La marche de l’opposition du samedi 20 mai a été violemment réprimée par les forces de sécurité congolaises. Un dérapage sécuritaire qui pourrait faire partie d’une stratégie de l’affrontement lancée par des proches du pouvoir.
« Cela nous rappelle les pires heures du régime Kabila » a fustigé le mouvement citoyen Lucha. La manifestation lancée ce week-end par quatre leaders de l’opposition a été violemment réprimée et dispersée par la police congolaise. Les opposants ont dénoncé les tirs de gaz lacrymogènes, les arrestations arbitraires et la brutalité des forces de sécurité. Les images des violences ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux, notamment celle d’un enfant battu à terre par les forces de l’ordre. Trois policiers ont d’ailleurs été interpellés à la suite de la diffusion de la séquence. Difficile pourtant d’établir un bilan précis de la répression qui s’est abattue sur la marche de samedi. L’opposition parle de dizaines de blessés alors que la police de Kinshasa a dénombré 27 blessés dans ses rangs. Des opposants ont également été brièvement interpellés comme le militant de la Lucha, Bienvenu Matumo.
« Un déni des libertés fondamentales »
Du côté de l’opposition, on n’a pas de mots assez durs pour qualifier les violences de la police. Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Delly Sesanga et Matata Ponyo, à l’origine de la marche pacifique pour dénoncer « le processus électoral chaotique, la vie chère et la volonté du président Tshisekedi de vouloir conserver le pouvoir par la force » ont fustigé la « dérive dictatoriale » du chef de l’Etat. « Nous venons de vivre la barbarie et l’arbitraire », a tonné l’ancien Premier ministre de Joseph Kabila, Matata Ponyo. Même son de cloche pour le prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, qui s’est dit « « choqué par les images de violences policières et d’un État qui dénie à ses citoyens ses libertés fondamentales à la veille d’élections générales ». Le ministre congolais des Droits humains, Albert-Fabrice Puela, a lui aussi condamné la « brutalité » de la police contre les manifestants et réclamer des enquêtes « pour établir les responsabilités sur les différentes violations constatées ».
« La volonté de réprimer »
Pour les autorités provinciales, qui avaient autorisé la marche de l’opposition, la faute en revient aux organisateurs qui n’ont pas respecté l’itinéraire de la manifestation. Le patron de la police de Kinshasa a expliqué que les échauffourées ont éclaté alors que les manifestants refusaient de suivre le parcours validé par le gouverneur de la ville. Deux autres manifestations, organisées par des partis de majorité présidentielle avaient lieu le même jour, et la police kinoise redoutait des affrontements entre pro-et anti-Tshisekedi. Mais comme l’a fait remarqué le militant de la Lucha, Fred Bauma, « ce que j’ai vécu lors de la marche réprimée, ce n’est pas une difficulté d’encadrement de deux groupes antagonistes, mais la volonté manifeste de réprimer un groupe et de laisser l’autre manifester librement avec machette et bâton en main ». Certaines images ont en effet circulé sur les réseaux sociaux montrant des militants proches du pouvoir effectuer des contrôles dans les rues, machettes à la main, sous le regard passif des policiers présents.
La stratégie de l’affrontement
Le raidissement sécuritaire du président Félix Tshisekedi face à une marche pacifique paraît difficilement compréhensible de la part du fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, victime de la répression sous Mobutu et Kabila. On peut comprendre que l’approche des élections de décembre rende le climat politique plus tendu à Kinshasa, mais que redoute Félix Tshisekedi ? Qu’a-t-il à gagner à museler ainsi l’opposition comme le faisait son prédécesseur Joseph Kabila ? Craint-il de se faire déborder par la rue ? Difficile à croire alors que le chef de l’Etat et sa majorité affichent une confiance à toute épreuve quant à leur capacité à remporter les élections et briguer un second mandat. A moins que le président Tshisekedi se soit laissé embarquer dans une stratégie de l’affrontement prônée par certains membres de son propre parti et par des sécurocrates zélés, qui cherchent à plaire à Félix Tshisekedi comme ils voulaient plaire à Joseph Kabila. D’ailleurs, les hommes à la tête des services de sécurité sont tous issus du système répressif de l’ère Kabila.
Un contexte pré-électoral explosif
Le gouverneur de Kinshasa, Gentiny Ngobila, proche de Félix Tshisekedi et du parti présidentiel, fait partie de ses « faucons » prêts à tout pour maintenir son champion au pouvoir. Ironie du sort, à la suite des dérapages sécuritaires de la marche de l’opposition, le gouverneur compte d’ailleurs porter plainte contre les organisateurs de la marche, qu’il estime responsable des violences. Pourtant, c’est bien lui qui a autorisé les « contre-manifestations » de l’UDPS et de l’ACP, son propre parti politique, le même jour que la marche de l’opposition. Une stratégie hautement inflammable et pas vraiment de nature à apaiser les tensions, alors que la crise politique couve, avec un processus électoral qui ne fait pas consensus, et que la guerre se poursuit à l’Est. Difficile de croire que le président se laisse entraîner dans cette stratégie de la terre brûlée alors que le contexte pré-électoral est déjà explosif. Les quatre leaders de l’opposition ont décidé de ne pas céder à la pression et ont annoncé dès ce week-end la tenue d’un sit-in devant la Commission électorale (CENI) jeudi 25 mai. Deux questions se posent maintenant : le sit-in sera-t-il autorisé par le gouverneur Ngobila et les militants pro-pouvoir seront-ils de nouveau de sortie dans la rue ?
Christophe Rigaud – Afrikarabia
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Ces sont des actes de violations prémédites car en dehors de la police congolaise ,les militants du parti au pouvoir dénommé FORCE DU PROGRES de l’UDPS ce sont livrer aux actes de tortures en présence de la police,
ces jeunes de l’udps portés battons, machettes et morceau des planches !
Cordialement
JEAN CHRISTOPHE POUR LE CONSORTIUM INTERNATIONAL DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME EN RDC
FAISONS COURT !
Tentation autoritaire de Tshisekedi ?! Ne nous voilons pas la face, notre mulopwe Tshilombo confirme à travers ses dernières œuvres qu’il a pris l’ascenseur de la dictature délaissant les principes de son père biologique pour imiter nos dictateurs passés. L’approche des élections avec la panique pour son pouvoir et les siens de ne pas les gagner à la loyale a libéré tous leurs démons, les ultimes scrupules qui leur restaient. Et voilà l’usage sauvage de la force contre le opposants lors de la marche et toute son organisation, déjà la matérialisation précipitée de la charte de l’Union sacrée, le remaniement osé du gouvernement et tutti quanti. Du travail d’orfèvre en matière de propagande, dirait-on.
Vous avez en effet vu leur malin génie à empêcher la marche qu’elle se déroule comme prévu en l’émasculant presque avant qu’elle commence ; les leaders de l’opposition ont été neutralisés en les immobilisant dans leurs voitures avant de les reconduire à domicile.
L’État de droit ânonné souvent est bien loin, l’urgence est aux subterfuges arbitraires pour gagner la partie…
C’est dire que le mal Congolais se répète : comme par le passé à un moment le pouvoir en place se permet tous les écarts. Les Congolais sont-ils si dupes pour n’en rien voir et laisser toujours faire ? Pas si sûr même si leur apathie sinon leur lenteur à la détente est connue. Déjà quelques voix autorisées comme Dr Mukwege, les églises catholique et protestante comme d’autres font part de leur vive indignation au vu de la barbarie de la soldatesque du pouvoir. Qu’est-ce que ça va donner ? Les opposants vont-ils insister de la meilleure façon pour peser sur la balance ? On verra déjà dans deux jours s’ils vont réussir leur sit-in devant la Ceni mais je viens d’apprendre que Katumbi a été interdit d’entrer au Kongo Central, son meeting à Mbanza Ngungu annulé ; l’opposition se doit d’être plus rusée et plus audacieuse face à un Tshisekedi déchaîné
Bien sûr si moi je suis pour une démocratie effective et prendrais volontiers le parti de l’opposition, les Congolais eux sont légitimement divisés mais davantage pour des raisons peu avouables plutôt que face à la brutalité policière ; les partenaires étrangers comme l’Ue et les Usa qui ont eu la bonne idée de condamner à temps la violente répression peuvent-ils les aider à mieux faire entendre leurs voix ? Je n’y crois pas, ce n’est pas ou pas encore le moment;
Pendant ce temps Tshisekedi comme les leaders de l’opposition ont fait le tour des victimes mais en l’occurrence ici le premier a mission de prévenir plutôt que de se précipiter à compatir et les seconds eux sont les victimes. Pour quels lendemains surtout si ses ces deniers s’organisent mieux ? Méfions-nous en effet la victoire apparente d’aujourd’hui peut réveiller des desseins adverses cachés tant la dictature n’est pas toujours bien acceptée, elle peut devenir demain un piège…
Pourvu que notre cher pays ne souffre pas trop des amateurs et délinquants qui nous dirigent.. Attendons les suites…
Votre lecture comporte deux facettes : une fausse lecture et une désinformation. Vous appelez qui opposants ou opposition en RDC ? Toute marche doit obéir aux procédures sécuritaires, même dans les démocraties occidentales. Le régime de Félix Tshisekedi faut mieux que tous les pays francophones d’Afrique. Dans certains pays, les citoyens n’ont même pas le droit d’exprimer leurs préoccupations. Les pays arabes, c’est encore l’enfer. Arrêtez la diabolisation de nos décideurs. La RDC. À besoin de la paix. À 7 mois des élections, cette marche est agitations inutiles qui exacerbe la tension sociale et l’insécurité pour assouvir les ambitions des politiciens inciviques et antipatriotiques.
@Sango ya Congo
De quel droit accordez-vous la palme de l’incivilite et de l’antipatriotisme selon votre bon vouloir ? Dans tous les cas permettez que je récuse votre affirmation rapide selon laquelle « une marche doit obéir à des procédures sécuritaires ». Comme toute expression populaire démocratique elle doit d’abord être respectée et seulement après le pouvoir politique et administratif en assure la sécurité. Bien sûr, c’est votre droit d’être derrière le pouvoir en place mais c’est un devoir en démocratie que les citoyens expriment pacifiquement leurs revendications.
Vous aurez donc compris pour moi majorité et opposition sont des institutions légales qui doivent exister et lorsque je vois comment le pays ne va pas si bien aujourd’hui j’en retire que le pouvoir en place ne mérite pas que des applaudissements. Sinon, l’opposition a tous les droits d’exprimer ses revendications légitimes. et ne vois pas les arguments convaincants qui me font dire le contraire comme vous.
Quant aux marches faites par les opposants qui soient-ils, elles ne sont surtout pas des agitations inutiles mais participent de la vie normale d’une democratie, vouloir les en écarter n’est rien d’autre que de la dictature. Si c’est votre choix, il n’est pas le mien. Voilà !