Arrêté par la police pour trafic d’armes en liaison avec une entreprise terroriste, Claude Hermant, membre du service d’ordre du Front national, est un habitué des provocations à l’islamophobie. Cet ancien mercenaire aurait opéré en RDC et au Congo Brazzaville pour le compte des services de renseignement français dans les années 1990.
Depuis les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher de Paris qui ont bouleversé la France en janvier 2015, les policiers s’efforcent de « faire parler » les armes et munitions retrouvées sur les cadavres des trois terroristes. Le quotidien La Voix du Nord vient de révéler que l’enquête met en cause une figure de la mouvance identitaire du Nord – Pas-de-Calais : Claude Hermant, un personnage au passé singulièrement trouble. Cet « informateur de la gendarmerie était barbouze en 1999 à Brazzaville au Congo ». Selon La Voix du Nord, il a travaillé pour les services de renseignement. L’enquête de la PJ de Lille commandée par le juge lillois Stanislas Sandraps, pourrait réserver des surprises aussi explosives que les « produits » que Claude Hermant est soupçonné avoir vendu.
Arrêté fin janvier, Claude Hermant, aujourd’hui placé à l’isolement au centre pénitentiaire de Lille-Annœullin pour « trafic d’armes en bande organisée », semble un spécialiste de la « remilitarisation » d’armes de guerre déclarées comme neutralisées provenant de pays de l’Est et destinées officiellement à des collectionneurs. La remilitarisation, consistant généralement à changer le canon ou la culasse, permettait de revendre les armes avec un gros bénéfice à des truands ou des apprentis terroristes. Même si Amédy Coulibaly se serait procuré ses armes à Charleroi, en Belgique, elles semblent provenir des « collections » de Claude Hermant.
« trafic d’armes en bande organisée »
Le passé et les relations du trafiquant d’armes intéressent au plus haut point le juge d’instruction. A 51 ans, Claude Hermant a « roulé sa bonne » un peu partout en Afrique et en France. Ancien membre de la sécurité du FN, il a été mercenaire dans les deux Congo, en Angola et en Croatie dans les années 1990. Soi-disant assagi, il s’était replié comme un leader de l’ex-Maison flamande de Lambersart, un nid de vipères de la mouvance d’extrême droite flamande. « C’était un repaire de jeunes skinheads mixant haine du « système », xénophobie et régionalisme flamand », précise le quotidien du Nord.
Le nom de Claude Hermant est sinistrement connu au Congo-Brazzaville. Ancien membre du service d’ordre du Front national (DPS), il aurait été recruté par Bernard Courcelle, chef du DPS de 1994 à 1999, pour partir comme mercenaire en Afrique. Bernard Courcelle « était chargé d’opérations clandestines de déstabilisation et d’infiltration » en France et en Afrique. Claude Hermant s’était retrouvé au Congo plus ou moins dans le cadre de ces opérations. Cette organisation, dont le coût annuel s’élevait à plusieurs millions d’euros, aurait été alors financée par la vente d’armes et le mercenariat », écrit Nord Eclair.
Recruté par par Bernard Courcelle, chargé « d’opérations clandestines de déstabilisation et d’infiltration » en France et en Afrique.
Le quotidien Libération a publié le témoignage de Claude Hermant sur son équipée africaine. Il prétend avoir formé un groupe paramilitaire secret de 30 à 60 personnes, surnommées les « fantômes », pour mener des actions répressives en banlieue parisienne, infiltrer des associations de lutte contre le racisme et tenter d’assassiner l’ancien ministre des finances congolais Moungouga N’Guila (aujourd’hui décédé).
Selon Rigobert Ossebi, de Congo-Liberty, « Claude Hermant, qui avait relaté en détail ces deux opérations conduites par Bernard Courcelle, avait révélé qu’elles avaient été commanditées par le ministre congolais de l’Intérieur de l’époque, Pierre Oba. Le pouvoir congolais s’était servi des mercenaires de Courcelle pour faire croire que Mougounga N’Guila était l’organisateur d’un coup d’Etat visant à renverser le président Sassou NGuesso, toujours selon Claude Hermant. Ce dernier aurait alors été incarcéré pendant quelques mois à Brazzaville pour conforter cette version… »
Claude Hermant aurait-il livré « par hasard » des armes et munition au « terroriste islamiste » de l’Hyper Casher, ou suivait-il un scénario de provocation pour encourager l’islamophobie en France ? Existe-t-il, aux marges du Front national, une inquiétante propension au trafic d’armes, et quelle en serait la finalité ? Ce sont des questions essentielles.
Encourager l’islamophobie en France ?
Selon le blog « La Règle du Jeu », « sans parler des nombreux anciens du GUD, groupuscule violent, qui gravitent autour du Front national (de la «GUD connection» qui tient les finances de Marine Le Pen aux «jeunes avec Marine» qui s’affichent avec le GUD Paris, on peut présenter le service de sécurité du FN qui, entre autres faits, s’est fait prendre avec «un fléau japonais, un poing américain, un pistolet lance-fusées calibre 12 et des balles en caoutchouc, un sabre d’exercice japonais en bois ainsi que 26 manches de pioche» dans le coffre de la voiture de Philippe Chapron, aujourd’hui candidat aux municipales à Caen. Les DPS (nom du service de sécurité du FN) ont aussi été été pris en possession, en d’autres occasions étalées sur sept ans, de «fusils “flashball”, pistolets à grenaille, battes de base-ball, bombes lacrymogènes, poings américains et couteaux […] tenues para-militaires, masques à gaz, bâtons, manches de pioche, bombes lacrymogènes, matraques et pulvérisateurs de gaz lacrymogène à dos avec lance […] un revolver à grenaille, un fusil à pompe à canon scié, une carabine de calibre 22 Long Rifle, des munitions, deux poignards, un poing américain et des battes de base-ball aux extrémités entourées de fil de fer barbelé, qu’ils ont brandies lors de la réunion […] matraques et bombes lacrymogènes […] un fusil de type “Riot Gun” […] un couteau, un pistolet à gaz et deux bombes lacrymogènes. […] un pistolet automatique calibre 22 long Rifle et de deux pistolets automatiques de calibre 7.65 mm, armes de 4ème catégorie [pour le meurtre d’Ibrahim Ali Abdallah, auquel il faut ajouter celui de Brahim Bouarram, NDLR] […] deux pistolets mitrailleurs, quatre pistolets automatiques, un fusil de guerre, une carabine et soixante cartouches […] des essais d’explosifs, à base de chlorate de soude et de sucre glace, placés dans un tube métallique, comptant fabriquer un engin plus performant encore […] doute sur l’utilisation de grenades […] une grenade lacrymogène, un pistolet calibre 12 x 50, un nunchaku et un couteau […] 500 grenades lacrymogènes (75 ml), 240 bombes de gel lacrymogène (75 ml), 50 bonbonnes au format extincteur (300 ml), 5 grandes bonbonnes de gaz (5 l) […] pistolets gomme cogne 12 mm et grenades lacrymogènes […] armes et munitions de 5ème, 6ème et 7ème catégories […] un pistolet automatique calibre 22 Long Rifle avec chargeur engagé rempli de 8 cartouches […] un fusil à pompe avec trois cartouches à balle en caoutchouc, 50 cartouches 38 spécial, deux gilets pare-balles, deux grenades lacrymogènes, un “spray” au poivre, une matraque télescopique et un détecteur de radar». Claude Hermant, ancien DPS, a affirmé que ceux-ci servaient aussi de couverture à une organisation paramilitaire, et qu’«en faisant avancer l’insécurité vous faites progresser l’électorat du Front. »
Une impressionnante accumulation d’armes
Le regretté François-Xavier Verschave, longtemps président de l’association Survie, a enquêté sur les liens entre le Front National, le mercenariat en Afrique noire et les trafics d’armes. Il a pointé le rôle de mercenaires français du groupe de Bob Denard, parmi lesquels Claude Hermant. « Il faudrait distinguer (mais le peut-on ?) les « vrais » mercenaires des « vrais-faux » mercenaires [car] il devenait difficile pour la France d’opérer ouvertement des interventions militaires en Afrique. »
Spécialiste du mercenariat, le journaliste Philippe Chapleau suggère que le Congo-Brazzaville a servi de terrain d’expérimentation grandeur nature pour un nouveau jeu de guerre : « Tout est parti d’un Kriegspiel […], un exercice d’état-major par des officiers français […] : il s’agissait de monter une opération en faisant appel aux techniques utilisées par les Anglo-Saxons. Elle s’était passée sans problème côté recrutement et obtention de matériels. Les principales difficultés avaient plutôt concerné les aspects médicaux et sanitaires. L’opération s’était si bien déroulée que les officiers ont décidé de déployer les hommes et le matériel sur un théâtre d’opérations réel. Le Congo-Brazzaville était le seul point disponible à l’époque. Problème : les responsables du montage de cette opération n’avaient pas de signaux politiques définissant le camp dans lequel ils devaient déployer leurs renforts. Après une période de latence, un signal est parvenu et l’opération a eu lieu. Ce sont sans doute ces groupes qui ont été repérés puisqu’ils y sont restés quelques mois et que le recrutement était effectivement français. »
« Tout est parti d’un Kriegspiel »
Le politologue Richard Banégas « confirme qu’il y a bien eu une opération privée sous le nom de « Hadès », aux côtés des forces de Sassou Nguesso. Elle a impliqué des mercenaires français, pour l’essentiel issus de l’ancienne filière de Bob Denard. Mais la privatisation du conflit congolais ne doit pas faire oublier un autre fait marquant. Il est intéressant de relever que, dans le cas du Congo-Brazzaville, la France, rétive à toute intervention, a indirectement agi dans la guerre selon une double stratégie de « décharge » ou de délégation. La stratégie française de délégation s’est en effet effectuée à deux niveaux : délégation au privé, par le biais de mercenaires qui auraient été en partie rétribués grâce à l’argent d’Elf, mais aussi « sous-traitance » à un acteur étatique en passe de devenir une véritable puissance militaro-pétrolière régionale, à savoir l’Angola, qui est aujourd’hui un point d’appui important sur la façade Atlantique. »
Au cœur des ténèbres
François-Xavier Verschave estime que « les mercenaires enrôlés dans « Hadès » ou d’autres descentes aux enfers, ont deux origines : d’un côté les vrais-faux mercenaires, militaires d’élite déguisés reliés aux Services ; de l’autre une dizaine d’officines spécialisées, bénéficiant en France de « la liberté du commerce [20] », qui perpétuent ou renouvellent la tradition denardienne [21] . Elles recrutent principalement dans un vivier d’extrême-droite, le DPS (Département protection sécurité), cette « garde présidentielle » de Jean-Marie Le Pen dont une moitié est partie former le DPA (Département protection assistance), rattaché au MNR (Mouvement national républicain) du scissionniste Bruno Mégret : plus de mille hommes au total, pour la plupart anciens parachutistes, gendarmes ou policiers. Jacques Chirac n’est pas l’initiateur de ce dispositif, conçu sous le premier septennat de François Mitterrand, mais il l’a pleinement repris à son compte à partir de 1995. »
Plus de mille hommes recrutés
Fondateur du service d’ordre du Front National, Bernard Courcelle est au départ un officier de la DPSD (Direction de la protection et de la sécurité de la Défense), l’ancienne Sécurité militaire. Rattachée au ministère de la Défense, la DPSD est dotée d’environ 1 600 hommes. « Il s’agit du service le plus secret et le plus puissant de l’appareil d’État, puisqu’il dispose de pouvoirs d’investigation illimités. » Elle est notamment « en charge du signalement des trafics d’armes et des recrutements de mercenaires », c’est-à-dire qu’en fait elle les supervise, les canalise ou les manœuvre. « De 1990 à 1993, il est le responsable de la sécurité du musée d’Orsay, dont Anne Pingeot, la maîtresse de François Mitterrand, est la conservatrice. La liaison était alors gardée comme un secret d’État. Difficile, pour Courcelle, d’être plus proche du cœur du pouvoir… », ajoute François-Xavier Verschave.
« En 1994, sans transition, l’officier de la DPSD est « détaché » pour assurer la direction du DPS de Jean-Marie Le Pen, sur le conseil du commissaire Pellegrini, de la cellule élyséenne. Ce jusqu’en 1999 : à cette date, le DPS, objet d’une inopportune commission d’enquête parlementaire, est contraint de se scinder. Bernard Courcelle est alors officiellement embauché pour diriger la garde présidentielle de Denis Sassou Nguesso, dont le régime débonde une criminalité sans limites. Selon l’un de ses hommes [27] , Courcelle aurait surtout été chargé de monter un « plastron », un coup fourré : un faux putsch, destiné à faire condamner les principaux opposants de Sassou. Puis il s’en va assurer la sécurité des installations pétrolières du Gabon – encore un poste « marginal ». »
« Denis Sassou Nguesso débonde une criminalité sans limites »
Revenons à l’incroyable confession de Claude Hermant sur l’équipée de la « bande à Courcelle » publiée par Libération le 6 juin 2001 [29] : « En 1997 […] j’ai suivi une formation de 90 jours au siège du Front national. Ces cours, très techniques, nous étaient donnés par d’anciens fonctionnaires du renseignement. Ils portaient notamment sur l’infiltration et la manipulation de foule. Après cette formation, il m’a été demandé d’infiltrer des organisations telles que Ras l’Front […]. Ras l’Front, SOS Racisme et Act Up étaient nos priorités. […] Le second type de mission demandé aux « fantômes » consiste à organiser la déstabilisation de certains quartiers ou des villes qui ne sont pas acquises aux idées du Front. Là encore, il faut infiltrer. Prendre contact avec des bandes. Inciter à la violence ou à la rébellion. […] Dans un quartier, si vous mettez le feu à une voiture, dans l’heure qui suit, neuf fois sur dix, vous en avez quinze autres qui brûlent. […] En faisant avancer l’insécurité, vous faites progresser l’électorat du Front. » […]
Claude Hermant précise : « Nous prenons nos ordres directement de Bernard Courcelle. C’est une structure à part. Entièrement autofinancée par Courcelle. Les « fantômes » […] reçoivent un salaire en liquide, des faux papiers et tous les moyens nécessaires à leurs opérations […]. Pour payer un jeune pour mettre le bordel dans les quartiers [etc.] […] Lors de certaines réunions, j’ai entendu parler […] de surveillances demandées par des autorités étrangères amies, comme le Congo. »
Provocations ?
Le fil d’actus de l’association Memorial98 associe deux faits divers : « Il y à peine un mois et demi, Claude Hermant, ancien collaborateur du DPS du FN, patron d’un bar « associatif » d’extrême-droite, proche de Serge Ayoub était lui aussi incarcéré pour trafic d’armes. Il y a quelques jours, deux néo-nazis , incarcérés pour un braquage avouaient le viol commis dix ans plus tôt sur une fillette de douze ans , à la sortie d’un meeting d’extrême-droite, « pour faire accuser les étrangers » ont-ils dit. En décembre, les membres du groupe Nouvelle Aurore étaient interpellés alors qu’ils projetaient de commettre un attentat contre la synagogue de la Grande-Motte. »
Claude Hermant s’est-il confiné à un rôle de trafiquant d’armes pimenté de collusions avec les néo fascistes flamands ? Difficile de croire qu’il a abandonné la stratégie de provocations et de radicalisation par les néo fascistes français, et que la livraison d’armes à Amédy Coulbaly est le fruit du hasard. Mais, jusqu’à une éventuelle condamnation, rappelons qu’il bénéficie, comme tout un chacun, de la présomption d’innocence.
François MOLYNEUX
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1 http://www.lavoixdunord.fr/region/trafic-d-armes-claude-hermant-figure-de-la-mouvance-
ia0b0n2613554
2 Libération, 6 juin 2001.
3 Rigobert Ossebi, Congo-Liberty http://blogs.mediapart.fr/blog/jecmaus/260115/congo-brazzaville-
sassou-nguesso-et-ses-mercenaires
4 http://laregledujeu.org/2014/02/24/15970/laurent-salles-les-armes-et-le-fn/
5 Article paru dans la revue Mouvements de mai-juin 2002
6 Survie, Le boom du mercenariat : défi ou fatalité ? Actes du colloque du 30 novembre 2000, Les
documents de Damoclès, 2001, p. 39
7 Survie, Le boom du mercenariat : défi ou fatalité ? Actes du colloque du 30 novembre 2000, Les
documents de Damoclès, 2001, p. 40.
8 Cf. notamment Les frères Courcelle : des barbouzes au cœur des réseaux Mitterrand, in Notes
d’information du Réseau Voltaire (NIRV) du 26/03/2001 et François-Xavier Verschave, Noir silence,
Ed. Les arènes, 2000, p. 300-301.
9 La DPSD, in NIRV du 01/03/1999
10 http://survie.org/francafrique/article/nappes-de-petrole-et-d-argent-sale
11 En 1995 il est élu conseiller municipal de Stains (93) sur la liste du Front national
12 http://info-antiraciste.blogspot.fr/2015/03/terrorisme-neo-nazi-un-reseau-picard.html