Engluée dans un chaos sécuritaire et politique depuis maintenant deux ans, la Centrafrique doit organiser des élections générales le 13 décembre prochain. Un calendrier « intenable » pour la plupart des observateurs, qui plaident pour un report mi-2016 du scrutin et un renforcement des forces internationales.
Qui peut encore croire que l’élection présidentielle puisse se tenir en décembre prochain en Centrafrique ? A vrai dire plus grand monde. Trois ans après le début du conflit en RCA, le pays se trouve toujours dans une impasse sécuritaire et politique. Début septembre une nouvelle flambée de violence a embrasé Bangui, faisant 61 morts et 300 blessés. Et la semaine dernière, les affrontements dans la capitale ont encore fait 7 victimes. Une poussée de fièvre qui démontre que la situation sécuritaire est loin d’être stabilisée. Et la présence de la force française Sangaris depuis 2013 et des casques bleus de la Minusca depuis 2014 peinent à contenir les violences des groupes armés, sans parvenir à les désarmer.
Une transition qui « déraille »
Dans ce contexte de tension extrême, la transition politique menée par la présidente Catherine Samba-Panza est toujours au point mort et le dialogue enclenché pendant le Forum national de réconciliation de mai 2015 n’a débouché sur aucune mesure concrète : notamment concernant l’accord de désarmement, la démobilisation et la réinsertion des groupes armés. Résultats : les violences intercommunautaires entre musulmans et non-musulmans perdurent à Bangui, mais aussi dans l’Ouest et le Centre du pays. Le centre de recherche International Crisis Group (ICG) se demande comment peuvent se tenir des élections dans de telles conditions. « La feuille de route de la transition qui prévoyait le désarmement, la démobilisation et la réinsertion des miliciens après le forum de Bangui et avant les élections, a complètement déraillé. Le DDR est maintenant renvoyé à l’après-élection et les élections sont organisées dans des conditions problématiques aux points de vue technique, financier, sécuritaire et politique » notent les experts du think tank dans un rapport.
Bangui menacée
La tenue des élections dans ce climat d’insécurité peut conduire à un nouvel embrasement de la Centrafrique. Crisis Group affirme que des groupes de miliciens de l’ex-Seleka, menés par Nourredine Adam ont été stoppés début octobre à seulement 150 km de Bangui par les forces internationales. D’un autre côté, les anti-balaka se regroupent dans l’Ouest du pays, à Bossangoa ou Berberati avec un même objectif : « descendre sur la capitale pour porter main fortes aux jeunes anti-balaka de Bangui et chasser les musulmans de Bangui » explique Crisis Group. « Dans un tel contexte, l’organisation précipitée d’élections préconisée par les partenaires internationaux est une fuite en avant porteuse d’instabilité ».
Report des élections à la mi-2016
Pour Crisis Group, comme pour bon nombre d’observateurs internationaux, « les échéances de décembre ne sont pas tenables ». Les élections ont voulu être organisées dans la précipitation alors que les conditions techniques, sécuritaires et politiques ne peuvent pas débouchées sur des élections transparentes et crédibles. Crisis Group affirme que les élections générales doivent être reportées « à la première moitié de 2016 ». En attendant, il y a urgence à rétablir la sécurité dans la capitale et sur les principales routes du pays. Pour cela, le renforcement des troupes internationales paraît inévitable et notamment « en augmentant les troupes françaises, les plus dissuasives sur le terrain ». Des renforts qui permettraient d’initier le programme de désarmement, de démobilisation et de réinsertion avec les groupes armés.
Donner du temps
Au coeur de la tourmente, la présidente de transition, Catherine Samba-Panza, n’a pas réussi a inverser la courbe de la violence. Tributaire de la bonne volonté des casques bleus et de la force Sangaris, la présidente ne peut faire que des voeux pieux en réclamant, elle aussi, des efforts supplémentaires des forces internationales, notamment en plaçant des postes avancés dans tous les quartiers. Impuissantes, les forces de sécurité centrafricaines, en pleine reconstruction, ne peuvent, pour le moment, pas faire des miracles sur le terrain. C’est donc du temps qu’il faut donner à la Centrafrique pour panser ses plaies. Mais la France presse de toutes parts pour accélérer le mouvement et se désengager au plus vite du bourbier centrafricain. Les élections précipitées de décembre sont d’ailleurs l’oeuvre des « partenaires français ». « Un faux objectif » pour Crisis Group, qui souhaite voir favoriser avant tout « un climat propice pour les élections ».
Christophe RIGAUD – Afrikarabia