Le premier procès en France d’un suspect du génocide des Tutsi du Rwanda marquera l’histoire judiciaire et porte un nouveau coup à la thèse négationniste du « double génocide ».
A la sortie de la cour d’assises n°3 ce vendredi 14 mars 2014, Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), rayonnait : « La condamnation de Pascal Simbikangwa pour crime de génocide et complicité de crime contre l’humanité est une victoire pour tous ceux qui se battent depuis des années contre l’impunité ». Le CPCR s’était constitué partie civile aux côtés d’autres associations de défense des droits de l’homme, Survie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). Dafroza, l’épouse d’Alain Gauthier exprimait aussi son immense soulagement : « Je pense à tous ces enfants, à toutes ces familles du Rwanda qui ont été englouties par ces barbares. Ce combat, nous le menons pour rétablir les victimes dans leur dignité et c’est à elles que nous pensons surtout aujourd’hui. Je suis très reconnaissante à la justice française. C’est un premier procès qui en appelle d’autres ».
Procès fleuve
Ce fut un marathon judiciaire épuisant. Dafroza et Alain en portent les stigmates. Entre le 6 février et le 7 mars, trente-huit témoins ont été cités par le ministère public : quatre par le ministère public sur demande du CPCR ; cinq témoins par le ministère public sur demande de la défense ; six témoins « dénoncés » par les parties civiles, un témoin dénoncé par la défense et quatre 4 témoins entendus en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président. Ce qui fait 58 témoins en tout. Sur ces cinquante-huit témoins, neuf ne sont pas venus, vingt-trois sont venus du Rwanda, un a été entendu par visio conférence depuis Bruxelles, un autre par visio depuis le TPIR et quatre ont été entendus par visio depuis Kigali. Il a manqué les ayant droit des victimes, des rescapés en ligne directe. Il en reste bien peu…
Coup dur pour la thèse du « double génocide »
Au terme de ce tout premier procès lié au génocide des Tutsis de 1994 au Rwanda, le jury, par au moins six voix sur neuf, a condamné à 25 ans de réclusion le capitaine Pascal Simbikangwa, reconnu coupable de génocide et complicité de crimes contre l’humanité. Le procureur avait requis la perpétuité tandis que l’accusé avait demandé l’acquittement.
Ses avocats ont dénoncé un « procès politique » visant à satisfaire les autorités de Kigali et à améliorer les relations entre Paris et le Rwanda. Nous avons pu constater au contraire que ce fut un procès exemplaire qui a montré ce que la justice française peut produire de meilleur lorsqu’elle en a les moyens et qu’elle met en avant les plus brillants de ses magistrats. Mais il est vrai que les négationnistes, agitant la thèse du « double génocide », relayés par Pascal Simbikangwa et ses avocats, en ont pris pour leur grade, comme on le constatera à la lecture da la motivation de l’arrêt.
Des affaires à suivre
Un deuxième procès de Rwandais résidant en France et suspectés de génocide pourrait se tenir devant la cour d’assises de Paris courant 2015. Deux anciens bourgmestres de la commune de Kabarondo (est du Rwanda) Octavien Ngenzi et Tito Barahira, tous deux détenus, sont susceptibles de comparaître pour un procès groupé. Il est vraisemblable que le troisième procès, prévu fin 2015 ou début 2016, concernera le père Wenceslas Munyeshyaka, actuellement curé à Gisors (Eure), sous contrôle judicaire.
Jean-François DUPAQUIER
Mise au point : Jean-François DUPAQUIER ayant été appelé à la barre comme témoin de contexte par le président Olivier Leurent le10 février 2014, a décidé à partir de cette date d’interrompre sa chronique des audiences pour AFRIKARABIA. Une décision dictée par notre déontologie, qui n’a pas découragé un extrémiste d’exercer une intolérable pression pour qu’il revienne sur son témoignage par le biais d’une pétition sur internet. Jean-François DUPAQUIER n’exclut pas d’engager des poursuites judiciaires contre cet énergumène (énergumène : personne délirante, exaltée, qui se livre à des mouvements excessifs de colère, qui parle et s’agite avec violence ; Personnage bizarre, inquiétant). Rappelons que la subornation de témoin est, en droit pénal français, un délit intentionnel prévu et réprimé par l’article 434-15 du code pénal, relevant de la corruption (y compris lorsqu’il s’agit d’une « simple » pression menaçante), puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, même si la subornation n’est pas suivie d’effet.