Dans un discours de voeux diffusé sur internet, le président de l’UDPS réaffirme la nécessité d’un dialogue politique avec le pouvoir pour des élections apaisées en 2016 et indique son « proche retour au pays ».
Très attendu par ses militants, mais aussi par la classe politique congolaise, le message de voeux d’Etienne Tshisekedi donne deux indications sur l’opposant congolais : sa position sur le dialogue national et son état de santé. Sur le premier point, cette déclaration vidéo permet de lever les doutes sur la ligne officielle de l’UDPS concernant le dialogue convoqué par le président Joseph Kabila. Après avoir rappelé le caractère illégitime de la réélection du chef de l’Etat en 2011, le leader de l’UDPS confirme sa volonté d’y participer « sous médiation internationale ». Une condition toujours en discussion avec la majorité présidentielle. Etienne Tshisekedi affirme avoir toujours soutenu le dialogue politique « comme voie royale pour nous permettre de rebâtir le pacte républicain » et de trouver « les voies et moyens de sortir de l’impasse politique actuelle et d’obtenir par voie consensuelle un consensus électoral crédible et apaisé devant nous conduire aux scrutins tant attendus de 2016 » – voir la déclaration écrite des voeux d’E. Tshisekedi. L’opposition accuse en effet le président congolais de retarder le processus électoral afin de se maintenir au pouvoir après 2016 alors que la Constitution lui interdit de se présenter pour un troisième mandat.
Clarification
L’opposant historique, 83 ans et en convalescence à Bruxelles depuis 2014, annonce également son « proche retour au pays ». Sans en préciser la date, Etienne Tshisekedi déclare vouloir « voler au secours du navire Congo, qui tangue, secoué par des vagues et des tempêtes ». Affichant son désir de rassemblement, le « Sphinx de Limete » prône l’union « face à l’imminence du changement ». Cette annonce vient clarifié une position fluctuante au sein de l’UDPS sur le dialogue politique. Tshisekedi père et fils n’ont jamais vraiment été sur la même longueur d’onde concernant la possible participation du parti au dialogue. Si le fils, Félix, a été le premier à afficher une position favorable au dialogue face au scepticisme du père et des cadres du partis, les rôles se sont aujourd’hui inversés. En décembre dernier, la participation de Félix Tshisekedi à la rencontre de l’opposition de Gorée lui fait rejoindre le camp des anti-dialogue avec les principaux partis d’opposition (UNC, MLC, Ecidé… ). Et peu après, Félix Tshisekedi appose sa signature à la constitution du Front citoyen 2016, la principale plateforme d’opposition, fermement hostile au dialogue. Une adhésion contestée début janvier par Bruno Mavungu, le secrétaire du parti à Kinshasa, qui affirme que l’UDPS « n’a pas signé l’acte fondateur de la plateforme Front citoyen 2016 » et que « le parti n’est pas membre de ce groupement ». L’UDPS donne aujourd’hui l’image d’un parti scindé entre pro-dialogue.
L’UDPS scindée en deux
La division entre Félix et Etienne Tshisekedi apparaît désormais au grand jour, divisant un peu plus la base du parti, qui ne comprend toujours pas la stratégie de ‘lUDPS à vouloir s’assoir autour de la table avec Joseph Kabila. 25 cadres de l’étranger du parti se sont d’ailleurs désolidarisés en août 2015 de la ligne pro-dialogue, à l’époque défendu par Félix Tshisekedi. Certains observateurs politiques estiment que le parti, en perte de vitesse face au MLC et à l’UNC, cherche à se ménager une porte de sortie quelque soit l’issue du dialogue. Etienne serait chargé de défendre la stratégie de la négociation avec la majorité, avec la possibilité de récupérer quelques maroquins ; alors que Félix serait chargé de défendre les intérêts de l’UDPS dans les plateformes d’opposition hostiles au dialogue… au cas où le dialogue tournerait mal. Une double stratégie risquée.
Un dialogue toujours incertain
Enfin, la laborieuse déclaration sur internet du patriarche de l’UDPS pose plus de questions de que réponses sur l’état de santé d’Etienne Tshisekedi. Les nombreuses coupes dans la vidéo démontre que l’enregistrement a été réalisé en plusieurs prises. La courte séquence de trois minutes donne l’image d’un leader vieillissant et fatigué et ne rassure pas vraiment sur sa capacité à se lancer dans une nouvelle bataille politique. Pour le moment, les négociations sur l’organisation du dialogue sont toujours au point mort et personne ne sait si finalement il se tiendra. Mais en annonçant son possible retour, Etienne Tshisekedi donne un dernier coup de pression sur la majorité pour la forcer à accepter un médiateur international. Une exigence que refuse le parti présidentiel, de peur de se voir imposer un cadre trop rigide au dialogue. C’est à se demander qui de Joseph Kabila ou Etienne Tshiseldi a le plus intérêts au dialogue.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia