La venue de Félix Tshisekedi à la prestation de serment du président Macky Sall le 2 avril pourrait être l’occasion de réactiver la justice sénégalaise sur le cas de Paul Mwilambwe, principal témoin de l’assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana.
Cela fait maintenant plus de cinq ans que le major de la police congolaise est réfugié au Sénégal, en attente d’un procès et d’un jugement. Paul Mwilambwe est le témoin capital de l’un des meurtres les plus médiatiques de République démocratique du Congo (RDC) : celui du célèbre défenseur des droits de l’homme de la Voix dans sans voix (VSV), Floribert Chebeya, en juin 2010. Le jour du double meurtre de Floribert Chebeya et de son chauffeur, Fidèle Bazana, Paul Mwilambwe était en charge de la sécurité du bureau du Général John Numbi, le chef de la police congolaise. Et il affirme avoir tout vu.
Après les faits, le policier avait pris la fuite dans un pays d’Afrique, où il avait dénoncé devant le cinéaste Thierry Michel l’implication de John Numbi dans l’assassinat et la disparition de Chebeya et Bazana. Devant l’émotion internationale provoquée par l’affaire, John Numbi avait été suspendu et huit policiers, dont Paul Mwilambwe, inculpés. Après un procès émaillé de nombreuses irrégularités, cinq policiers sont finalement condamnés, dont quatre à la peine de mort et un à perpétuité. Paul Mwilambwe réussit à prendre la fuite et se réfugie au Sénégal.
Numbi et Kabila en ligne de mire
En choisissant Dakar, l’objectif de Paul Mwilambwe était de profiter de la compétence universelle de la justice sénégalaise pour enfin témoigner de ce qu’il a vu devant un tribunal indépendant. Jusque-là, Paul Mwilambwe avait estimé que la justice congolaise n’avait pas cherché à remonter la chaîne des responsabilités du meurtre de Chebeya jusqu’à John Numbi et à son commanditaire premier, l’ancien président Joseph Kabila.
Mais à Dakar, la justice traîne. Cinq ans après l’inculpation de Paul Mwilambwe pour meurtre, le procès du témoin clé de l’affaire Chebeya se fait toujours attendre. Après avoir jugé Hissène Habré, la justice sénégalaise a freiné des quatre fers sur le cas Mwilambwe. Ce procès aurait pu entamer les bonnes relations entre le pouvoir sénégalais et Joseph Kabila. Mais maintenant que le président Kabila n’est plus chef de l’Etat, Paul Mwilambwe et son avocat sénégalais, maître Dimingo Dieng, espèrent que la justice va changer d’attitude avec l’arrivée de Félix Tshisekedi. Mais le temps presse. Le témoin oculaire de l’affaire Chebeya craint pour sa sécurité et change de logement tous les trois mois. Par deux fois, il a failli être enlevé.
Un dossier attend le président Tshisekedi
La venue à Dakar du nouveau président Félix Tshisekedi peut-elle accélérer la justice sénégalaise ? L’avocat de Paul Mwilambwe veut y croire. Surtout qu’il y a un peu plus d’une semaine, le président Tshisekedi a déclaré vouloir suivre le dossier Chebeya de près. Selon Paul Nsapu, le secrétaire général de la FIDH, « Félix Tshisekedi tient à ce que toute la lumière soit faite sur la mort de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, et a dit qu’il va donner l’occasion aux familles des victimes de faire prévaloir leur droit ». L’avocat de Paul Mwilambwe a préparé un dossier complet qu’il compte remettre au président congolais et à son équipe, et espère que le cas Mwilambwe soit évoqué entre les deux présidents.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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