Après dix ans d’exil, le témoin-clé de l’affaire Chebeya est retour à Kinshasa pour témoigner devant la haute cour militaire. Paul Mwilambwe a livré sa version des faits et affirme que le véritable commanditaire de l’assassinat n’est autre que Joseph Kabila.
Paul Mwilambwe joue gros à la barre du tribunal militaire. Le témoin-phare du double assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana est revenu de son exil de Belgique pour apporter sa version de l’affaire devant la justice congolaise. Après sa condamnation par contumace en 2011 et sa fuite, le major de police avait dénoncé dès 2012 les commanditaires et les noms du commando qui avaient assassiné le célèbre militant des droits de l’homme et son chauffeur le 1er juin 2010. Dans de nombreuses interviews Paul Mwilambwe avait toujours affirmé n’être qu’un témoin oculaire du double meurtre qu’il avait pu découvrir qu’à travers les écrans des caméras de vidéosurveillance de l’inspection générale de la police.
Mwilambwe était-il complice ?
L’arrestation de nombreux membres du commando, comme Christian Ngoy Kenga Kenga, l’un des donneurs d’ordres, ou Jacques Mugabo, mais aussi les témoignages d’Hergil Ilunga et Alain Kayeye, ont décidé le policier à rentrer à Kinshasa à la faveur d’un changement de pouvoir, avec l’arrivée de Félix Tshisekedi à la tête du pays. Paul Mwilambwe a tout d’abord voulu plaider son innocence. « Je savais que Chebeya allait être reçu par le général John Numbi et non être tué » a déclaré le major de police. Un autre membre du commando, Jacques Mugabo, avait pourtant laissé entendre que Mwilambwe était au courant du projet d’élimination de Floribert Chebeya. « C’est de la vengeance » s’est défendu Paul Mwilambwe, qui a accusé Mugabo de vouloir le charger « pour être protégé par le pouvoir des Katangais », c’est à dire John Numbi et Joseph Kabila.
« Numbi faisait des navettes chez Kabila »
Car, selon Paul Mwilambwe, l’ordre de tuer Chebeya a été donné par Joseph Kabila lui-même, par l’intermédiaire de John Numbi, le patron de la police, avec qui le défenseur des droits de l’homme avait rendez-vous le jour de son assassinat. Selon le policier, c’est Christian Ngoy qui lui a appris que l’ordre de tuer Chebeya venait de John Numbi. Christian Ngoy lui a avoué que Numbi lui avait promis 500.000 dollars pour l’exécution de Chebeya. « Au lieu de me donner 500.000 dollars, on m’a donné 10.000 » aurait confessé Christian Ngoy. Après le double assassinat et le battage médiatique qui a suivi, Paul Mwilambwe a affirmé que « le général Numbi faisait des navettes entre chez lui et chez le président Kabila ».
Kabila au téléphone
« Monsieur le président, dans ce procès, il n’y a qu’un seul donneur d’ordre, c’est le président Joseph Kabila, pas d’autre ». Pour accréditer sa thèse, Paul Mwilambwe déclare avoir été le témoin d’un appel téléphonique de Joseph Kabila alors qu’il se trouvait dans le bureau de l’auditeur général de l’armée qui l’interrogeait, le général Ponde. Le policier explique : « Le président Kabila pose la question au général “est-ce que Mwilambwe est là ? Passe-le-moi“. Et quand il me passe le président au téléphone, celui-ci me dit en swahili de ne pas révéler au général Ponde de tout ce j’ai vécu. La personne qui m’a informé, c’était le président Kabila lui-même » raconte Mwilambwe.
Les massacres des Bundu dia Congo au coeur de l’affaire
Pour les avocats des parties civiles, les noms cités par Paul Mwilambwe devraient être appelés à témoigner devant la cour. Joseph Kabila bien sûr, mais aussi le général Ponde, ou Douglas Nkulu Numb, l’actuel bourgmestre de Limete, chez qui Mwilambwe a été détenu pendant trois jours après le double assassinat. Enfin, à la barre, le policier a révélé, selon lui, les raisons qui ont poussé les commanditaires à vouloir éliminer Chebeya. Selon Mwilambwe, Floribert Chebeya était venu au rendez-vous à l’inspection générale de la police avec un rapport de son association sur les massacres des adeptes de la secte Bundu dia Congo en 2008. Le document mettait en cause John Numbi, Christian Ngoy et ses commandos Simba. Selon l’ONU, près de 200 personnes avaient été tuées au cours de ces « opérations » de police.
L’absence de Numbi et le mutisme de Ngoy
Des confrontations devraient avoir lieu devant la haute cour militaire avec le major Mwilambwe, et les parties civiles espèrent que les personnes citées seront appelées à comparaître. Pour le ministère public, Paul Mwilambwe cherche avant tout à se disculper d’un possible rôle qu’il aurait joué pendant le double assassinat. Proche de Christian Ngoy, Mwilambwe aurait pu être au courant du projet d’assasinat. Il faudra également qu’il apporte les preuves de ses allégations, notamment à propos de John Numbi et de Joseph Kabila. Mais le procès reste pour l’instant verrouillé par l’absence de John Numbi, actuellement en fuite, et le refus de Christian Ngoy de s’exprimer devant la cour. La Voix des sans voix, l’association de Floribert Chebeya, soutient les avocats des parties civiles qui ont demandé à la haute cour militaire de faire comparaître toutes les personnes citées. Sera-t-elle écoutée ?
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Les declarations contraditoires de Mwilambwe est entrain de transformer ce proces a une farce. Au yeux de l’opinion publique congolaise Il faut trouver autres choses pour accuser Kabila, ces declarations sont de nature a descrediter ce proces.