dans la brousse ». Depuis septembre, environ 400 personnes ont été tuées dans les violences entre l’armée et les adeptes de Kamuina Nsapu et 200.000 civils ont fui la région. Une vidéo montrant des soldats congolais exécutant à bout portant des membres de Kamuina Nsapu, simplement armés de bâtons, fait scandale. Après avoir nié la réalité de la vidéo, le gouvernement se résout à reconnaître « les excès » de ses soldats, ouvre une enquête et finit par arrêter sept militaires. Entre temps, deux experts de l’ONU et quatre accompagnateurs congolais ont « disparaissent » dans les Kasaï.
Un mouvement de contestation qui s’amplifie
Les autorités congolaises dépêchent sur place, le ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary pour négocier avec les Kamuina Nsapu. Un accord a visiblement été trouvé, notamment sur l’organisation des funérailles de leur chef, tué par l’armée en août 2016. Plusieurs dizaines de miliciens se sont rendus, mais les violences n’ont toujours pas cessé. Le mouvement des Kamuina Nsapu a essaimé dans cinq provinces limitrophes, en ralliant les Congolais hostiles au président Joseph Kabila, qui n’a pas pu organisé l’élection présidentielle dans les temps et qui s’accroche au pouvoir.
Des policiers décapités ?
Dernière épisode d’un cycle de la violence qui semble être loin de s’arrêter : l’annonce par le gouvernement congolais de la « décapitation d’une quarantaine de policiers », sur la route de Tshikapa à Kananga, toujours au Kasaï. Selon François Kalamba, le président de l’assemblée provinciale de Kasaï, « ce sont des miliciens Kamuina Nsapu qui ont lancé l’embuscade contre ces policiers qui conduisaient un patrouille à travers la province, ont volé des armes et des véhicules dans l’attaque. » Une attaque et un bilan qu’aucune enquête indépendante n’a pu pour l’instant vérifier. Mais ce massacre tombe à pic pour le pouvoir qui est accusé d’avoir eu la main lourde face à des miliciens simplement armés de bâtons, de lances et de machettes. La mort de 42 policiers armés pourrait permettre à Kinshasa de justifier la répressions brutales de ses soldats en démontrant la dangerosité des adeptes des miliciens de Kamuina Nsapu.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia