Une nouvelle coalition de groupes armés a attaqué la ville d’Uvira pour demander le départ du président Joseph Kabila. Simple coup d’éclat ou rébellion plus dangereuse ?
Les bruits de bottes sont de retour dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Depuis ce mercredi, Uvira, la seconde ville du Sud-Kivu, fait l’objet d’attaques répétées d’une nouvelle coalition de groupes armés qui ont pu atteindre les faubourgs de la ville. Les miliciens avaient d’abord tenté de prendre Uvira par les collines avant d’être repoussés par l’armée régulière. Ce jeudi, la ville a subi une nouvelle attaque venant cette fois-ci du lac Tanganyika, frontalier avec le Burundi. Deux embarcations rebelles ont été détruites. Des tirs à l’arme lourde ont été entendus par l’ensemble des habitants de la ville, qui sont restés terrés dans les maisons toute la journée. Le calme est revenu en fin de matinée, et les casques bleus de la Monusco se sont déployés dans la ville pour sécuriser la population. Ce jeudi soir, l’armée congolaise affirmait que la situation était désormais « sous contrôle ».
Qui est à l’origine de l’attaque ?
Derrière l’attaque d’Uvira, on retrouve la Coalition nationale du peuple pour la souveraineté du Congo (CNPSC), appelée également Alliance de l’article 64 (AA64). Ce mouvement créé en 2013, est constitué d’un agglomérat de miliciens Maï-Maï, ces groupes d’auto-défense qui ont vu le jour pendant la deuxième guerre du Congo, entre 1998 et 2003. La principale composante de cette coalition est représentée par le commandant William Yakutumba et son groupe d’anciens soldats déchus de l’armée régulière. Les Maï-Maï Yakutumba représenteraient un millier d’hommes, qui survivent tant bien que mal depuis leur départ de l’armée en 2007. Dans la province du Maniema voisine, le groupe s’est allié aux Maï-Maï Malaika, une milice qui a également attaquée cette semaine la ville de Kasongo, avant d’être repoussée par les forces congolaises. Plusieurs offensives « discrètes » ont d’ailleurs été lancées par ces deux groupes depuis juin dernier.
En guerre contre Kinshasa
Ce qui réunis ces groupes armés, c’est la lutte contre le pouvoir central depuis la fin du dernier mandat du président Joseph Kabila et le report de l’élection présidentielle. Ce groupe ne reconnaît plus l’autorité et la légitimité du président congolais et exige son départ. En guerre contre Kinshasa, la coalition a multiplié les attaques contre les bases de l’armée congolaise, pillant de nombreux dépôt d’armes. C’est ainsi que ces groupes ont pu monter une attaque coordonnée de la ville d’Uvira avec de nombreuses armées lourdes. La crise politique au Burundi voisin a également permis au commandant Yakutumba de recruter de jeunes burundais en délicatesse avec le régime répressif de Bujumbura.
Un nouveau M23 ?
Si l’attaque d’Uvira a pour l’heure tournée court, faut-il prendre cette nouvelle rébellion au sérieux ? L’attaque est restée mesurée et a été contenue par les forces congolaises épaulés par les hélicoptères des Nations unies. On pourrait donc considérer cette attaque comme un simple soubresaut d’un groupe armé en mal de publicité. Mais ces milices Maï-Maï, constituées essentiellement sur base ethnique, font évidement penser aux rebelles du M23, qui s’étaient brièvement emparés de la ville de Goma à l’automne 2013. Epaulé par le Rwanda et l’Ouganda, le M23 avait fait tremblé Kinshasa avant l’intervention de la Brigade de l’ONU qui avait mis fin à la rébellion. Cette fois-ci à Uvira, le pouvoir congolais y voit également une main étrangère… et plus précisément burundaise. Mais pour l’instant rien ne permet d’étayer sérieusement cette piste. D’autant que les groupes Maï-Maï sont devenus des professionnels de la rébellion et des coups d’éclats. C’est d’ailleurs leur principal activité rémunératrice.
Chaos sécuritaire
Mais cette nouvelle poussée de fièvre dans les Kivu démontre surtout une nouvelle fois la déliquescence de l’Etat congolais et l’impuissance de l’armée régulière pour maintenir l’ordre. Et comme souvent, les autorités congolaises ont été obligées de compter sur l’intervention des casques bleus de l’ONU pour rétablir un semblant de sécurité. Une force de maintien de la paix que le président Kabila souhaite pourtant étonnement voir partir. Lors de son dernier discours devant l’Assemblée des Nations unies le week-end dernier, Joseph Kabila avait exigé le redimensionnement de la Monusco, « une force qui n’est pas appelée à rester indéfiniment au Congo » avait martelé le chef de l’Etat congolais, fustigeant « les ingérences étrangères ». Des propos que Joseph Kabila devrait reconsidérer au vue de la situation dans les Kasaï et dans les Kivu… A moins que ce chaos sécuritaire n’arrange un président qui cherche à retarder à tout prix le processus électoral pour se maintenir au pouvoir.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Appliquer l’expression « armée régulière » à l’armée congolaise est ridicule. Il s’agit en fait d’une milice de prédation comme la RDC en compte des centaines d’autres dans toutes les régions reculées. L’avenir de cet immense pays totalement incontrôlable et sans aucune tradition de résistance patriotique organisée se dessine bien là. Et cela peut durer un siècle ou plus.