« La situation des droits humains en République démocratique du Congo (RDC) s’est dégradée en 2020 sous la présidence de Félix Tshisekedi, après une première année de mandat marquée par des avancées » constate le rapport annuel de Human Rights Watch (HRW).
Répressions d’activistes, attaques menées contre des civils par les groupes armés ou les forces gouvernementales, liberté d’expression entravée, arrestations arbitraires de journalistes et de personnalités politiques… les atteintes aux droits de l’homme ont nettement augmenté en RDC selon Human Rights Watch, qui vient de publier son rapport annuel sur les droits humains dans le monde. L’ONG rapporte que « des dizaines de personnes ayant critiqué les politiques gouvernementales, y compris sur les réseaux sociaux, ont fait l’objet d’intimidation et de menaces, de passages à tabac, d’arrestations et, dans certains cas, de poursuites judiciaires. »
Journalistes, manifestants menacés
Les journalistes ont été particulièrement ciblés par les autorités congolaises, qui n’hésitent à menacer, harceler, interpeller, mais aussi interdire la diffusion de certains programmes ou médias critiques envers la politique gouvernementale. Le droit à manifester pacifiquement a également été entravé, notamment à cause de l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Cet été, les manifestations contre la nomination contestée d’un nouveau président à la Commission électorale (Ceni) ont été fortement réprimées. Un manifestant a été tué à Kinshasa, deux autres à Lubumbashi et des dizaines d’autres ont été blessés. Les corps de quatre manifestants de l’UDPS, le parti présidentiel, ont été retrouvés dans une rivière proche de Lubumbashi.
« Le militantisme n’est pas un crime ! » pour Denis Mukwege
Les défenseurs des droits de l’homme ont également fait l’objet « de menaces, d’intimidation, d’arrestations arbitraires et de détention de la part des services de l’Etat et de groupes armés », dénonce HRW. Le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege, « a reçu des menaces de mort pour son plaidoyer en faveur de la justice pour les crimes graves ». Le même docteur Mukwege s’est insurgé des menaces qui pèsent sur les activistes congolais, régulièrement interpellés à chaque manifestation. « Le militantisme n’est pas un crime !, s’est indigné le Prix Nobel de la paix. Depuis 21 jours, des défenseurs des droits humains sont détenus de façon arbitraire à Beni au Nord-Kivu. Nul ne devrait être privé de sa liberté pour avoir exercé son droit à participer à une manifestation pacifique ! »
« Vos actes s’éloignent peu à peu de vos promesses »
Des militants du mouvement citoyen la Lucha ont en effet été interpellés fin décembre au cours d’une manifestation pour réclamer la fin des massacres dans la région de Beni. « Alors que les condamnés pour détournements de deniers publics sont graciés, nos huit camarades font face à une cour militaire incompétente (…). Monsieur le président, vos actes s’éloignent peu à peu de vos promesses » accuse la Lucha sur Twitter. Après l’embellie de la première année de son mandat, avec la décrispation politique et l’autorisation des manifestations, Félix Tshisekedi semble avoir resserré l’écrou de la répression face à la crise politique qui s’installe au Congo. Toute voix dissonante est désormais intimidée, réprimée, judiciarisée.
Beni, « un épicentre de la violence »
Sur le front sécuritaire, la situation des Congolais à l’Est du pays s’est elle aussi dégradée en 2020. En neuf mois, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a recensé au moins 1.300 civils tués par des groupes armés mais aussi par les forces gouvernementales, entre octobre 2019 et juin 2020. « Des centaines d’autres ont été tués pendant le second semestre de l’année » indique Human Rights Watch. Plus de 130 groupes armés étaient encore actifs dans les provinces du Nord et Sud-Kivu et de l’Ituri. La promesse du président Tshisekedi de ramener la paix à l’Est s’éloigne elle aussi un peu plus. Le territoire de Beni est resté « un épicentre de la violence, avec au moins 645 civils tués dans plus de 165 attaques commises par différents groupes, dont les ADF ».
Un programme DDR inefficace
L’armée congolaise a pourtant redoublé d’effort dans sa lutte contre les groupes armés, mais ses résultats sont « mitigés » selon l’ONG. L’armée, qui se rend aussi coupable d’exactions contre les civils, se sert parfois des groupes armés comme « force auxiliaire » pour lutter contre les milices locales. Et si « plusieurs milliers de combattants de différents groupes armés se sont rendus tout au long de l’année, bon nombre ont repris les armes, les autorités n’ayant pas réussi à mettre en place un programme efficace de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). »
« Des doutes sur les motifs de poursuites contre Kamerhe »
La justice était également un grand chantier plein de promesses du président Tshisekedi en 2019. Un an plus tard, le bilan est bien mince. Le procès anti-corruption des « 100 jours » a conduit à la condamnation à 20 ans de prison du directeur de cabinet du président Tshisekedi, Vital Kamerhe. Mais « de nombreuses autres personnalités impliquées dans des actes de corruption ces dernières années n’ont pas fait l’objet d’enquêtes, jetant le doute sur les véritables motifs des poursuites engagées contre Kamerhe » souligne le rapport d’HRW. Vital Kamerhe avait lui-même dénoncé un procès politique qui visait à l’écarter de l’élection présidentielle de 2023 et de la vie politique congolaise.
Les chefs de milices Gédéon et Guidon courent toujours
Certes, le président Tshisekedi a lancé un projet de mécanismes de justice transitionnelle pour mettre fin à l’impunité, mais pour le moment, rien n’a encore été fait. Un tribunal militaire de Goma a pourtant condamné à la perpétuité Ntabo Ntaberi Sheka, l’ancien chef du groupe armé Nduma Defense of Congo (NDC), coupable de sept chefs d’inculpation de crimes de guerre, dont viol de masse et esclavage sexuel, meurtre, pillage et recrutement d’enfants soldats. Mais « certains tribunaux, notamment militaires, chargés d’affaires liées à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité sont confrontés à de sérieuses lacunes » note HRW. Le chef de guerre Gédéon Kyungu, s’est échappé de sa résidence surveillée de Lubumbashi et le chef de milice Guidon Shimiray Mwissa est lui aussi recherché par les autorités congolaises pour sa participation à un mouvement insurrectionnel.
L’affaire Chebeya relancée ?
Deux points positifs sont tout de même à noter sur le front de l’impunité. L’arrestation le 3 septembre 2020 de l’officier de police Christian Ngoy, impliqué dans le double assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana en 2010 et la mise à l’écart du général John Numbi, soupçonné, dans la même affaire, d’être le commanditaire des deux meurtres. Toutefois, s’il s’agit là d’une démarche positive, explique Human Rights Watch, « Tshisekedi a remplacé Numbi par le général Gabriel Amisi, lui aussi accusé depuis longtemps de graves violations des droits humains dans l’Est de la RDC ».
Christophe Rigaud – Afrikarabia
Merci pour les Africains d’Afrique et de sa diaspora !! Article partagé… Bonne et meilleure Année à ceux et celles qui nous informent.
Dommage car le droit de l’homme est le cheval de bataille du Président Fatshi. Toutefois,il faut continuer à le soutenir dans ses réformes, C’est un chantier gigantesque, changer la mentalité de l’impunité des gens du FCC et des services gouvernementaux, prendra du temps.
Les effets pervers de la maffia des politiciens congolais, des officiers de la police, de services de renseignement et de l’Armée sont perceptibles dans tous les secteurs de la vie quotidienne au RDC. Nous devons saluer le travail remarquable de Human Rights Watch et des ONG, Nsapu, Kapiamba, Katende, Tshiombela, Carbone Beni, les membres de Filimbi, La Lucha et autres organismes risquent leurs vies pour instaurer un Etat de droit au pays. Le Président Fatshi a besoin d’avoir ce genre de feedback. Ces gens et organismes font leur travail dans toute neutralité, autrefois les loubards du FCC Mende, Makila,Tambwe,Kalev, Shadary, Kisombe, Zoé, Muyumba, Ruberwa, Nyarugabo, Hildengonde Janet auraient crié au scandale, ingérence…
La France et l’affaire gilets jaunes, une tache noire dans le respect de droits de l’homme.