A moins de deux mois d’élections générales sous haute tension en République démocratique du Congo (RDC), l’association Journaliste en danger (JED) estime que « chaque jour des centaines de journalistes risquent la mort ou la prison à cause de leur métier d’informer. »
A l’occasion de la « Journée Internationale de lutte contre l’impunité des crimes commis contre les journalistes », Journaliste en danger (JED) a rendu public son rapport annuel 2018 sur l’état de la liberté de la presse en RDC. Et le climat ne s’est guère amélioré pour les professionnels des médias à l’approche d’un scrutin décisive fin décembre qui doit voir le président Joseph Kabila quitter son fauteuil présidentiel. Dans cette période cruciale pour l’avenir du Congo, et alors que l’opposition craint que le camp présidentiel ne cherche à falsifier le scrutin pour conserver le pouvoir, « aucune mesure, ni politique ni législative, n’a été prise par les autorités du pays en faveur de la liberté de l’information. »
54 journalistes arrêtés en 2018
Tout au long de l’année 2018, riche en tensions politiques, le nombre des journalistes et des médias attaqués reste toujours élevé, estime Journaliste en danger. L’association a répertorié 121 cas de violations du droit d’informer… autant qu’en 2017. Selon JED, 54 journalistes ont été arrêtés. « Si les uns ont été privés de leur liberté pendant moins de 48 heures, d’autres, au contraire, ont été gardés dans les installations des divers services de sécurité pendant de longues périodes. » 37 cas de censure ou des pressions diverses ont été exercées sur les médias par des autorités politiques ou des services de sécurité. 30 journalistes ont reçu des menaces directes ou indirectes, ou ont été agressés dans l’exercice de leur profession. Il s’agit plus particulièrement des journalistes qui couvraient des manifestations publiques organisées par l’opposition, les mouvements pro-démocratie.
Signal inquiétant, les élections qui se préparent dans un climat de haute tension, marqué par des violences, n’ont pas épargnées les journalistes. Selon l’association, « plusieurs journalistes couvrant diverses manifestations publiques organisées par l’opposition et la société civile dans le but d’exiger du Président Kabila la renonciation à un troisième mandat – conformément à l’Accord de la Saint Sylvestre – ont été copieusement passés à tabac et humiliés par des agents de l’ordre. Leur matériel de travail a été endommagé ou confisqué. »
Emmanuel Ramazani Shadary à la tête de la répression
La répression menée par l’ancien vice-premier ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, est fortement dénoncé par Journaliste en danger. « La Radiotélévision Kindu Maniema (RTKM), station émettant à Kindu, a été attaquée, dans la nuit du 6 décembre 2017, par un groupe de policiers qui ont tout saccagé, emporté tout le matériel et procédé à l’arrestation de toutes les personnes trouvées sur place » explique le rapport de JED. Selon un témoignage recueillis par l’association : « C’est le vice-premier ministre lui-même qui m’a appelé tard dans la nuit pour se plaindre (d’une émission le mettant en cause – ndlr), et il a dit qu’il allait envoyer des policiers et des agents de l’ANR pour se venger. Et c’est ce qu’il a fait, bien que je l’en aie dissuadé ». Problème, Emmanuel Ramazani Shadary est aujourd’hui candidat de la majorité présidentielle pour remplacer Joseph Kabila.
JED appelle les autorités congolaises à mettre fin à cette culture de l’impunité qui entretient l’insécurité pour les journalistes. Les sanctions de l’Union européenne (UE) contre la répression politique avaient touché Emmanuel Ramazani Shadary. L’Union doit revoir prochainement la reconduite de ces sanctions… avant l’élection présidentielle prévue pour le 23 décembre prochain.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia