Trois mois après sa nomination à la tête de la transition, les violences se poursuivent en Centrafrique et la situation sécuritaire reste préoccupante. Que peut faire Catherine Samba-Panza ?
On a beau retourner la situation dans tous les sens, essayer de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, il y a peu de raison de se réjouir de l’évolution de la crise en Centrafrique. Si la sécurité apparaît stabilisée dans la capitale, Bangui, la plus grande partie du pays reste encore largement sous la coupe des milices anti-balaka et des anciens rebelles de la Séléka. Aucun jour ne se passe sans exactions ou affrontements interreligieux, repoussant toujours plus au Nord les populations musulmanes. Côté humanitaire, la situation reste inquiétante pour la plupart des ONG : 600.000 déplacés ont été recensés par l’ONU et 200.000 Centrafricains ont déjà quitté le pays. Dans ce contexte, que peut faire la nouvelle présidente de la transition ? Peu de chose, lorsque l’on sait qu’elle se retrouve à la tête d’un Etat fantôme, sans administration, sans armée et surtout… sans argent.
Présidente sans argent
Dans l’entourage de Catherine Samba-Panza, on reconnaît que les avancées politiques et sécuritaires sont bien maigres pour pouvoir dresser un premier bilan de son action. « A sa prise de fonction, après la démission de Michel Djotodia, l’équipe de Catherine Samba-Panza a trouvé un palais vide » nous confie un conseiller. « La présidente est arrivée avec trois collaborateurs, il n’y avait aucun ordinateur, aucune imprimante. C’est un de ses proches qui a tapé son premier discours sur son ordinateur portable et est allé l’imprimé dans un cybercafé du quartier« . Le manque de moyens financiers se fait ressentir chaque jour à la présidence. Si les salaires des fonctionnaires sont de nouveaux payés, c’est surtout grâce aux pays voisins. « L’aide internationale n’est pas encore arrivée, pas un centime n’a encore été versé !« , explique ce conseiller. L’administration ne sait toujours pas de combien de fonctionnaires elle dispose, « surtout au Nord-Est du pays« . « Sans argent, Catherine Samba-Panza ne peut pas faire des miracles !« .
Présidente sans armée
La sécurité reste toujours le maillon faible de la crise centrafricaine. La présence des forces de la Misca et de la force française Sangaris (opérationnelle depuis maintenant 6 mois) n’ont pas réussi à stabiliser le pays. Les musulmans ont fui Bangui et le Nord-Ouest de la Centrafrique sous la pression des milices chrétiennes anti-balaka pour se réfugier dans le Nord-Est. Petit à petit, le pays se divise. Mais pour ce conseiller à la présidence, « le Tchad (qui a toujours soutenu l’ex-Séléka à majorité musulmane, ndlr) ne laissera pas la Centrafrique se partitionner. Si une partie de la RCA fait sécession, alors le Tchad connaîtra la même situation avec ses chrétiens du Sud du Tchad. Le Tchad et la Séléka ne prendront pas le risque de la partition. La RCA constitue la dernière digue contre l’extrémisme musulman en Afrique centrale« . Ce conseiller est plus inquiet concernant les multiples carences des forces de sécurité centrafricaines. « Il n’y a pas de police et surtout plus de service de renseignements, même si la France essaie actuellement de reformer les services centrafricains. L’armée est également très politisée. On y trouves des ex-Faca proches de Bozizé, des ex-Séléka et des anciens anti-balaka. Ils sont 7 à 8.000 à être répertoriés au Ministère de la Défense. On recense également 5 à 7 groupes anti-balaka au Ministère. La plupart veulent réintégrer les institutions. Mais avant la réconciliation, il faut que la Justice passe. Des civils veulent être « bombardés » colonel ! On ne pait pas fonctionner comme cela« . Le présidente de la transition devra enfin avoir un oeil sur les ex-Séléka qui tentent de se réorganiser autour de Mohamed Daffahne et un autre sur Nourredine Adam, l’ancien « homme fort » de la rébellion, qui consulte beaucoup dans les pays voisins.
Présidente de la patience
Sans moyen ni forces de sécurité, Catherine Samba-Panza a donc besoin de temps pour remmener la sécurité en Centrafrique. Elle devra avant tout compter sur ses partenaires africains et français pour retrouver un semblant d’ordre en attendant les casques bleus des Nations unies qui ne devraient pas être opérationnels avant l’automne 2014. « C’est très tardif« , confie notre conseiller, « entre-temps il faudra tenir le pays avec les seuls Sangaris et la Misca« . En juin, le mandat de l’opération Sangaris touchera à son terme, mais il sera sans nul doute prolongé. Ce conseiller à la présidence dresse un bilan très mitigé de l’opération française en Centrafrique. « La mission a tout d’abord été très mal évaluée. On comprend difficilement comment des miliciens des rues peuvent tenir tête à une armée aussi puissante. On a tout de même l’impression que les Français ne veulent pas prendre faire prendre trop de risques à leurs soldats. Après, il y a également beaucoup de tensions au sein de la Misca. D’abord avec les Tchadiens (que l’on accusait de soutenir la Séléka et qui se sont retirés, ndlr) puis ensuite avec l’arrivée des Rwandais que les Congolais ne voyaient pas d’un très bon oeil« .
« Le rêve de Catherine Samba-Panza… »
La nouvelle présidente a enchaîné les handicaps en début de mandat. Sa nomination surprise à la tête de la transition n’a pas fait que des heureux. Ils étaient 8 à se présenter pour le poste. La maire de Bangui n’était clairement pas la candidate des pays voisins de la sous-région qui auraient plutôt préféré Désiré Kolingba ou Eugène Patassé. Au début de sa présidence, Catherine Samba-Panza a donc souffert d’un manque cruel de légitimité international. Une critique qui a tendance à s’estomper depuis peu. En interne, la chef de la transition a commis beaucoup d’erreurs dans ses premières nominations pléthoriques de ministres et de conseillers. Son « inexpérience politique » est alors vivement dénoncée. Consciente du manque de crédibilité de certains, la présidente devrait sans doute remanier prochainement ses équipes. Le ministre Jean-Jacques Demafouth, très décrié à Bangui, devrait vraisemblablement céder son fauteuil et plusieurs conseillers faire leurs valises. « Les ministres devront être plus compétents et plus sur le terrain » confie le conseiller, qui reconnaît que la présidente « a perdu un peu de sa popularité » après plus de 100 jours au pouvoir. Mais si le contexte est délicat pour Catherine Samba-Panza, la présidente « garde la confiance des Centrafricains » estime son entourage. « Elle n’a renversé personne pour arriver au pouvoir, une première en Centrafrique, et en plus, elle ne sera pas candidate à la présidence après la transition » analyse notre conseiller. « Sa feuille de route est claire, contrairement à ce que l’on dit, il s’agit de respecter l’accord de Libreville et de mener le pays aux élections« . « Le rêve de Catherine Samba-Panza, nous confie-t-il, c’est d’organiser les premières élections libres et crédibles de l’histoire de la République centrafricaine… et de se retirer« . Et comme pour se justifier : « elle sait ce qu’elle va faire après la transition« .
La route est encore longue vers les élections. Une première date avait été avancée pour la mi-2015, mais au vu de l’évolution de la situation sécuritaire et des nombreux problèmes de recensements et de logistiques, un report de plusieurs mois est prévisible. Le principal défi de Catherine Samba-Panza sera donc de tenir la distance.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
c’est votre titre que m’amène à vous poser certaines questions.Pensez-vous qu’elle n’arrivera pas à terme?si cela est oui,qu’est ce que vous pouvez envisager comme solution alternative?vous avez évoquez plusieurs pistes dans vos suggestions,le pays manque de son armée:
– seule l’armée est en mesure de conforter les actions de la police et de la gendarmerie, ces deux corps sont le poumon du service de renseignement.
-Au niveau de Bangui seule l’armée centrafricaine est en mesure de sécuriser la capitale Bangui enfin que les biens,les personnes,les commerces,l’administration puissent fonctionner et les régies financières puissent faire les entrées des recettes douanières,cela pouvait fonctionner le pays au lieu d’attendre l’aide.
je ne vois pas une autre alternative sans l’armée centrafricaine.