Le mystère reste entier sur les circonstances de la mort de membres de l’UDPS, repêchés dans la rivière Lubumbashi après des manifestations politiques. Human Rights Watch (HRW) demande toute la lumière sur ces événements alors que des manifestants ont été détenus dans des locaux de l’armée congolaise et que certains sont toujours portés disparus.
Que s’est-t-il passé à Lubumbashi à l’issu des manifestations du 9 juillet contre la désignation par l’Assemblée nationale du nouveau président de la Commission électorale (CENI) ? Alors qu’une enquête officielle est toujours en cours, l’ONG Human Rights Watch a recueilli plusieurs informations troublantes auprès des membres des familles des victimes, des activistes, des autorités et des sources médicales et sécuritaires de Lubumbashi. Tout commence le 8 juillet par des affrontements entre jeunes militants du PPRD de l’ancien président Joseph Kabila et ceux de l’UDPS de Félix Tshisekedi, partageant pourtant le pouvoir au sein de la même coalition politique. Ces incidents qui se sont produits non loin du siège du PPRD de Lubumbashi ont fait plusieurs blessés. Le lendemain, des manifestants de l’UDPS ont investi une nouvelle fois les rues pour protester contre Ronsard Malonda, le très controversé nouveau président pressenti pour diriger la CENI. Les forces de sécurité congolaises procèdent alors à de nombreuses arrestations.
Des manifestants détenus dans une concession militaire
C’est le 12 juillet, trois jours après les mobilisations anti-Malonda qu’un premier corps, celui de Dodo Ntumba, est repêché dans la rivière Lubumbashi. Le 13 juillet, deux autres cadavres sont également retrouvés dans la rivière, et le 3 août, la famille de Danny Kalambayi reconnait son corps à la morgue plusieurs semaines après sa disparition pendant les manifestations de juillet. Selon les témoignages recueillis par Human Rights Watch, « les quatre cadavres présentaient des traces de coupures et de mutilations, qui pourraient être le résultat d’actes de torture ». Tous étaient membres de l’UDPS, le parti de l’actuel président Félix Tshisekedi. Plus troublant, l’enquête de l’ONG révèle que certains manifestants avaient été détenus par l’armée à la suite du rassemblement, sans en connaître le nombre exact et sans savoir ce qu’ils sont devenus. Lors de la manifestation du 9 juillet, plusieurs sources avaient déjà confirmé l’arrestation d’au moins 16 personnes et leur placement en détention « dans une concession de la 22e région militaire ». Human Rights Watch s’étonne « de quel pouvoir légal les militaires étaient investis lorsqu’ils ont placé ces manifestants en détention ».
« Des ecchymoses au visage et des brûlures »
Les proches de Mardoché Matanda, dont le cadavre a été recueilli le 13 juillet dans la rivière Lubumbashi, ont expliqué à Human Rights Watch « qu’étant sans nouvelles de lui après le rassemblement, ils étaient allés à sa recherche et l’avaient retrouvé le 11 juillet, détenu dans un bâtiment de la 22e région militaire dans le quartier Golf. « Un militaire l’a appelé et il s’est levé », a affirmé un membre de sa famille. « Nous l’avons vu et avons vu les vêtements qu’il portait. Ils nous ont demandé 300 dollars [pour le libérer] mais nous n’avions pas une telle somme. » Les proches qui l’ont identifié à la morgue ont ensuite affirmé qu’il portait « les mêmes vêtements que lorsqu’ils l’avaient vu en détention ». Des photos que Human Rights Watch a pu voir révèlent « un corps marqué de coupures, des ecchymoses au visage et, semble-t-il, des brûlures ».
Des manifestants toujours portés disparus
Des témoignages semblables ont été recueillis auprès des proches d’Héritier Mpiana et de Dodo Ntumba, également retrouvés près du pont de Tshondo, dans le quartier Gécamines. Le père de Mpiana affirme que son fils « a eu la tête fracassée » et les oreilles coupées. Les proches de Ntumba déclarent avoir vu « des traces de brûlures, ses oreilles et ses lèvres coupées ». Ce qui inquiète également Human Rights Watch, c’est que « d’autres personnes ayant participé à la manifestation du 9 juillet pourraient être encore portées disparues ». L’ONG estime que « les forces de sécurité congolaises devraient rendre publique les listes complètes des personnes arrêtées après la manifestation et de celles qui ont été remises en liberté ». Si le gouverneur de la province du Haut-Katanga, Jacques Kyabula, déclare « attendre les conclusion de l’enquête ouverte le 13 juillet », Human Rights Watch demande « qu’une enquête approfondie soit menée sur la mort de quatre membres de l’UDPS » et que « des vérifications crédibles soient effectuées sur d’autres personnes portées disparues et peut-être été victimes de disparitions forcées ».
Dérapages ethniques ?
Les événements de Lubumbashi interviennent dans un climat de fortes tensions politiques au sein de la coalition au pouvoir entre le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila et Cap pour le changement (CACH) du président Tshisekedi. Des tensions qui s’expriment particulièrement dans l’ancienne province du Katanga, bastion politique du camp Kabila. Depuis plusieurs mois, des organisations de la société civile s’inquiètent de la montée des violences « qui s’inscrivent dans une logique ethnique ravivant les tensions entre natifs du Katanga et immigrés, et leurs descendants, de la région du Kasaï » dont est issu le président Tshisekedi. « Ces meurtres semblent s’inscrire dans une escalade alarmante des rivalités politiques au sein de la coalition au pouvoir », résume Thomas Fessy, chercheur principal sur la RD Congo à Human Rights Watch. Et la crise politique qui monte à Kinshasa entre les deux coalisés de circonstance pourrait bien déborder au Katanga et se transformer en conflit interethnique… c’est le risque qui commence à inquiéter dans la riche province minière.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Lire des nouvelles macabres un 17 Août, un jour de vie est si douloureux pendant que certains êtres humains voient le jour et le célèbrent, des jeunes meurent juste pour une manif. Que de mauvais souvenirs qui rebondissent. Décidément, le pays sème de la tristesse à chaque cycle. Toujours de la barbarie, à quand la fin de cette violence…