Après avoir annoncé plusieurs fois son retour « imminent », Moïse Katumbi affirme vouloir rentrer avant le 8 août pour déposer sa candidature à la présidentielle. Mais plusieurs démêlés avec la justice congolaise pourraient le conduire en prison, ou l’empêcher de se présenter.
C’est sur le réseau social Twitter que l’ancien gouverneur du Katanga a une nouvelle fois annoncé son retour en République démocratique du Congo (RDC). « Je ferai campagne au pays, car c’est mon droit et mon devoir, ne craignez rien ! Entre le 24 juillet et le 08 août je serai à Kinshasa pour m’enrôler » a affirmé Moïse Katumbi dans un live tweet. Seule question : cette annonce sera-t-elle la bonne ? En septembre 2017, Moïse Katumbi déclarait déjà préparer « son retour imminent » sur France 24. En juin 2017, l’opposant était « en train de faire ses valises » au côté du célèbre avocat, Eric Dupont-Moretti. Cette année, c’est le coordonnateur de la plateforme électorale “Ensemble” Katanga, Gabriel Kyungu Wa Kumwanza, qui affirme que l’opposant reviendra en RDC en juin 2018. Mais pour l’heure, ces annonces sont restées lettre morte.
Les ennuis se multiplient
Il faut dire que l’ancien allié du président Joseph Kabila, passé dans l’opposition après avoir claqué la porte du parti (PPRD) en 2015, cumule les handicaps. Candidat déclaré à la prochaine présidentielle, l’homme d’affaires se trouve en exil forcé en Europe depuis 2016. Deux affaires judiciaires plombent son retour et un problème de passeport et de double nationalité pourraient lui barrer la route des élections. Un « acharnement judiciaire » dénoncé par son entourage, dont un certain nombre sont en prison ou menacés par les autorités congolaises. Les meetings de son mouvement en province son très souvent réprimés, les rassemblements dispersés, les médias qui lui sont proches muselés et le siège du PND, un parti politique de sa plateforme « Ensemble » a été incendié début juin.
« Il sera entre les mains de la justice »
Dans ce climat de tension, le retour de Moïse Katumbi à Kinshasa reste encore très hypothétique. Son entourage craint pour sa sécurité, d’autant que le ministre congolais des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, a prévenu : « S’il revient, il sera entre les mains de la justice ». En juin 2016, l’homme d’affaires a été en effet condamné à 36 mois de prison dans une obscure affaire immobilière « montée de toute pièce par Kinshasa », selon ses avocats. Cette condamnation risque de faire passer Moïse Katumbi par la case prison, en cas de retour au Congo, et surtout d’invalider sa candidature à la présidentielle. Un seconde « affaire » attend également l’ancien gouverneur du Katanga. Moïse Katumbi est accusé « d’atteinte à la sûreté de l’Etat » pour avoir « recruté des mercenaires ». Une affaire également rocambolesque, qui s’est régulièrement dégonflée faute de preuves, mais l’homme d’affaires est tout de même convoqué par la justice le 27 juin prochain.
« On peut revenir au pays avec un passeport invalidé »
Et les ennuis ne s’arrêtent pas là pour le patron du célèbre club de football TP Mazembe. Kinshasa a refusé de renouveler le passeport semi-biométrique de l’opposant, qui s’est fait brièvement interpelé en Belgique, en possession d’un passeport « annulé ou invalidé » par les autorités congolaises. Et enfin, last but not least, un soupçon de double nationalité plane également sur Moïse Katumbi. Le magazine Jeune Afrique a récemment révélé que l’homme d’affaires a possédé la nationalité italienne pendant 17 ans, ce qui est contraire à la Constitution et l’empêcherait de faire valider sa candidature à la magistrature suprême. C’est donc un véritable chemin de croix qu’est en train de vivre Moïse Katumbi. Un parcours d’obstacles qui l’éloigne toujours un peu plus d’un possible retour à Kinshasa. Mais cette fois-ci, le temps presse. La clôture des dépôts de candidature pour la présidentielle étant fixée au 8 août, il reste un gros mois à l’opposant pour revenir au pays. Son entourage affiche pourtant sa confiance et assure que Moïse Katumbi travaille en coulisse pour « sécuriser son retour à Kinshasa auprès de la Monusco, de l’Union africaine ou de la SADC ». Selon un proche, « l’affaire du passeport » ne bloque pas le retour du candidat Katumbi : « On peut revenir au pays avec une passeport semi-biométrique ou invalidé, il n’y a pas de problème ».
La bombe Bemba
Reste enfin le contexte politique qui été a sérieusement bouleversé depuis le départ en exil de Moïse Katumbi pour l’Europe. Son allié de l’UDPS, Félix Tshisekedi, s’est affirmé et a renforcé son parti. Un nouvel acteur s’est également invité dans l’arène politique. Il s’agit de Jean-Pierre Bemba, l’invité surprise, qui a été acquitté contre toute attente par la Cour pénale internationale et qui pourrait revenir rapidement au pays pour reprendre le leadership de l’opposition, toujours en jachère. La roue a donc tourné pour Moïse Katumbi, absent du terrain, et toujours coincé à l’étranger. Si l’ancien gouverneur veut encore s’imposer au sein de l’opposition, il doit obligatoirement tenir parole et revenir à Kinshasa pour déposer sa candidature. Mais avec la surprise Bemba, la fenêtre de tir est très étroite pour Moïse Katumbi. D’autant que le patron du MLC s’est vu proposé un passeport diplomatique pour retourner à Kinshasa… ce qui fait bondir les partisans de Katumbi qui attend toujours un document de voyage de l’ambassade congolaise à Bruxelles.
Unifier l’opposition ?
En attendant, l’homme d’affaires s’active pour se poser en rassembleur de l’opposition, qui est dans l’obligation de se présenter unie dans une présidentielle à un seul tour. Katumbi propose un programme commun de l’opposition, une candidature unique face au camp Kabila et tend la main à la Jean-Pierre Bemba. Suffisant pour rester dans la course à la présidence ? Pas si sûr… d’autant que le président Kabila doit s’exprimer d’ici le 20 juillet… quatre petit jours avant l’ouverture du dépôt de candidature pour la présidentielle. Les prochaines semaines seront donc décisives pour connaître le rôle que jouera Moïse Katumbi dans les prochaines élections. De favori de l’opposition, avant son exil en Europe, Katumbi pourrait bien rester sur le banc de touche s’il ne parvient pas à revenir au Congo.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
L’opposition n’a pas besoin de candidature unique à la Présidentielle mais plutôt d’élections transparentes. D’ailleurs, il n’y en aura pas comme en 2011 comme c’est à 1 tour, tout le monde peut espérer la gagner même avec 15% pour autant qu’elles soient crédibles. Pour rappel, E. Tshisekedi avait gagné en 2011 mais Kabila a été déclaré Président par une commission électorale inféodée au PPRD.
@Kalala
« L’opposition n’a pas besoin de candidature unique à la Présidentielle mais plutôt d’élections transparentes. » !? Attention quand même, cher ami, avec ces phrases/bateaux, de bonne foi et pourquoi pas, justes mais pas moins inutiles parce qu’elles ne rendent pas compte de la réelle complexité des questions !
C’est vrai le pays « ’a besoin d’élections transparentes » mais croyez-vous avoir dit là une vérité contestée quelque part ? Fausse piste selon moi : la bonne question est de se demander si au meilleur des cas les élections transparentes sont possibles dans notre pays, de s’enquérir des conditions nécessaires pour ces fameuses élections transparentes. Et si vous vous posez ces questions essentielles, il y’a beaucoup de chances que vous découvriez que dans l’état de notre pays, une candidature unique de l’opposition n’est pas une arme de trop…
C Rigaud a presque tout dit : le retour et la candidature de Katumbi deviennent de plus en plus problématiques !Pauvre Katumbi ! Sans doute pour des raisons personnelles (il ne lui pardonne pas de l’avoir lâché après des années de franche collaboration ?) et tactiques (il sait que face à lui il aurait peu de changer de gagner, lui-même ou son dauphin ?) et d’autres, ‘JK’ en a fait son ennemi juré…
Jusqu’au bout il s’acharnera sur lui pour l’empêcher de se présenter, multipliant les condamnations judiciaires, les unes plus farfelues que les autres. Katumbi a ainsi peu de chances de voir ce régime desserrer son étau pour lui permettre de venir candidater à la date prévue pour les scrutins de décembre prochain…Il lui reste deux solutions selon moi :
– utiliser en coulisse un conciliabule avec le pouvoir à travers un ‘ami commun’, proche de ‘JK’ et influent auprès de lui qui tentera de plaider en quelque sorte sa cause ; le succès n’est pas plus assuré sinon la démarche aurait déjà été tentée et réussi.…
– venir au Congo se jeter dans le tourbillon et voir venir en se démenant pour défendre sa cause, en prison ou au tribunal ; mais avec quel passeport aujourd’hui ou plutôt lui sera-t-il autorisé de fouler le sol de ‘son’ pays? Il aurait dû le faire depuis longtemps plutôt que de manifester cette peur d’affronter directement ‘JK’, trop préoccupé par sa sécurité. En effet d’autres opposants sont bien en prison sur place et peut-être que sa présence à leur côté aurait renforcé la cohorte d’acteurs et de mécanismes pour sa défense dedans et dehors jusqu’à ébranler davantage le système…
Plus généralement pour moi Katumbi est trop frileux et fait preuve d’un purisme irréaliste : s’il a raison de faire le vœu d’une véritable démocratie, il devrait néanmoins se montrer plus réaliste en étant conscient et en affrontant l’arbitraire du pays, en allant au charbon. La justice n’y est pas indépendante et le PR a droit de vie et de mort sur les opposants mais c’est sur place qu’il faut affronter tout cela et non de l’extérieur même avec des solides appuis, la normalité du système n’adviendra pas en un tournemain et par une grâce divine mais en tentant de bouger des choses sur place avec les risques de prison sans donc toujours se préoccuper d’abord de sa sécurité. Voilà mon avis, voilà notre dure réalité !
Aujourd’hui iKatumbi annonce pour la énième fois son retour après plusieurs ratés, aura-t-il cette fois le courage de se jeter dans la gueule du loup ou aurait-il reçu des assurances secrètes qu’on le laissera faire ?
En outre à côté de Tshilombo son allié qui lui, est laissé libre de mouvement, il y’a maintenant la carte Bemba que ‘JK’ a entrepris de jouer pour affaiblir tous les autres opposants et d’abord lui… Ça se corse davantage donc…
Dommage, il représentait pour moi un acteur pas des moins crédibles même si il n’est pas exempt de reproches (mais es procès qu’on lui fait même celui sur sa nationalité italienne sont pour moi soit montés de toute pièce soit accessoires parce que d’abord ‘politiciens’ plutôt que ‘vraiment juridiques’) que le jeu démocratique allait départager, si pas au niveau des leaders au moins auprès de la population qui allait ou pas porter son choix sur lui…
Aujourd’hui son retour et sa candidature deviennent de plus en plus hypothétiques et le pendant de l’affaire est que tout indique que si les élections ont lieu en décembre dans les conditions qui s’annoncent, il y’a peu de chance qu’elles soient transparentes et équitables, hélas …