Incarcéré à Kinshasa après 6 ans de cavale, l’ex-colonel John Tshibangu n’a toujours pas pu voir ses avocats, ni sa famille. Ses conseils exigent un droit de visite et un vrai procès qui permettrait de démontrer que leur client “n’a commis aucun crime et n’est pas à la tête d’une rébellion”.
“John Tshibangu est bien vivant” confirme l’avocat Norbert Tricaud au cour d’une conférence de presse qui s’est tenue à Paris. Les rumeurs allaient bon train sur les réseaux sociaux depuis l’arrestation de John Tshibangu en Tanzanie fin janvier et son extradition vers Kinshasa début février. Il faut dire que les proches de l’un des hommes les plus recherchés de RDC craignaient pour sa sécurité. L’ex-colonel est en effet détenu depuis maintenant depuis presque 3 mois dans les tristement célèbres cachots de l’Etat-Major du renseignement militaire.
Pour les autorités congolaises, c’est un ex-officier accusé de rébellion qui se retrouve aujourd’hui en prison. Après avoir fait défection en 2012, John Tshibangu avait fait plusieurs sorties médiatiques pour dénoncer la réélection frauduleuse du président Joseph Kabila en 2011. En janvier dernier, l’ex-colonel avait posté une vidéo, dans laquelle on le voyait entouré d’hommes en armes, où il donnait 45 jours à Joseph Kabila pour quitter le pouvoir. Kinshasa accuse également Tshibangu d’avoir des connexions avec les ex-rebelles de la Séléka en Centrafrique. Deux hommes, évadés de la prison de Bangui, ont d’ailleurs été interpellés récemment en RDC et sont présentés comme des proches de John Tshibangu.
Tshibangu ? “Un officier républicain”
Dans une interview accordée à Jeune Afrique, le patron des renseignements militaires, Delphin Kahimbi, affirme prendre l’affaire au sérieux. “JohnTshibangu n’est pas un détenu commes les autres. Il a entretenu des contacts très dangereux avec des groupes armés et terroristes dans l’est de la RDC”. Le général Kahimbi en a également profité pour dénoncer des liens entre John Tshibangu et l’opposant Moïse Katumbi, qui aurait financé “sa tentative de déstabilisation des institutions”. Une accusation récusé par l’ancien gouverneur du Katanga qui affirme que Kinshasa cherche une nouvelle fois à tenter de discréditer sa candidature à la présidentielle.
A Paris, les avocats de John Tshibangu ont décidé de passer à l’offensive pour dénoncer l’illégalité de la détention de l’ancien militaire à Kinshasa. Pour Me Norbert Tricaud, “la Tanzanie a violé le droit international. Aucun mandat d’arrêt n’a jamais été produit et aucune procédure d’extradition n’a été respectée.” Les conseils de Tshibangu ont d’ailleurs prévu d’attaquer la Tanzanie en justice. Sur la partie congolaise du dossier, la défense présente un tout autre portrait de John Tshibangu qui celui dressé par Kinshasa. Pour Me Tricaud, l’ex-colonel est “un officier républicain qui a refusé d’appliquer les ordres illégaux de ses supérieurs de commettre des exactions contre les populations civils” dans la région des Kasaï. “John Tshibangu n’est pas un terroriste et n’a commis aucun crime”.
“Tshibangu est un bouc émissaire”
Pour expliquer l’acharnement de Kinshasa sur son client, Norbert Tricaud explique que l’ancien militaire “est un témoin gênant” pour le pouvoir en place. “Tshibangu fait peur au régime”. L’ex-colonel aurait refusé “l’augmentation incessante du nombre d’officiers rwandophones au sein de l’armée régulière” ainsi que “l’organisation de rencontres secrètes, sur ordre de Kinshasa, avec le mouvement rebelle M23” soutenu par le Rwanda. Norbert Tricaud affirme que John Tshibangu en a les preuves, ce qui explique la volonté des autorités congolaises de faire taire son client.
Concernant le nom de Moïse Katumbi cité par le chef du renseignement militaire, les avocats de John Tshibangu sont catégoriques. “C’est une grossière manoeuvre du régime Kabila. Notre client n’a jamais été financé par Moïse Katumbi ou tout autre responsable politique congolais”, explique Norbert Tricaud. L’avocat parisien trouve d’ailleurs étonnant que son client ait pu livrer le nom de Moïse Katumbi au cours d’une “audition” avec le général Kahimbi. John Tshibangu a toujours refusé de s’exprimer en l’absence de son avocat s’étonne Norbert Tricaud. Sur le dossier centrafricain, là encore, la défense de l’ex-colonel réfute tout lien avec la rébellion de la Séléka. “John Tshibangu ne s’est jamais rendu en Centrafrique et ne connaît absolument pas les deux hommes arrêtés en RDC.”
L’ancien militaire, qui a simplement pu recevoir la visite de la Croix Rouge et du bureau des droits humains de l’ONU, souffrirait de troubles oculaires. Son avocat demande la visite d’un médecin, mais aussi celle de ses confrères congolais. Norbert Tricaud souhaite pouvoir avoir accès au dossier et exige l’annonce de la tenue d’un procès, “au plus vite”. Un procès qui permettrait, selon lui, de prouver l’innocence de son client, mais aussi de “démasquer les méthodes du système Kabila, les liens avec le Rwanda, et le pillage des ressources du Congo”. Reste à savoir si Kinshasa permettra un tel déballage.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia