Depuis la création de la rébellion du M23 et le retour de la guerre à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), de nouveaux groupes armés ont fait leur apparition. Une trentaine de rébellions sévissent actuellement dans les Kivus. La dernière en date se nomme l’URDC, Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo.
Chaque semaine qui passe aux Kivus, voit la création d’un nouveau groupe armé. Depuis la mutinerie du M23, en guerre contre l’armée régulière de Kinshasa, les rébellions se multiplient à l’Est de la RDC. On compte actuellement une trentaine de mouvements rebelles dans la région, allant de quelques centaines d’hommes à quelques milliers. Les alliances varient avec le temps et les circonstances. La majorité de ces mouvements ont pourtant un « ennemi » en commun : les FARDC, l’armée régulière congolaise. Les victimes de ces groupes sont toujours les mêmes : la population civile, prise entre deux feux. Pillages, vols, viols, les exactions de ces milices ont jeté sur les routes et dans les camps, des milliers de réfugiés. Depuis le mois de mai et la création du M23, les combats ont fait plus de 300.000 déplacés dans l’Est du pays.
URDC, Raïa Mukombozi…
Le dernier né de ces groupes s’appelle l’URDC, l’Union pour la réhabilitation de la démocratie au Congo. Ces rebelles se trouvent à Beni, au Nord-Kivu et sont basés dans les collines de Ruwenzori et Graben. Selon la radio onusienne Okapi, un des responsables du groupe serait le colonel Jacques Tahanga Nyolo, un officier déserteur de l’armée régulière (comme la plupart des rebelles), issu d’une branche du RCD-KML. Comme bon nombre de nouvelles rébellions, l’URDC se dit « en contact » avec le M23, le « mouvement-phare » du Nord-Kivu. Le RCD-KML a rejeté la paternité du groupe et a toujours nié tout rapprochement avec le M23, formé de déserteurs de l’armée et soutenu par le Rwanda voisin. L’URDC revendique « la réhabilitation de la démocratie et de la vérité des urnes », entendez le départ de Joseph Kabila.
Le semaine dernière, un autre groupe armé a vu le jour dans le territoire de Shabunda au Sud-Kivu : les Raïa Mukombozi, un groupe d’auto-défense Maï-Maï issu des Raïa Mutomboki, qui contrôlent de nombreux sites miniers. Ce nouveau mouvement, entré en dissidence il y a quelques semaines, souhaite combattre les Raïa Mutomboki et s’emparer de leurs territoires, riches en minerais. Le contrôle des ressources naturelles du sous-sol congolais constitue l’une des causes du conflit au Nord et Sud-Kivu. S’il ne constitue pas le moteur de la guerre, il en est assurément le principal carburant.
Une armée congolaise en décomposition
La focalisation de la communauté internationale et des médias sur la rébellion du M23, cache une réalité plus complexe sur le terrain. La prolifération de ces mouvements révèle avant tout les carences de l’Etat dans les provinces et particulièrement l’absence d’une armée digne de ce nom. Faute de moyens, de paie et d’un véritable commandement, les FARDC, sont toujours incapables d’assurer la sécurité de la population. Pire, l’armée régulière se rend également coupable de nombreuses exactions sur les civils.
Une trentaine de factions se battent désormais dans les Kivus depuis l’apparition du M23. Le retour de la guerre a favorisé la création de nouvelles rébellions qui profitent du chaos ambiant pour régner en maître sur les territoires… et leurs richesses. Des alliances se sont créées entre ces mouvements, souvent contre-nature. Le M23, dont le nombre d’hommes oscillerait entre 1000 et 2000 hommes a été rejoint par plusieurs groupes d’auto-défense, comme les Pareco, les Pareco Fort, les Maï-Maï Kifuafua, les Maï-Maï La Fontaine ou les Raïa Mutomboki. Au Sud-Kivu, on trouve les Maï-Maï Yakutumba, les Maï-Maï Nyatura et les Mudundu 40. En Ituri, les FRPI, du chef milicien Cobra Matata règnent sur la région, contrôlent les taxes et l’argent du Trésor. Au Kasaï-Oriental, le colonel Tshibangu a fait défection de l’armée régulière et a tenté une offensive début octobre.
FDLR : supplétifs de l’armée congolaise ?
Face à ces multiples rébellions hostiles à Kinshasa, on trouve d’autres rebelles : les FDLR. Le plus grand groupe armé présent à l’Est, est composé aujourd’hui d’environ 3000 hommes (contre 7000 il y a encore quelques années). Ce mouvement rassemble des Hutus rwandais et des Congolais, opposés au régime rwandais de Paul Kagame, depuis la fin du génocide de 1994. Défendant les intérêts hutus et combattant les minorités tutsies congolaises (défendues par le M23) les FDLR ont été longtemps utilisés comme supplétifs à l’armée régulière. Aujourd’hui encore, le M23 accuse le gouvernement congolais d’utiliser les FDLR pour les combattre au Nord-Kivu.
Objectif commnun : le départ de Joseph Kabila
Dans ce chaos permanent depuis presque 20 ans, les deux Kivus restent le « terrain de jeu » idéal des « aventuriers » divers et des « apprentis rebelles« . Si chacun de ces mouvements ne représentent tout au plus qu’une centaine d’hommes, des alliances se nouent et se coordonnent de plus en plus. Pour l’instant leurs znoes d’influences ne dépassent pas quelques territoires. Mais dans ces mouvances rebelles, seul le M23, toujours installé aux portes de Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu, est en mesure d’ébranler le régime de Joseph Kabila. Signe des temps et de la montée en puissance du mouvement : la majorité des nouveaux groupes armés se sont rapprochés du M23. Le Mouvement du 23 mars peut désormais compter sur ces alliés (certes de circonstances) pour gagner des régions, les placer sous contrôle et fragiliser ainsi l’autorité de Kinshasa. Car cet assemblage hétéroclite de rébellions partage au moins un objectif commun : le départ du président Joseph Kabila.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Photo : © Ch. Rigaud – Kinshasa 2006 – www.afrikarabia.com