En exil médical en Europe, l’ancien gouverneur affirme que son avion n’a pas été autorisé à atterrir à Kinshasa alors que les autorités expliquent les documents de vols étaient « incomplets ». Récit d’une controverse.
Retour raté pour le candidat à la présidentielle, Moïse Katumbi, en République démocratique du Congo (RDC). L’homme d’affaires avait promis de rentrer à Kinshasa pour le grand meeting de l’opposition piloté par Etienne Tshisekedi, dimanche 31 juillet. Mais l’ancien gouverneur du Katanga était au abonné absent. Un nouveau coup dur pour Katumbi qui se serait bien vu sur la photo aux côtés du doyen de l’opposition devant le rassemblement monstre de Kinshasa. Une question d’image pour le tycoon katangais, fraîchement passé de la majorité à l’opposition avant de se déclarer candidat à la prochaine présidentielle. Depuis son départ du PPRD (le parti du président Joseph Kabila) en septembre 2015, Katumbi est devenu l’homme à abattre. Harcelé par la justice, accusé d’avoir recruté des mercenaires et condamné à trois ans de prison dans une obscure affaire immobilière, le patron du TP Mazembe a pourtant été autorisé à quitter le Congo pour se faire soigner à l’étranger après une mystérieuse « tentative d’empoisonnement ». Un exil médical qui aura le double avantage d’éviter à Katumbi la prison et au pouvoir de se débarrasser d’un adversaire politique.
Le risque de la prison
Pour ne pas compromettre le dessein politique de l’homme d’affaires, cet exil forcé ne doit pas s’éterniser. Eloigné du terrain, le candidat à la présidentielle risque de se marginaliser, lui qui se voit en chef de file d’une opposition recomposée. Avec son nouvel allié de circonstance, l’opposant historique Etienne Tshisekedi, opportunément remis en selle pour l’occasion après le Conclave de l’opposition de Genval, Moïse Katumbi avait promis de revenir au pays pour le retour de Tshisekedi et le grand meeting qui devait suivre. Avec un risque majeur : celui de se retrouver derrière les barreaux de la prison de Makala. Le ministre de la justice congolais, Alexis Thambwe Mwamba, avait d’ailleurs confirmé que l’ancien gouverneur serait interpelé dès sa descente d’avion pour purger sa peine.
« Katumbi menteur » ?
Pourtant, ce dimanche, alors que plusieurs dizaine de milliers de manifestants étaient venus acclamer Etienne Tshisekedi devant le stade des Martyrs, Moïse Katumbi brillait par son absence. Ce n’est que dans la soirée, que par un court communiqué, Katumbi explique que les autorités congolaises ne l’ont pas autorisé à survoler et atterrir à Kinshasa. Une « entrave illégale qui reflète l’état des libertés individuelles dans notre pays », dénonce l’ancien gouverneur. Très rapidement (trop rapidement ?) le porte-parole du gouvernement réagit via le site Politico.cd accusant Katumbi d’être « un menteur ». « Personne n’a bloqué son avion. Au contraire, la justice le recherche. C’est un menteur qui veut attirer l’attention sur lui » expliquait Lambert Mende.
Refus « technique et non politique »
Deuxième acte. Les proches de Katumbi diffusent un extrait de la demande d’autorisation faite par l’homme d’affaires, prouvant ainsi que le vol était bien programmé par Katumbi. Sur le document (voir ci-contre), le vol de l’avion privé devait se poser à Kinshasa le 31 juillet 2016 à 5h40 avec 9 passagers et 3 membres d’équipage. Troisième acte, mardi 2 août au matin, le Ministre des transports congolais contredit son collègue Lambert Mende en déclarant qu’une demande avait bien été faite pour le « survol et atterrissage du jet de type Global Express XRS/GLEX, immatriculé LX-AMG, opéré par LUXAVIATION Luxembourg », censé ramener Moïse Katumbi à Kinshasa. Mais selon le communiqué du ministère, « la demande d’autorisation était incomplète, notamment en termes d’éléments administratifs préalables à son examen ». Des éléments que les autorités « n’auraient pas obtenus à ce jour ». Il s’agirait donc d’un refus « technique » et non « politique » selon le Ministre Kaluma.
Un refus qui arrange tout le monde ?
Qui dit vrai ? Qui manipule qui ? Peut-être qu’encore une fois, comme lorsque les autorités congolaises ont autorisé Moïse Katumbi à quitter le sol congolais pour se faire soigner alors qu’il était accusé de « haute trahison » dans l’affaire des mercenaires, ce refus d’autorisation d’atterrir arrange tout le monde. Pour Moïse Katumbi, ce refus lui permet de ne pas être accusé d’avoir peur de retourner en RDC au risque de se retrouver en prison. Quant au pouvoir en place à Kinshasa, il continue de maintenir à distance un concurrent politique gênant. Evidemment, rien ne permet pour le moment de certifier une telle hypothèse, tant les manipulations sont légions dans la politique congolaise (majorité et opposition confondues).
Pas encore de solution pour éviter la case prison
Ce que nous apprend ce nouvel épisode de la guerre que se livre Kabila et Katumbi, c’est que Moise Katumbi n’a visiblement pas encore trouvé la parade juridique pour revenir en RDC sans passer par la case prison. Il y a quelques mois, l’homme politique avait recruté le célèbre avocat français Dupont-Moratti pour venir renforcer l’équipe de ses conseils congolais. Apparemment, « acquittator », comme il se fait appeler, n’a pas encore réussi à garantir la liberté de mouvement à son client lorsqu’il remettra les pieds au Congo. De même, les multiples pressions diplomatiques, ainsi que les visites aux Etats-unis et au Ministère des affaires étrangères à Paris n’ont pas suffi à rassurer l’ex-gouverneur du Katanga. Les geôles congolaises ont cette particularité que l’on sait lorsqu’on y rentre, mais pas lorsqu’on en sort. Un risque que Moïse Katumbi n’est pas aujourd’hui prêt à tenter.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia