L’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ) conteste l’acquittement des militaires accusés de viols à Minova en novembre 2012. L’ONG demande au gouvernement congolais de relancer les enquêtes judiciaires.
Un mauvais signal contre l’impunité. Voilà comment les associations de défense des droits de l’homme pourraient résumer le verdict du procès de Minova. Le 5 mai dernier, la Cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu a décidé d’acquitter 36 des 39 militaires de l’armée régulière, accusés de viols commis à Minova en novembre 2012. A cette époque, après la prise de Goma par les rebelles du M23, les soldats du 391e bataillon des FARDC, ont été accusés d’avoir commis de nombreuses exactions , dans leur fuite vers Minova, au Sud-Kivu. Un rapport de la Mission de l’ONU (Monusco) a dénombré « 135 cas de violence sexuelle, ainsi que d’autres violations graves des droits de l’Homme, dont des meurtres et des pillages massifs perpétrés par des militaires » entre le 20 et le 30 novembre 2012.
13 acquittements
Pour l’ACAJ, la décision de justice rendue le 5 mai est « décevante pour les victimes« . Treize officiers, poursuivis pour manquement à leurs devoirs, ont été acquittés, et la Cour s’est déclarée non saisie de l’accusation portée contre un autre. Trois militaires ont été condamnés pour viols dont un lieutenant-colonel condamné à perpétuité. Vingt-deux autres sous-officiers ou soldats ont été acquittés des accusations de viols, mais condamnés à des peines de dix ans ou vingt ans de prison pour « violation des consignes, pillages et dissipation de munitions« . La Cour s’est aussi déclarée « incompétente d’examiner les demandes d’indemnisation des autres victimes des viols suite aux acquittements« .
Pour une enquête « impartiale, indépendante et exhaustive«
L’ACAJ demande au gouvernement congolais de reprendre les poursuites judiciaires devant une juridiction militaire ordinaire. L’enquête sur les exactions de Minova doit être « impartiale, indépendante et exhaustive » selon l’association. L’ACAJ souhaite également que les autorités congolaises « fassent aboutir, en urgence, le processus de création des chambres spéciales mixtes qui piétine à ce jour, en tant que juridictions civiles, pour juger les auteurs des graves violations des droits de l’homme commises en RDC dont celles de Minova« .
« De hauts responsables militaires jamais inquiétés »
D’autres ONG ont également réagi au verdict de Minova. Pour la FIDH, c’est « un nouvel affront pour les victimes de violences sexuelles en RDC ». « Le verdict rendu est celui d’une justice expéditive et baclée qui découragera davantage les victimes de crimes de violences sexuelles de porter plainte » s’est indigné Karim Lahidji, le président de la FIDH. Pour Jean-Claude Katenge, de l’ASADHO, « le tribunal aurait dû davantage sanctionner la responsabilité des supérieurs hiérarchiques des soldats. D’ailleurs, les plus hauts responsables de ces militaires n’ont jamais été inquiétés et sont toujours en poste aujourd’hui« . La communauté internationale, qui soutient la RDC à bout de bras, est également vivement interpellée. « Les bailleurs doivent repenser leur soutien à la justice congolaise pour qu’elle devienne crédible et efficace et pour qu’elle condamne effectivement les auteurs des crimes les plus graves et garantissent une réparation effective aux victimes » exige Dismas Kitenge, vice-président de la FIDH, et président du Groupe Lotus.
L’armée congolaise « facteur d’insécurité«
Dans les nombreux rapports alarmants sur la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo (RDC), l’armée régulière est considérée comme le second facteur d’insécurité à l’Est du pays, juste derrière les groupes rebelles et les milices. Ce procès était donc très attendu par les victimes des violences sexuelles en RDC. Minova était devenu le symbole de toutes les violences faites aux femmes au Congo, où le viol a été instauré comme « arme de guerre« . Pour l’instant, le constat est cinglant : le procès de Minova est un rendez-vous manqué.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia