L’UDPS réunie cette semaine en « conclave » les principaux partis d’opposition congolais. Une tentative de reprise en main d’une opposition plus morcelée et divisée que jamais.
L’UDPS rassembleuse ? C’est en tout cas l’image que souhaite envoyer le parti d’Etienne Tshisekedi qui a réussi le tour de force de réunir cette semaine à Bruxelles l’ensemble des plateformes de l’opposition autour de sa personne. Une initiative tout aussi surprenante qu’étonnante. L’UDPS s’était en effet engagée depuis plusieurs mois dans la voie du dialogue politique initié par le président Joseph Kabila. Face à l’impossibilité d’organiser l’élection présidentielle dans les temps, le Chef de l’Etat souhaitait trouver un consensus sur une possible période de transition. Une situation que refusait l‘ensemble des plateformes d’opposition (Dynamique, G7, Forum Citoyen)… à l’exception de l’UDPS de Tshisekedi. Même si l’opposant historique posait de nombreuses conditions à sa participation au dialogue, bon nombre de ses militants et de ses cadres restaient sceptiques, pour ne pas dire hostiles à cette stratégie. Mais le récent arrêt de la Cour constitutionnelle autorisant le président Joseph Kabila à rester en poste au-delà de son mandat si les élections étaient reportées a, semble-t-il, décidé l’UDPS à revenir en arrière sur sa possible participation aux discussions avec Joseph Kabila.
A la recherche du soutien de l’UDPS
L’initiative du « conclave de Bruxelles », salutaire pour une partie des sympathisants de Tshisekedi, semble donc avoir fait revenir l’UDPS dans le camp d’une opposition plus frontale au président Kabila, prônée notamment par la Dynamique de l’opposition de Kamerhe, Fayulu et Bazaïba et du G7 proche de Katumbi. Ce retour à la case départ ne permet toutefois pas de clarifier les positions souvent divergentes au sein de l’UDPS, entre Etienne Tshisekedi Félix Tshisekedi, le fils, et Bruno Mavungu, le secrétaire général du parti à Kinshasa. Mais en réunissant l’ensemble de l’opposition à Bruxelles, Tshisekedi prouve que son parti pèse encore sur l’échiquier politique et que, pour le moment, aucune des personnalités en vue de l’opposition ne peut s’offrir le luxe d’ignorer l’UDPS. Car c’est bien de cela dont il sera question à Bruxelles cette semaine. Si l’invitation lancée par Etienne Tshisekedi donne l’impression que le « Sphinx de Limete » mène encore le jeu au sein de l’opposition, c’est plutôt le contraire que le « conclave de Bruxelles » démontre. Ce n’est pas l’UDPS qui se cherche des alliés, ce sont plutôt les autres candidats de l’opposition qui sont venus chercher le soutien de Tshisekedi en Belgique.
Les trois blocs de l’oppostion
La réunion autour de l’opposant historique permet désormais d’y voir plus clair sur les lignes de fracture au sein de l’opposition. Trois grands blocs se dégagent des rangs de l’opposition et des multiples plateformes qui se sont crées dans la galaxie des opposants au chef de l’Etat congolais : le G7 et l’AR, autour de l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi ; la Dynamique de l’opposition autour de Vital Kamerhe (UNC), Eve Bazaïba (MLC) et Martin Fayulu (Ecidé) et bien sûr le troisième pôle autour de l’UDPS d’Etienne Tshisekedi, que son fils Félix reprend petit à petit en main. Le G7 et Moïse Katumbi, qui sera d’ailleurs présent physiquement à Bruxelles alors qu’il était en convalescence à Londres (cherchez l’erreur), ont tout de suite répondu présents à l’invitation du patron de l’UDPS… ce qui n’a pas été le cas de la Dynamique de l’opposition, qui a attendu plusieurs jours avant de confirmer sa participation. Si Katumbi et Kamerhe sont à couteaux tirés pour prendre la tête du leadership de l’opposition, les relations entre l’UNC et l’UDPS ont toujours été des plus « délicates ». Lors de la présidentielle de 2011, des tractations avaient eu lieu entre Tshisekedi et Kamerhe au sujet d’une candidature unique de l’opposition. Une négociation qui n’avait pas abouti, chacun des participants rejetant la responsabilité de l’échec sur l’autre.
Tshisekedi président de la transition ?
A Bruxelles, chacun aura la candidature unique de l’opposition en tête. Avec une présidentielle à un seul tour, l’opposition ne doit pas s’avancer divisée s’il elle souhaite battre le candidat de la majorité présidentielle. Si les résultats du « conclave » attendus jeudi ne nous en diront pas plus sur le nom d’un possible candidat unique de l’opposition, nous en sauront peut-être un peu plus sur le positionnement de l’UDPS par rapport autre deux autres leaders de l’opposition : Katumbi et Kamerhe. Tshisekedi laissera-t-il entrevoir son penchant pour l’un ou l’autre ? Pour le moment, c’est bien le G7 et Moïse Katumbi qui ont l’ascendant pour séduire le leader historique. Katumbi sera d’ailleurs présent à Bruxelles, à la différence de Kamerhe qui sera le grand absent de la réunion (Jean-Bertrand Ewanga, secrétaire national de l’UNC y sera à titre privé). Mais attention, du point de vue de l’UDPS, le candidat naturel de l’opposition se nomme bel et bien évidemment Etienne Tshisekedi. Inutile d’attendre un ralliement du « Sphinx » à un quelconque candidat déclaré. Ce qui pourrait en revanche se jouer à Bruxelles, c’est plutôt la désignation d’Etienne Tshisekedi comme « candidat » à une présidence de transition, une fois l’élection présidentielle reportée. Katumbi verrait plutôt d’un bon oeil ce scénario, qui lui permettrait de se présenter par la suite… A Bruxelles, chacun des trois participants (UDPS, G7, Dynamique) espèrent bien tirer un bénéfice politique de cette réunion. Il n’y aura sans doute pas de déclaration fracassante à l’issu du « conclave », mais plutôt des « petits signaux » envoyés aux Congolais sur le poids de chaque acteur politique et sur la manière dont pourra fonctionner l’opposition dans les prochains mois.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Merveiileux résultats que ces travaux de Bruxelles, qui préfigurent des futures élections libres, transparentes et enfin apaisées dans ce grand pays Eurafricain qui ose prendre appui
sur Bruxelles quand les circonstances le lui indiquent.
Je serais plus enclin à croire que c’est Katumbi et son G7 qui ont soufflé cette idée de conclave et que l’Udps l’a saisie aussitôt au vol pour se sortir de deux écueils : perdre au débotté avec un dialogue qui devient quelque peu accessoire pour le pouvoir avec cet arrêt de la CC et éviter en même temps de passer pour une traîtresse en acceptant un dialogue peu utile dont elle a fait son va-tout pour justifier sa place centrale. Katumbi et ses amis de G7 avaient en revanche un coup à jouer pour contrer fort le harcèlement policier et judiciaire dont ils sont l’objet d’abord à travers Katumbi…
Quant à la guerre larvée entre les trois têtes, Tshisekedi et son Udps, Katumbi et son G7 (+ l’AR), Kamerhe et la Dynamique, elle semble de fait diluée avec le prévisible glissement et sa Transition dans la mesure où un consensus est facilement accessible entre eux de laisser la place à un Tshisekedi, âgé et à l’état de santé fragile, qui piloterait un gouvernement de transition pour bien moins de temps qu’un mandat complet de 5 ans… En effet Tshisekedi a beau jouer le candidat naturel incontournable, il n’en voit pas moins les limites physiques que peut révéler une campagne, les électeurs s’en rendraient compte et pourraient l’en sanctionner…
Ainsi le combat se jouera à terme entre Katumbi et Kamerhe; le premier a jusque-là montré plus d’entregent jusqu’à s’approcher davantage du Lider Maximo que le second; ce dernier acceptera-t-il de composer en second avec son rival plus entouré ?
C’est peut-être ce qui va en fait se jouer à travers ce conclave; je parie d’ailleurs que Kamerhe jamais avare d’une manœuvre pour assouvir son immense ambition va y débouler pour ne pas trop jouer le diviseur alors que presque toute l’opposition va y participer…
Sauf peut-être Bazaïba; mais sans Bemba son MLC pèse moins; ne vont-ils pas d’ailleurs tenter d’aller voir en face pour continuer à peser ? Une autre façon d' »accepter l’inacceptable » ?
Attendons toute la suite…
PS
Quant au conclave lui même, s’il réussit, son mérite se limitera forcément non à trouver une candidature unique de l’opposition mais à constituer une union stratégique pour peser sur les enjeux futurs, soit obtenir l’élection dans le délai, soit arracher une Transition conduite par l’opposition…
Le hic est que dans ce dernier cas, le pouvoir ne pourrait y consentir qu’en y imposant une « institutionnalisation » de fait d’une sortie de la Constitution qui rebattrait les cartes et le ferait revenir dans la course à son issue…
On en reviendrait au sein de l’opposition actuelle à la case-départ : un match final non seulement entre Katumbi et Kamerhe mais aussi avec un représentant du pouvoir actuel, et pourquoi pas le retour de « JK »…
Bref, non seulement l’union de l’opposition actuelle ne sera pas facile à obtenir vu les ego, les ambitions mais aussi il leur faudra des actions intelligentes et à impact fort et ensemble pour être efficaces…
Ces politiciens pas toujours mâtures en seront-ils capables face à un pouvoir déterminé à se maintenir et qui ne manque pas de moyens et de ruse diabolique ? Il leur faudra d’abord de taire entre eux beaucoup d’ambitions et d’opter pour l’efficacité d’un groupe, plutôt que de se suicider par des chemins séparés où ils ne favoriseraient alors que le candidat du pouvoir en face..
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Je serais eux, pas pour mieux rassurer les uns et les autres et renforcer ainsi l’union, je nous constituerais dès maintenant un programme et des actions communs et sans aucun scrupule je nous repartirais à l’avance les postes dans le futur gouvernement au prorata électoral futur et de compétences respectives d’un chacun…
La population et la CI l’y aideront-elles ?
Au conclave, ils seraient bien avisés de laisser de côté toute naïveté et de plancher très pragmatiquement sur leurs différentes tâches…