Le président Félix Tshisekedi a nommé Judith Sumwina pour prendre les rênes du premier gouvernement de son second mandat. Un choix de compétences, mais aussi un choix d’image alors que la RDC tente de reprendre la main sur le conflit à l’Est du pays.
C’est une femme, la première depuis l’indépendance, qui va diriger le nouvel exécutif de la République démocratique du Congo. À 57 ans, Judith Sumwina Tuluka a été nommée Première ministre du second mandat de Félix Tshisekedi. La ministre du Plan a déjoué tous les pronostics pour occuper la Primature, sauf un : celui d’appartenir à l’UDPS, le parti présidentiel, grand vainqueur des législatives de décembre. Beaucoup avaient parié sur Jean-Pierre Lihau, issu du Grand Equateur, pour le poste de Premier ministre, mais l’autre poids lourd de la région, Jean-Pierre Bemba aurait pu en prendre ombrage. C’est donc une originaire du Kongo-Central, province qui le mieux élu Félix Tshisekedi, qui a été nommée à la tête de l’exécutif et doit maintenant composer son gouvernement.
Une « techno » pour développer le pays
Le choix de Judith Sumwina est pourtant assez logique. C’est d’abord un choix de compétences pour cette « techno » titulaire d’une maîtrise en économie. L’un des défis à relever pour la nouvelle cheffe du gouvernement sera de s’attaquer à l’inflation et à l’amélioration de la vie quotidienne des Congolais. Ministre du Plan, Judith Sumwina a piloté jusque-là le projet phare de Félix Tshisekedi pour développer les territoires du Congo. Le « programme des 145 territoires » sera donc au centre du second mandat du président Tshisekedi et l’un des défis à mener à bien pour la Première ministre. Le bilan de ce vaste programme de 1,6 milliard de dollars, avec des constructions d’infrastructures, d’écoles, de centres de santé, sera donc celui du président Tshisekedi et de sa cheffe de gouvernement. Pour l’instant, 78% des 2.000 ouvrages prévus sont toujours… « en cours de construction ».
« Des défis immenses »
Le choix de Judith Sumwina est également un choix d’image. Une femme à la tête du gouvernement, alors que le pays est en guerre à l’Est, n’est pas anodin. Il est fort à parier que la nouvelle Première ministre soit davantage en première ligne pour défendre la diplomatie congolaise à l’international dans le conflit avec le M23. Son prédécesseur, le trop discret Jean-Michel Sama Lukonde, a été aux abonnés absents sur la crise sécuritaire. Avec cette nomination, Félix Tshisekedi espère donc donner un second souffle à son deuxième mandat, après un premier quinquennat qui a brillé par un bien maigre bilan. La reprise de la guerre à l’Est, la corruption, la flambée des prix, le manque d’infrastructures, de routes, d’eau, d’électricité… Tous les voyant sont au rouge. Judith Sumwina a donc du pain sur la planche. Elle a d’ailleurs avoué le soir de sa nomination que « les défis étaient immenses ». Mais aura-t-elle les moyens de redonner du souffle au second mandat de Félix Tshisekedi ?
Tshisekedi reste aux commandes
La mission de Judith Sumwina Tuluka semble des plus délicates. La Première ministre risque d’avoir une marge de manœuvre très limitée. Sans réel poids politique, elle sera tributaire d’une majorité écrasante, mais hétéroclite, à l’Assemblée nationale. Il lui faudra composer avec le nouveau président de l’Assemblée, qui pourrait être l’un des poids lourds de la majorité, Vital Kamerhe, qui ne cache pas ses ambitions présidentielles et qui pourrait ne pas être le meilleur allié de la Première ministre. Il faudra aussi compter sur d’autres caciques de l’Union sacrée comme Jean-Pierre Bemba ou Modeste Bahati. Sur le dossier sécuritaire, un maintien du patron du MLC à la Défense laisserait bien peu de place à la cheffe du gouvernement. En nommant une « invitée surprise » à la Primature, Félix Tshisekedi garde toutes les manettes entre ses mains. Ceux qui connaissent Judith Tuluka louent sa ténacité et ses compétences. Il en faudra beaucoup à la nouvelle Première ministre pour s’imposer et ne pas devenir un « Sama Lukonde-bis » sans réel pouvoir. Mais les Congolais ne demandent qu’à être étonnés.
Christophe Rigaud – Afrikarabia
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