Une journée ville morte était organisée par l’opposition ce mercredi pour dénoncer le report des élections et le maintien de Joseph Kabila au pouvoir. Une mobilisation très suivie à Kinshasa, Mbuji-Mayi et Beni, mais ignorée à Lubumbashi et Bukavu, les fiefs de Moïse Katumbi et Vital Kamerhe.
Rues désertes, magasins fermés, boulevard du 30 juin étonnamment fluide… l’opération ville morte lancée par le Rassemblement de l’opposition a été plutôt bien suivie dans la bouillonnante capitale congolaise de 12 millions d’habitants. Même constat à Mbuji-Mayi, une région réputée proche du patron du Rassemblement, Etienne Tshisekedi. Dans l’est du pays, c’’est à Beni, ville martyre, victime de massacres à répétition depuis deux ans, que la mobilisation était la plus visible. La population a en effet répondu à l’appel de l’opposition en décernant un « carton jaune » à Joseph Kabila, 60 jours avant de la fin de son dernier mandat. A Beni, comme à Goma, plusieurs centaines de personnes ont défilé, vêtues de jaune et brandissant un carton à la main pour demander le départ du président congolais le 19 décembre 2016, comme l’exige la Constitution.
Ville morte ignorée à Lubumbashi et Bukavu
Dans le reste du Congo, le mouvement a été peu suivi, voire ignoré comme à Lubumbashi, la deuxième ville du pays, où l’activité était « tout à fait normale » selon un témoin contacté dans la capitale minière. Un manque de mobilisation étonnant dans une ville pourtant acquise à l’opposant Moïse Katumbi, dont ses soutiens sont des membres actifs du Rassemblement de l’opposition. A Bukavu, capitale du Sud-Kivu, on ne sera pas surpris de l’absence de participation à la journée ville morte. Fief incontesté de Vital Kamerhe, le délégué de l’opposition présent au dialogue et signataire de l’accord politique que dénonce le Rassemblement, la population a massivement suivi la position du patron de l’UNC en vaquant à ses occupations. L’ancien président de l’Assemblée nationale est le seul responsable d’opposition de poids a avoir validé le report de la présidentielle et le maintien au pouvoir de Joseph Kabila et n’avait donc pas appelé à manifester ce mercredi.
Une transition « sans Kabila » pour le Rassemblement
Pour le Rassemblement d’Etienne Tshisekedi, cette journée ville morte constitue « un premier avertissement au président Kabila. » Selon Jean-Marc Kabund, le secrétaire général de l’UDPS « la journée ville morte a réussi à 100% ». Et de prévenir « monsieur Kabila, faites attention, tu dois quitter le pouvoir. » Le carton rouge de l’opposition sera donc délivré au soir du 19 décembre. Car le Rassemblement rejette intégralement l’accord politique signé ce lundi pendant le dialogue national et qui reporte la présidentielle à avril 2018. L’opposition radicale, qui a d’ailleurs boycotté l’ensemble des 6 semaines du forum, propose une autre alternative au « glissement » du calendrier électoral avec Joseph Kabila comme président. Le Rassemblement prône un « régime spécial » excluant l’actuel chef de l’Etat pour le remplacer par un président de transition (Etienne Tshisekedi) chargé d’organiser la présidentielle dans les plus brefs délais.
59 jours pour sortir de la crise
Le dialogue, qui s’est clôturé ce mardi après 6 semaines de discussions, semble n’avoir rien réglé à la crise qui couve en RDC – voir notre article. Le pseudo dialogue s’est transformé en simple chambre d’enregistrement des désirs de la majorité présidentielle dont la seule priorité était de repousser les élections le plus longtemps possible et de maintenir Joseph Kabila pendant la transition. Une opération réussie qui n’aura pas coûté bien chère au camp présidentiel, si ce n’est le poste de Premier ministre que devrait récupérer Vital Kamerhe. Un nouveau gouvernement et une date d’élection présidentielle dans deux ans ne suffiront visiblement pas à apaiser les tensions. Il reste donc 59 jours à Joseph Kabila pour sortir le pays de l’impasse.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia