Les autorités congolaises accusent deux colonnes d’anciens rebelles du M23 d’être entrées ce dimanche en RDC. Info ou intox, le retour de la rébellion pourrait servir de prétexte au pouvoir pour retarder le processus électoral, prévient l’opposition.
Comme une mauvaise piqûre de rappel, le risque d’un retour des ex-rebelles du M23 en RDC est régulièrement brandi par les autorités congolaises alors que le pays peine toujours à s’extirper d’une crise politique profonde. Car au Congo, les vieux démons ne sont jamais très loin. Défaite en novembre 2013 après 18 mois de combats contre l’armée congolaise et les casques bleus de l’ONU, la rébellion du M23 avait signé à Nairobi des engagements en vue d’être rapatriée depuis l’Ouganda et le Rwanda, où les hommes de Sultani Makenga avaient trouvé refuge après la débâcle. Depuis, le rapatriement a été bien maigre : environ 200 miliciens sont rentrés en RDC sur les 1.500 réfugiés dans les camps ougandais et rwandais. Mais selon Kinshasa, leurs voisins laissent les ex-rebelles « circuler librement » sur leur territoire alors que les autorités congolaises voudraient bien en juger certains.
Des ex-rebelles « en direction de la RDC »
Régulièrement, depuis trois ans, Kinshasa signale de possibles incursions d’ex-M23 sur son sol. Rarement documentées, ces accusations s’avèrent, pour le moment, toutes fausses. En novembre 2016, le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku accusait l’ex-commandant du M23, Sultani Makenga, d’être « en fuite ». Des informations aussitôt démenties par Kampala et l’ex-rébellion. Ce dimanche, c’est encore Julien Paluku qui sonne l’alerte. Le gouverneur affirme que « des ex-M23 sont en direction de la RDC depuis l’Ouganda avec armes et munitions pour des attaques généralisées. » Toujours selon Julien Paluku, des témoins auraient été identifiés Sultani Makenga, Jean-Claude Sejinshi, Emmanuel Kabundi, Yusufu Mboneza, Eric Ngabo, Justin Gacheri… autant dire toute la fine fleur des officiers de l’ex-rébellion.
Des accusations « sans fondement » selon l’ex-rébellion
Dans la journée, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, a confirmé l’information en indiquant que « 200 ex-combattants du M23 regroupés en deux colonnes » ont franchi dans la nuit de samedi à dimanche la frontière congolaise « en provenance de l’Ouganda, investissant le village d’Ishasha. » Et de s’étonner de la liberté de mouvement dont jouissent les ex-miliciens : « Comment nos voisins ougandais avec qui nous avons des engagements très sérieux ont-ils laissé des personnes cantonnées dans des camps de réfugiés pénétrer, armées dans nos frontières ? » Les autorités congolaises ont indiqué qu’il y avait des affrontements entre les ex-miliciens et l’armée régulière dans une zone située à 150 km au nord de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu. Dans la matinée, l’ex-M23 a démenti toute incursion via son compte Twitter, qualifiant les propos de Julien Paluku de « sans fondement. »
Un partage du pouvoir qui aiguise les appétits
La nouvelle d’un possible retour des miliciens de l’ex-M23 intrigue de nombreux observateurs de la vie politique congolaise. Il faut dire que le contexte est particulièrement tendu après la signature d’un accord politique entre le pouvoir et l’opposition pour reporter l’élection présidentielle fin 2017 et autoriser le président Joseph Kabila, arrivé fin mandat, à rester à son poste jusqu’à l’élection d’un nouveau président. L’accord politique a entraîné un subtil partage du pouvoir qui aiguise les appétits. Pour preuve, le retour ce dimanche de Roger Lumbala, un ex-rebelle du RCD-N, réputé proche du M23. De nombreux observateurs voient difficilement un hasard entre l’annonce de l’incursion des ex-M23 (vraie ou fausse) et le retour de Lumbala.
Un prétexte pour retarder les élections ?
D’autres estiment que le chiffon rouge du M23 est agité à chaque fois que le camp présidentiel est en difficulté, comme pour rappeler la menace de chaos qui pèse toujours à l’Est du pays, en instabilité chronique depuis plus de 20 ans. L’opposition accuse le président Kabila d’avoir joué la carte des rebelles comme prétexte pour retarder le processus électoral en 2016. L’actuel chef de l’Etat pourrait en faire de même en 2017 si des bruits de bottes se faisaient de nouveau entendre dans les Kivu. A l’image du député UNC, Juvénal Munubo qui prévient sur son compte Twitter à propos du M23 : « Que les FARDC s’en occupent et que cela ne constitue pas une hypothèque sur les élections de décembre 2017. » Pour éclairer l’affaire, le ministre de la défense congolais a demandé au mécanisme de suivi de l’accord de Nairobi des pays des Grands Lacs (CIRGL) de vérifier la possible incursion des ex-M23. Nous serons donc fixés sur la réalité de cette incursion.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
« Les fantômes de l’ex-M23 » ? Si vous permettez, Mr Rigaud : que d’arguments convenus dans votre analyse, bien plus superficiels qu’il n’y parait au moins sur un point, l’identité du M23 !
1° Où voyez-vous un M23 mort qui ne serait qu’un ex ? Le conformisme ambiant vous(nous) impose des constructions souvent bien éloignées de la réalité : le M23 officiellement défait fin 2013 existe encore dans les faits et dans l’esprit de ses inventeurs et animateurs, vous le savez très bien ! Vous savez bien que son noyau dur et beaucoup de ses membres éparpillés et protégés en Ouganda et au Rwanda n’ont jamais abandonné l’idée à la base de leur existence et s’y activent dès qu’on leur en laisse l’occasion… Et dedans et dehors le Congo bien des institutions et officines continuent hélas de leur offrir cette opportunité…
A propos, vous-même avouez entre les lignes n’être certain des explications que nous servent les versions du gouvernement Congolais et ougandais quant à ce « retour » soudain du M23 à ce moment ? Info ou/et intox !
2° Le M23 existe parce que depuis le génocide rwandais de 1994, des tutsi victimes devenus par la suite vainqueurs moralement et politiquement entendent se faire justice notamment en faisant de l’Est Congolais non seulement un hinterland idéologique et économique mais un territoire à conquérir, leur exigu territoire actuel ne suffit point à leurs ambitions… Du coup ceux qui ont émigré de longue date ou plus récemment au Congo s’y battent soutenus par le Rwanda et l’Ouganda et tous par une CI occidentale culpabilisée et meurtrie par un nouveau génocide du XXème qu’elle aurait pu empêcher…
Encore une fois, c’est d’abord cela le M23 et avant lui le CNDP ou encore plus avant le RCD et en partie l’AFDL : un fantôme du génocide rwandais de 1994…
Bref aussi longtemps que le M23 ne sera pas pris pour ce qu’il est véritablement, un mouvement rebelle occupant au Congo et criminel à plusieurs titres à éradiquer sans discussion, maléfique fantôme du triste génocide de 1994 qui a vu des rwandais s’entretuer entre eux sans l’interférence des Congolais chez qui ils ont exporté leur conflit séculaire, aussi longtemps que le minable et complice pouvoir Congolais actuel et la CI font grâce au M23 ici comme à un partenaire normal là comme à un interlocuteur incontournable à Addis-Abeba, à Nairobi…, l’instabilité subsistera à l’Est du Congo jusqu’au jour où un pouvoir souverain, responsable et fort conduira ce pays…
Vous l’aurez compris pour moi à la base une réalité niée : une victime du génocide n’en devient pas pour autant une sainteté intouchable à dédouaner automatiquement de ses éventuels délits ou crimes ultérieurs sans dénaturer les valeurs humanistes et les relations démocratiques entre les peuples, entre les Etats…
C’est ce que, hélas, hélas les bonnes âmes occidentales et d’ailleurs n’ont pas encore digéré après le génocide juif, ils s’assoient sans le savoir sur les valeurs qui ont conduit à condamner les bourreaux et ici en refusant de voir les crimes des tutsi au Congo parce qu’anciennes victimes du génocide… N’y voir que l’incompétence et l’irresponsabilité du côté Congolais ne suffira jamais…