Le retour de la guerre dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) signe un nouveau constat d’échec des multiples programmes de « stabilisation » menés par le gouvernement congolais et la communauté internationale. Dans un rapport détaillé, l’ONG Oxfam analyse les raisons de ces « tentatives infructueuses » pour ramener la paix en RDC. Pour 80% des Congolais interrogés par Oxfam, « leur sécurité n’est pas assurée« . Le rapport avance également des solutions.
Depuis trois mois, une nouvelle rébellion, le M23, affronte les forces gouvernementales dans le Nord-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Les rebelles tiennent la ville frontière de Bunagana et se trouvent désormais à une trentaine de kilomètres de la capitale provinciale, Goma, qui craint de tomber aux mains du M23.
Pourtant, depuis 10 ans, la RDC est censée être en paix. La deuxième guerre du Congo s’est achevée en 2002 avec quelques millions de morts au compteur (personne ne dispose d’ailleurs de chiffres fiables) et des accords de paix. Depuis cette date, la paix se fait toujours attendre en RDC et principalement à l’Est du pays, dans les Kivu. En 2008, puis en 2012, des rébellions ont agité la région alors que des groupes armés terrorisent quotidiennement les populations civiles. La dernière rébellion en date est partie d’une mutinerie d’éléments de l’armée, issus de l’ancienne rébellion du CNDP.
Dans le rapport d’Oxfam, l’ONG dresse un bilan peu flatteur des deux programmes de « stabilisation » censés ramener la paix, la sécurité, le rétablissement de l’autorité de l’Etat et le retour des réfugiés. Il s’agit des programmes STAREC (stabilisation et reconstruction des zones sortant des conflits armés) et ISSSS (stratégie internationale de soutien à la sécurité et la stabilisation). L’ONG a mené plusieurs enquêtes en 2011, sur le terrain, dans les zones de conflit (Ituri, Province orientale, Nord-Kivu… ), mais aussi à Kinshasa. Selon Oxfam, « ces programmes ont eu des résultats très limités » et n’ont pas « amélioré de manière significative la sécurité de la population ou rétabli les capacités de l’État à en assurer la sécurité et à fournir d’autres services« . Pour 80% des personnes interrogées par l’ONG, « leur sécurité n’est pas assurée« .
A l’Est du pays, là où la situation est la plus délicate, les programmes STAREC et ISSSS ne sont « pas parvenus à des améliorations tangibles avec les groupes armés » et « n’ont pas résolu les problèmes de cohésion et de rémunération au sein de l’armée, ni les abus de celle-ci, dont le comportement varie énormément d’une zone à l’autre« . L’autorité de l’Etat, quasi absente dans cette partie du territoire, n’a pas été restaurée, selon l’étude d’Oxfam. « La rémunération appropriée des forces de sécurité de l’État reste largement problématique (…) Selon les dernières informations datant du milieu de 2011, 55 % des policiers déployés le long des axes routiers identifiés comme prioritaires par l’ISSSS dans le Nord-Kivu et le Sud Kivu n’étaient pas salariés de l’État« , explique l’ONG.
Quelles sont les raisons de ces échecs ? Le rapport pointe « le manque de soutien solide du Gouvernement national de la RDC, qu’il soit financier ou politique » : « les fonds alloués au fonctionnement de STAREC en 2011 représentaient moins d’un quart du montant consacré à l’entretien de la résidence officielle du Premier ministre » (20 millions de dollars, ndlr). Oxfam dénonce également « un soutien international insuffisant » et « l’absence de position internationale forte« . La Monusco (la mission de l’ONU en RDC) n’est pas en reste : « la Monusco n’a pas avancé de vision stratégique avec un plan de stabilisation plus large qui
renforcerait la cohérence de ses autres activités en soulignant en quoi elles contribuent à la stabilité« .
Selon Oxfam, un « nouveau souffle est nécessaire« . L’ONG note un certain « désenchantement » (le terme est diplomatique) des donateurs de la RDC, « tout à fait compréhensible« . Mais « baisser les bras au Congo condamnerait des millions de Congolais à une violence et une pauvreté persistantes. Cela laisserait également libre cours à une instabilité dangereuse« , explique pourtant Oxfam.
Quelques solutions sont avancées par ce rapport. Elles sont connues, mais il est toujours bon de les rappeler :
– un soutien plus fort de la part du Gouvernement de la RDC,
– un soutien international plus fort et plus coordonné,
– une plus grande implication de la population locale et de la société civile.
D’autres recommandations sont promulguées, plus techniques. Retenons tout de même la nécessité « d’organiser des réunions des comités de pilotage et de suivi du programme STAREC, décrire en quoi la mission des Nations Unies et les activités de la communauté internationale hors ISSSS contribuent à un plan de stabilisation plus large« , mais aussi la réalisation des lois de décentralisation (l’autonomie des provinces, qui se trouve être l’une des revendications du M23). Concernant la communauté internationale, Oxfam demande notamment d’accroître et d’adapter les financements, mais aussi de renforcer le contrôle sur l’utilisation des fonds.
Pour l’heure, toutes ces recommandations s’apparentent à des voeux pieux. Depuis les élections de 2006, voir même depuis 2001, un bon nombre de ces avis sont restés lettres mortes… problème de « gouvernance » selon une expression pudique. Le rapport d’Oxfam donne une partie de la réponse à l’échec de la communauté internationale en RDC. Son rapport s’intitule : « Pour moi mais sans moi, c’est contre moi« … c’est exactement ce que pense une majorité de Congolais, gouvernement compris.
Christophe RIGAUD