Le Ministre de l’Intérieur contre-attaque après le rapport d’Human Rights Watch (HRW) sur les exactions commises par la police congolaise pendant l’opération « Likofi ».
Dialogue de sourds entre Kinshasa et l’ONG Human rights Watch (HRW). Le récent rapport de HWR sur les « dérapages » de la police de Kinshasa pendant l’opération anti-criminalité « Likofi », accusait les forces de sécurité d’être responsables d’au moins 51 morts et de 33 disparitions – voir notre article. Des allégations qui passent mal dans la capitale congolaise. Le Ministre de l’Intérieur, Richard Mueyj, estime que l’ONG mène des « activités subversives sur notre territoire (…) s’inscrivant dans la même logique de diabolisation, de lynchage médiatique, de chantage éhonté et d’humiliation contre le Gouvernement de la République et le Peuple congolais ».
« Aucun corps dans le fleuve Congo »
Kinshasa critique essentiellement les méthodes d’Human Rights Watch. Des preuves que le Ministre congolais ne jugent pas convaincantes et dénonce « l’infiltration » de l’ONG « dans les services de sécurité d’un pays souverain (…) assimilable à de l’espionnage ». Richard Muyej reprend les différentes accusations du rapport. Selon Kinshasa, aucun corps n’a été signalé dans le fleuve Congo comme l’affirme les enquêteurs de HRW. Concernant les photos des victimes, publiées pour étayer le dossier, « certaines personnes présentées comme mortes ou disparues ont été reconnues par leurs collègues du Centre pénitencier et de rééducation de Makala » affirme le Ministre, qui a divulgué une liste de noms.
« Likofi 3 »
Richard Muyej s’insurge enfin contre les « objectifs » du rapport : « mettre le gouvernement en déphasage avec la population » et « couper l’élan pris dans le cadre de la réforme de la police et de la sécurisation de la population ». Il faut en effet rappeler que l’opération « Likofi » a été bien accueilli par les Kinois. Rejetant les allégations de Human Rights Watch, le Ministre de l’Intérieur en profite même pour annoncer le lancement d’une opération « Likofi 3 ». Les autorités congolaises affirment également qu’une Commission d’enquête est en cours par l’Inspection générale de la police nationale et que les résultats seront « officiellement publiés ». Richard Muyej reconnaît enfin « des dérapages » au cours de l’opération « Likofi » et promet que les coupables seront poursuivis.
HRW maintient ses accusations.
Human Rights Watch a également réagit après la conférence de presse de Richard Muyej. Revenant sur la liste de noms publiés par le Ministre, qui tentait à prouver qu’une partie des « morts » de l’opération étaient en fait « vivants », Human Rights Watch a « comparé les noms cités par Richard Muyej à ceux des personnes figurant sur nos propres listes, mais qui n’avaient pas été publiés dans le rapport afin de protéger les familles des victimes ». « Or, il y a une divergence entre les noms » affirme HRW. Les noms fournis à l’ONG par les familles des victimes « n’ont aucun rapport avec ceux qui ont été cités par le Ministre ». Pour Human Rights Watch : il ne s’agit tout simplement pas des mêmes personnes.
Pression médiatique
Le rapport de Human Rights Watch que nous avons pu consulter est extrêmement documenté et circonstancié (1). Il vient amplifier un précédent rapport : celui du bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme (BCNUDH) qui avait été suivi par l’expulsion de Kinshasa de son responsable, Scott Campbell. Même si Richard Muyej reconnaît des exactions, c’est la méthode que dénonce le Ministre de l’Intérieur. Pourtant, sans ces rapports, parlerait-on encore de l’enquête de la police pour traquer les responsables des dérapages ? La pression médiatique des deux rapports a au moins eu le mérite de jeter une lumière crue sur les méthodes peu orthodoxes de la police kinoise. L’opération « Likofi 3 » qui sera très certainement lancée rapidement, se trouvera désormais sous haute surveillance des ONG des droits de l’homme… évitant peut-être de nouvelles victimes.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
(1) Le rapport de Human Rights Watch est à télécharger ici
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