Plusieurs noms circulent pour succéder au Premier ministre Augustin Matata Ponyo et former le prochain gouvernement de « cohésion nationale« . La reconduite de Matata Ponyo dans ses fonctions s’éloigne et le président du Sénat, Léon Kengo, tient la corde.
La situation est cocasse en République démocratique du Congo (RDC). Depuis le 27 octobre 2013, le gouvernement du Premier ministre Matata Ponyo est en sursis. A cette date, le président Joseph Kabila annonçait la formation « imminente » d’un gouvernement de « cohésion nationale » après les recommandations des Concertations nationales convoquées quelques semaines plus tôt par ses soins. Depuis cette déclaration… plus rien. Le Premier ministre en poste, Augustin Matata Ponyo, expédie les affaires courantes et depuis maintenant 6 mois, la classe politique congolaise reste suspendue à la décision du président de la République… qui peine à arriver. La raison de ce « retard à l’allumage » ? : une situation politique délicate pour le président congolais. Après sa réélection très contestée de novembre 2011, Joseph Kabila a été sommé par la communauté internationale de consulter l’ensemble des partis politiques pour sortir d’une crise politique et sécuritaire majeure.
Un nouveau Premier ministre : une question de survie
L’ouverture politique à l’opposition devient donc une nécessité pour Joseph Kabila, qui doit également faire face à une Constitution qui l’empêche de se présenter à un troisième mandat en 2016. Le nouveau gouvernement de « cohésion nationale » doit donc permettre à Joseph Kabila d’élargir la base de sa majorité pour pouvoir : soit changer la Constitution, soit prolonger son mandat actuel. Par quel moyen ? cela reste encore bien mystérieux (lire notre précédent article). La nomination d’un nouveau Premier ministre constitue donc une question de survie politique pour le jeune président congolais, de tout juste 43 ans.
Un nouveau gouvernement après la loi d’amnistie
La publication de la liste des premiers bénéficiaires de la loi d’amnistie, la semaine dernière, pourrait bien sonner l’heure de la mise en place d’un gouvernement de cohésion nationale. Avant de s’engager dans son opération d’ouverture politique, le président Kabila souhaitait y voir plus clair dans le camp des anciens groupes armés et notamment au sein de l’ex-M23. La loi d’amnistie a ainsi permis de « blanchir » deux membres de l’aile politique de l’ex rébellion, René Abandi et Serge Kambasu Ngeve. Mais aussi d’effectuer un geste d’apaisement envers les membres des attaques du 27 février 2011 et des fidèles du général Munene ou d’Honoré Ngbanda. Certains observateurs de la vie politique congolaise affirment « qu’une fois les amnisties prononcées, le temps de la nomination du nouveau gouvernement pourrait venir« .
Reconduire Matata ?
Mais en attendant le gouvernement d’union nationale, les grandes manoeuvres se poursuivent autour du président Kabila pour la course à la primature. Plusieurs noms circulent à Kinshasa depuis l’annonce de Joseph Kabila et différents scénarios se profilent. Le premier scénario (privilégié un temps par Joseph Kabila) était la reconduite de l’actuel Premier ministre Matata Ponyo avec l’entrée de personnalités de l’opposition dans le nouveau gouvernement. A la tête de la primature depuis mai 2012, Matata Ponyo n’a pas démérité sur le front économique. « C’est sans doute le meilleur VRP de Kabila à l’extérieur » indique-t-on à Kinshasa. Avec un profil de « techno rassurant« , le Premier ministre congolais a su tenir les indicateurs macros économiques dans le vert : l’inflation a baissé de 1 point, le franc congolais est resté stable et la croissance devrait grimper en 2014 à 8,7%. Autre satisfaction du gouvernement Matata, que le Premier ministre présente comme sa réussite : la « bancarisation » des salaires des fonctionnaires. Si le bilan de cette réforme est encore très mitigé, la primature estime que 70% des fonctionnaires touchent désormais leur salaire sur un compte bancaire. Voilà pour le positif de son action.
Matata : pas assez politique pour rester
Côté face, Matata Ponyo a été un acteur relativement inaudible et discret sur les dossiers non-économiques du pays et notamment sur la crise à l’Est avec le M23. Mais c’est en politique intérieure que le Premier ministre est resté le plus absent. Matata Ponyo semble avoir évolué en dehors des grands débats qui ont agité la majorité présidentielle… à se demander même s’il en faisait partie. Matata Ponyo n’avait ni le parcours, ni l’autorité pour s’imposer dans la majorité comme le « patron« . Le Premier ministre n’avait que peu d’allié dans la mouvance présidentielle et les caciques du PPRD, comme Boshab ou Minaku, semblaient l’ignorer. « Trop économique et pas assez politique » résume-t-on dans la capitale congolaise. Matata peut-il rempiler à la tête d’un nouveau gouvernement de cohésion nationale ? Plus le temps passe et plus cette perspective s’éloigne. Joseph Kabila, qui a 2016 en ligne de mire, doit désormais s’attacher à soigner sa majorité et apprivoiser son opposition. Le nouveau Premier ministre doit donc être un rassembleur au large spectre politique. Joseph Kabila cherche un politicien et un tacticien capable de naviguer dans les arcanes de l’échiquier politique congolais.
Kengo : Kabilo-compatible
Dans la catégorie du plus grand dénominateur commun, le plus médiatique s’appelle Léon Kengo. A 78 ans, le président de Sénat avait trouvé le moyen de s’imposer en lançant la course à la primature… avant Joseph Kabila. Léon Kengo avait en effet annoncé la composition d’un gouvernement d’union nationale avant même la tenue des Concertations nationales qu’il co-présidait avec le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku. Déjà Premier ministre sous Mobutu en 1982, puis en 1994, Léon Kengo n’est pas un novice en politique. Il réussit l’étonnant grand écart politique d’être aujourd’hui au centre de l’échiquier politique congolais. Kengo peut se revendiquer à la fois dans l’opposition, mais aussi comme le meilleur relai du président Kabila dans les institutions congolaises. Quitte à en faire un peu trop pour se rendre « Kabilo-compatible« . Dernier exemple en date : le 24 mars dernier, le président du Sénat a annoncé qu’une révision de la Constitution, non-inscrite sur le calendrier de la session parlementaire, était prévue. Tollé dans les rangs de l’opposition, qui craint que le président Kabila en profite pour faire sauter le « verrou constitutionnel » qui lui interdit de briguer un troisième mandat. L’entourage de Léon Kengo a dû rétropédaler quelques jours plus tard pour affirmer que la révision constitutionnelle ne pouvait pas porter sur la limitation des mandats présidentiels… sans vraiment convaincre. A force d’annonces tonitruantes, Léon Kengo a réussi à se positionner comme la personnalité politique avec qui il faudra compter dans le nouveau gouvernement. Au poste de Premier ministre, ou au moins comme membre du gouvernement, pour lui et ses proches. On cite fréquemment Ingele Ifoto ou Michel Bongongo comme « ministrables« .
Rapprochement Kengo-Muamba
Pour se rendre incontournable, Léon Kengo n’a pas hésité à « élargir sa base » lui aussi. Il a récemment créé l’Opposition Républicaine, une plateforme dans laquelle on retrouve aussi bien François Muamba et son ADR qu’Azarias Ruberwa, du RCD. Pour le premier, le rapprochement est assez logique avec le président du Sénat. Tout comme Léon Kengo, l’ex-MLC François Muamba, n’a pas hésité à se rapprocher du pouvoir en acceptant le poste de coordinateur du mécanisme de suivi de l’accord d’Addis-Abeba. François Muamba a donc représenté l’actuel gouvernement congolais aux négociations de Kampala entre les rebelles du M23 et Kinshasa. Comme Kengo, Muamba est donc parfaitement Kabilo-compatible. Ce qui fait dire à François Muamba que l’alliance de son parti, l’ADR, avec l’UFC de Kengo était devenue « nécessaire car les objectifs se rejoignaient dans une vision commune de la République« . On peut donc penser que si Léon Kengo accédait à la primature, François Muamba se retrouverait avec un ministère.
Ruberwa, la « caution rebelle«
Quant au rapprochement de Léon Kengo avec Azarias Ruberwa, la nouvelle a fait des vagues au sein de la plateforme de l’Opposition Républicaine. La présence de Ruberwa, représentant de l’ancienne rébellion du RCD, un peu disparu des écrans radars de la politique congolaise, est somme toute assez stratégique pour Kengo. Après la défaite des rebelles du M23 (héritiers lointains du RCD), Joseph Kabila cherche à faire rentrer dans sa majorité un maximum d’anciens représentants politiques des rébellions passées, espérant affaiblir ainsi les anciennes branches militaires. Ruberwa, comme Abandi ou Kambasu peuvent donc devenir les nouveaux soutiens du président Kabila… les « cautions rebelles« . En proposant à Joseph Kabila, une plateforme de soutiens allant de François Muamba à Azarias Ruberwa, Léon Kengo espère bien remporter les suffrages du président pour devenir Premier ministre une troisième fois.
Kengo n’a pas que des atouts
Mais la route qui mène à la primature semble encore bien tortueuse pour Léon Kengo. Principaux défauts de la candidature sa à la primature : sa relative impopularité auprès des Congolais, qui ne gardent pas un souvenir impérissable de ses précédents passages au pouvoir ; son âge (78 ans) et enfin le manque de « gros calibres » de l’opposition dans sa plateforme. Les deux poids lourds de l’opposition : l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, l’UNC de Vital Kamerhe et dans une moindre mesure l’Ecide de Martin Fayulu ont tous refusé de suivre Kengo, mais aussi de participer à tout gouvernement d’union nationale.
D’autres prétendants… Minaku en tête
Dans la course à la primature, le président du Sénat n’est pas seul en lice. Dans le cas où Joseph Kabila souhaiterait nommer un membre de son propre parti, le président de l’Assemblée nationale Aubin Minaku part favori, suivi par Evariste Boshab, le patron du PPRD. D’autres noms émergent également, comme Albert Yuma, le patron des patrons congolais, qui a beaucoup critiqué le bilan de Matata Ponyo à la primature (pour prendre sa place ?). On trouve aussi Jean-Claude Masangu, l’ancien directeur de la Banque Centrale du Congo, qui possède sans doute le profil le plus proche de Matata Ponyo : technocrate et économiste… avec la carte katangaise en plus, la province du clan Kabila. Mais une chose est sûre, le président Joseph Kabila n’aura qu’un seul critère en tête au moment de désigner son nouveau Premier ministre : celui qui lui permettra de rester au pouvoir après 2016 ?
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Kengo a déjà été premier ministre à reprises (1982, 1988 et 1994) et non deux fois comme il est abondamment repris dans ce papier.
Quand Mobutu prononce son discours du 24 avril 1990, qui était premier commissaire d’Etat? C’est Kengo.
1982 – 1986 : Kengo
1986 – 1987 : Mabi Mulumba
1987 – 1988 : Sambwa Pida Mbagi
1988 – 1990 : Kengo
http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_premiers_ministres_de_la_R%C3%A9publique_d%C3%A9mocratique_du_Congo
Il me semble aussi que Matata a moins de chance dans le contexte actuel. Il pourra se faire remplacer poyur des raisons 2016. Un avis sur mon blog: http://edrcrdf.wordpress.com/2014/03/24/augustin-matata-ponyo-mapon-les-limites-dun-technocrate-lappel-dun-politocrate/
Le maintien au pouvoir de de Mr. Kabila lui rend instable. En lisant la conclusion de l’analyse du journaliste Christophe RIGAUD vous comprendrez sans doute que Mr. Kabila lui ne mettra au pouvoir que celui qui épousera sa philosophie de le maintenir au pouvoir après 2016. Alors que Mr. Léon Kengo ensemble avec ses collabo (Azarias Ruberwa, François Mwamba, Kambasu et autres), tous voulant bien se retrouver dans le partage du gâteau, et comme il n’ont pas un minimum de nationalisme en eux, ils sont prêts à sacrifier toute une nation et accepter le cadeau empoisonné du Raïs. Peu importe la dénomination « opposition républicaine » que Leon Kengo ait donné à sa plate forme, cela ne pourra en aucun cas distraire l’opinion congolaise. Sinon la vraie opposition congolaise reste loin de toutes ces conneries dudit gouvernement en place avec ses collabo. Nous disons incessamment à Mr. Matata Mponyo de garder son souffle et de se ressaisir en attendant le prochain gouvernement d’après 2016. Je m’en vais par dire à Mr. Kabila de ne pas se laisser tromper par Léon Kengo et ses collabo qui veulent se mettre en conflit avec le peuple congolais ainsi qu’avec l’opposition congolaise digne de nom qui prétendent vous maintenir au pouvoir après 2016. Avant d’adhérer à leur politique mensongère et lucrative, allez plus loin et vous poser des questions à savoir: 1.A-t-il cette possibilité à lui seul sans concours du reste des congolais à me maintenir au pouvoir? 2.combien soutiennent sa cause? 2.N’est-il pas qu’il me met dans l’espoir et une fois au pouvoir rien ne se reproduise?
Je pense, pour ma part, que la question n’est peut être posée en termes du remplacement du Premier Ministre pour un simple remplacement. Plutôt que de s’attarder sur un tel questionnement, le Président de la République dans son pouvoir discrétionnaire devra penser à nommer la personne qui traduit fidèlement sa vision du présent quinquennat qu’est « la révolution de la modernité ». Qu’il soit politique ou non, si la personne choisie mène bien cette vision, les actions parleront d’elles-mêmes et le peuple se rendra à l’évidence pour le renouvellement de sa confiance au Président de la République? Or, en l’espèce, Matata Ponyo, l’actuel premier ministre joue bien son rôle. Et demander à Aubin Minaku de laisser l’Assemblée nationale au profit d’une autre institution, serait une erreur stratégique car il dirige avec maestria cette institution au profit du pouvoir en place.