L’un des principaux opposants au président Joseph Kabila vient de se voir barrer la route de la présidentielle par la Cour constitutionnelle. Un coup dur pour Jean-Pierre Bemba qui doit désormais préparer la contre-attaque.
Le jugement de la Cour constitutionnelle de Kinshasa est sans appel. L’opposant Jean-Pierre Bemba est exclu de la course à la présidentielle de décembre prochain. La Cour a estimé que l’affaire de subornation de témoins devant la Cour pénale internationale (CPI) est « une circonstance aggravante dans l’infraction de corruption ». Toute personne condamnée pour corruption est en effet inéligible en République démocratique du Congo (RDC). Mais pour les proches de l’opposant, cette décision fait une lecture biaisée de la loi congolaise, en assimilant deux infractions distinctes. Mais surtout, ils dénonce une éviction politique.
« Une parodie d’élection »
« C’est une décision pour écarter un adversaire gênant. Le Congo est tombé trop bas, c’est la honte pour la République démocratique du Congo » s’est emportée Eve Bazaïba, la secrétaire générale du MLC (Mouvement pour la libération du Congo), le parti de Jean-Pierre Bemba. Le principal intéressé s’est exprimé immédiatement sur France 24 ce lundi, dénonçant « une parodie d’élection ». Et c’est effectivement bien là le problème. Après les évictions en cascade de Moïse Katumbi, qui s’est vu interdire son entrée sur le territoire pour déposer sa candidature, ou Adolphe Muzito, ancien Premier ministre qui a vu son dossier retoqué également, on peut se poser la question de la réelle crédibilité de la prochaine présidentielle.
Un président qui choisit « dauphin » et adversaires
Le mouvement citoyen Lucha ni va pas par quatre chemins pour fustiger le manque d’inclusivité du scrutin. Ils dénoncent une élection avec de simples « figurants », tous choisis par le pouvoir. En désignant Emmanuel Ramazani Shadary comme candidat de la majorité présidentielle, Joseph Kabila a d’abord choisi son « dauphin », puis en éliminant Katumbi, Bemba et Muzito, il a choisi ses adversaires. Car ce que dénonce l’opposition, c’est « l’instrumentalisation de la Cour constitutionnelle par le pouvoir », qui a procédé dernièrement au changement de deux juges, tous proches du chef de l’Etat.
Quel avenir pour Bemba ?
Reste à savoir maintenant ce que va faire Jean-Pierre Bemba. Va-t-il continuer à se battre malgré son exclusion, ou quitter la politique ? Et si il continue le combat, quelle stratégie va-t-il choisir ? L’ancien vice-président peut tout d’abord décider d’apporter son soutien à l’un des candidats d’opposition encore en course, Félix Tshisekedi (UDPS) ou Vital Kamerhe (UNC). Un choix délicat qui pourrait être décisif, sous réserve que le « chairman » du MLC rentre en RDC pour mener campagne pour son poulain. Et pour l’instant, Jean-Pierre Bemba est en Europe.
Vers un boycott du scrutin ?
L’ancien vice-président pour également choisir de bien prôner pour le boycott du processus électoral. Nombreux sont ceux qui prônent cette option dans l’opposition. A l’image de la Lucha que demande aux candidats encore en lice « de revenir dans le camp du peuple et d’exiger de vraies élections, sans Kabila, ni sa Ceni, ni sa Cour constitutionnelle, ni son fichu fichier électoral ». Mais le boycott du scrutin ne serait efficace que si l’ensemble des opposants y prend part, de manière concerté. Pour l’heure, la balle est dans le camp des ténors de l’opposition qui restent muet sur la question. A eux de définir leur stratégie… d’une même voix. Car le grand gagnant de cette bataille pré-électoral reste avant tout le candidat du camp présidentiel, Emmanuel Ramazani Shadary. Le « dauphin » de Joseph Kabila, continue de compter les obstacles qui tombent un à un sur la route qui doit le mener au palais présidentiel.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
C’est en effet acquis aujourd’hui plus qu’hier que les prochains scrutins ne seront guère plus crédibles que ceux de 2011 qui avaient été déjà dénoncés par la CI mais cette même CI poussera-t-elle sa logique jusqu’à approuver leur boycottage s’il était décidé par l’opposition au régime ou alors quel autre appui à impact réel peut-elle apporter aux patriotes Congolais ?
Voilà une première question qu’à brule-pourpoint m’inspire la lecture de ce papier tant la CI, trop à cheval sur les convenances mais peut-être ainsi trop aveuglement (ou hypocritement) parce qu’elle n’ignorait pas la capacité de perversité du régime, a toujours privilégié la voie électorale quand bien même le processus s’annonçait déjà piégé.
Elle a certes obtenu le retrait de ‘JK’ mais comme à Afrikarabia les dernières péripéties lui montreront que ce processus n’en continue pas moins de se fragiliser au fil des jours, – elle n’a même pas obtenu que ‘JK’ accepte l’aide étrangère d’où le risque d’une opacité supplémentaire augurant d’autres tripatouillages -, alors se satisfera-t-elle quand même des apparences démocratiques ?
Voilà pour la CI !
Sinon si on ajoute aux stratagèmes prompts à la fraude contenus dans ce processus, les exclusions politiques de Katumbi puis de Bemba et même de Muzito (il draine un électorat significatif surtout dans le Bandundu), la route du fretin/dauphin vers la victoire dans ce cadre arbitraire, s’éclaire de plus belle.
Quelle attitude va adopter l’opposition ? Va-t-elle avancer de concert ou agir en ordre dispersé en l’occurrence les invalidés contre les cooptés ou d’autres combinaisons ?
Pour moi sans Katumbi et/ou Bemba à ces élections l’opposition a une chance quasi nulle de gagner, de vaincre le représentant du régime ; d’où, si elle veut encore compter, l’impératif pour elle de s’organiser autrement qu’elle nous a habitués. Soit elle agit de façon commune et très réfléchie pour tenter de bousculer significativement les despotes tricheurs, soit, pourquoi pas, elle décide de commun accord de boycotter ce scrutin.
Entre-temps s’agissant du dernier exclu célèbre, Bemba, que va-t-il faire, continuer à se battre et avec quels oitils ou quitter la politique, va-t-il par exemple soutenir le candidat commun s’il est choisi ou l’un d’entre eux dans le cas contraire, alors va-t-il mener campagne sur le terrain pour celui-ci ou alors opter pour le boycottage et rallier les autres à ce choix ?
Toutes ces questions sont importantes s’agissant du poids lourd et sérieux adversaire pour ‘JK’ après Katumbi qu’est Bemba et qui peut encore agir sur le terrain seul ou à côté des autres. Aura-t-il encore le courage de se battre après tant d’épreuves épuisantes et dans ce cas saura-t-il cette fois endosser sa responsabilité jusqu’au bout sans compromission ni complaisance avec un régime dont il a eu le temps de mesurer la nocivité pour ce pays ? Dans ce cas, fédérer et responsabiliser une opposition qui puisse se donner les moyens efficients de son combat… Une bataille est perdue mais la guerre doit continuer comment d’autre qu’en opérant réunie contre un adversaire qui ne manque pas de moyens et surtout décidé à résister…
Voilà du côté des vrais patriotes Congolais aspirant légitimement au changement !