Sans les candidatures de Katumbi et Bemba, l’opposition doit redéfinir sa stratégie pour la présidentielle de décembre. Boycott ou soutien à une candidature unique ? L’opposition reste plus divisée que jamais.
Le paysage politique congolais n’en finit pas d’être chamboulé à trois mois et demi des élections générales, censées trouver un successeur au président Joseph Kabila. Deux poids lourds de l’opposition ont été écartés de la course à la présidentielle. Moïse Katumbi (Ensemble) s’est vu interdire son entrée sur le territoire pour déposer sa candidature et Jean-Pierre Bemba (MLC) a été déclaré inéligible par la Cour constitutionnelle après une condamnation par la Cour pénale internationale (CPI). L’ancien Premier ministre Adolphe Muzito, ancien allié de la majorité présidentielle, s’est également retrouvé exclu de la présidentielle.
Ces éliminations d’opposants en série font craindre à Jean-Pierre Bemba “une parodie d’élection”, alors que Muzito dénonce “un scrutin joué d’avance” dans lequel Emmanuel Ramazani Shadary, candidat désigné par Joseph Kabila , se verrait assuré de remporter la présidentielle. Si on ajoute à cela les risques de fraudes liés à l’utilisation de la machine à voter et un fichier électoral rempli d’électeurs fictifs, de nombreuses voix s’élèvent pour demander le boycott du processus électoral, qu’ils estiment ni crédible, ni transparent, ni équitable.
Pas de consensus sur le boycott
Mais pour rendre le boycott du scrutin efficace, encore faut-il trouver un consensus au sein de l’opposition. Il faudrait alors que Félix Tshisekedi (UDPS), Vital Kamerhe (UNC), Martin Fayulu (Ecidé), Freddy Matungulu (Congo na biso) et Samy Badibanga renoncent à concourir. Mais pour le moment, aucun de ces candidats ne semblent valider cette stratégie. L’un des leaders restant encore en lice, Félix Tshisekedi, vient d’ailleurs de lancer une campagne de financement participatif.
Selon plusieurs opposants, favorables à leur maintien dans la course à la présidentielle, la faible notoriété d’Emmanuel Ramazani et le mauvais bilan de Joseph Kabila, donnent une chance inespérée à l’opposition de remporter la présidentielle. Mais pour cela, la condition sine qua non serait la présentation d’un candidat unique de l’opposition, seule chance d’arriver en tête dans une élection à un seul tour de scrutin. Là encore, difficile pour les opposants d’accorder leurs violons, d’autant que les querelles sont nombreuses.
Katumbi contre Bemba ?
Le retour de Jean-Pierre Bemba a fortement bousculé les fragiles équilibres politiques au sein de l’opposition congolaise. Deux blocs distincts sont alors dessinés. Moïse Katumbi, Félix Tshisekedi et Martin Fayulu forme un premier axe issu de la plateforme du Rassemblement de l’opposition de feu Etienne Tshisekedi. A la manoeuvre derrière ce regroupement, seul Moïse Katumbi avait la capacité financière de faire campagne. Mais l’homme d’affaires a été contraint à l’exil et n’a pas pu déposer sa candidature aux élections. Il semble pour l’instant condamné à ne rester qu’un simple “sponsor” de candidat. Reste à savoir s’il soutiendra celui-ci sera Félix Tshisekedi. Le même jour que la présidentielle se joue aussi le sort des législatives. Une élections vitale pour les partis. Et la toute nouvelle plateforme de Moïse Katumbi (Ensemble) espère bien se positionner pour s’inscrire dans le paysage politique.
Le deuxième axe politique tourne autour de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba. De manière assez “naturelle”, le patron du MLC se retrouve assez proche de Vital Kamerhe, Freddy Matungulu et Adolphe Muzito (recalé par la Cour constitutionnelle). Ecarté de compétition, Jean-Pierre Bemba, pourrait, comme Moïse Katumbi, se transformer en “faiseur de roi” s’il soutenait l’un de ces candidats… les yeux se tournant vers Vital Kamerhe, le plus expérimenté. Mais là encore, si Bemba, comme Katumbi, a les moyens de financer une campagne, le “chairman“ aura à coeur de faire gagner ses candidats aux législatives pour de nouveau peser sur l’échiquier politique.
Rancoeurs et querelles
Le problème concernant le candidat unique de l’opposition, c’est que ces deux blocs semblent difficilement conciliables. L’UDPS et l’UNC n’ont jamais réussi à trouver un accord lors de la présidentielle de 2011 et la participation de l’UNC au dialogue de la cité de l’Union africaine fin 2016 reste un désaccord profond entre les deux formations. L’UDPS ne reconnaît toujours pas Vital Kamerhe, ancien directeur de campagne de Joseph Kabila, comme un opposant à part entière et le soupçonne de ne pas avoir coupé les ponts avec le pouvoir. Du côté de l’UNC, on considère Félix Tshisekedi comme un simple “héritier” de son père, peu expérimenté en politique.
Les relations ne sont guère meilleures entre Félix Tshisekedi et Freddy Matungulu. Ce dernier est tenu pour l’un des responsables de l’éclatement du Rassemblement après la mort d’Etienne Tshisekedi avec la nomination de proches de l’opposant historique à la Primature et au CNSA (Comité national de suivi de l’accord de la Saint-Sylvestre). Enfin, entre Katumbi et Kamerhe, les critiques sont également acerbes. Sur les réseaux sociaux, l’un des proches de Moïse Katumbi, Francis Kalambo, ancien membre du parti présidentiel passé dans l’opposition, accuse régulièrement Vital Kamerhe d’être “la caméra de surveillance de Kabila au sein de l’opposition”. Ce à quoi les sympathisants de l’UNC dénoncent le rôle de Kalombo dans la répression politique alors qu’il était encore dans la majorité présidentielle.
Symptôme anecdotique du climat délétère qui règne au sein de l’opposition, une réunion de concertation s’est tenue en fin de semaine dernière à Kinshasa dans la résidence de Félix Tshisekedi. Eve Bazaïba, secrétaire générale du MLC et Martin Fayulu étaient de la partie, mais l’UNC de Kamerhe, Freddy Matungulu et Adolphe Muzito n’avaient pas été invités. Une bévue vite réparée, puisqu’une nouvelle réunion a été organisée ce lundi, en présence de toute l’opposition. Mais certains ont visiblement envie d’aller plus vite que la musique.
“Vagabondage politique”
Rancoeurs et contentieux minent encore dangereusement l’opposition congolaise, toujours tiraillée entre “opposants historiques” et “opposants de la dernière heure”. D’autant qu’en République démocratique du Congo (RDC) le “vagabondage politique” est légion. Passer allègrement d’un parti à un autre, de la majorité à l’opposition, est monnaie courante. Dans un paysage politique congolais sans idéologie, sans réel programme politique, les électeurs peinent à s’y retrouver. Et les divisions intestines risquent tout simplement de donner un net avantage au candidat de la majorité, qui ne souffre d’aucune concurrence sérieuse dans son propre camp. Le mouvement citoyen Lucha résume la situation ainsi : « Vous vous tirez dessus pour une « compétition électorale » qui n’en est pas une, et vous voulez que les Congolais croient que vous valez mieux que ce régime prédateur que vous prétendez combattre? Assez de vos enfantillages !”. A bon entendeur.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Pour ce qui est de la Rdcongo, nous sommes obligés d’associer Dieu dans tout ce qui se passe dans notre Pays