Une grande partie de l’opposition congolaise s’est réunie pendant deux jours pour dire « non » au maintien du Joseph Kabila après la fin de son mandat. Une union qui dissimule mal les divergences entre les multiples composantes de l’opposition et la guerre des chefs entre Tshisekedi, Katumbi et Kamerhe.
Réunir les principales plateformes d’opposition sous l’égide de l’opposant historique Etienne Tshisekedi… voilà un tour de force réussi que l’on imaginait mal il y a encore quelques semaines. Pourtant, pendant deux jours, une centaine de délégués de l’opposition et de la société civile se sont retrouvés en « conclave » autour du « vieux sage » Etienne Tshisekedi… une première pour le patron de l’UDPS qui avait plutôt tendance à faire le vide depuis la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011. La dizaine d’heures de discussion a permis d’aboutir à un document commun qui devrait servir de socle à ce nouveau rassemblement d’opposants (un de plus alors qu’il y a déjà au moins trois grandes plateformes d’opposition). L’acte d’engagement de ces forces politiques prône le changement et l’alternance démocratique au Congo, « le deuxième et dernier mandat de Joseph Kabila prenant fin le 19 décembre 2016 à minuit ». Des opposants qui sont tous d’accord pour dire « non à toute idée de référendum pour élaborer une nouvelle Constitution, non au dialogue convoqué par Joseph Kabila et non au dédoublement des partis politiques ».
Une participation au dialogue toujours polémique
Le « conclave » est également tombé d’accord sur la nécessité de mise en oeuvre de la résolution 2277 de l’ONU qui propose un dialogue politique afin de tenir les élections présidentielle et législatives dans les délais… une hypothèse désormais « intenable » selon les propres déclarations de la Commission électorale (CENI). Est également exigé : la présence d’une médiation internationale, la libération des prisonniers politiques et la libéralisation de l’espace politique ainsi que la réouverture des médias privés fermés arbitrairement. Mais derrière ces points d’accord (dont aucun n’est vraiment nouveau) pointent également les divergences de l’opposition. Le premier point de fixation du conclave a concerné le dialogue. Et l’UDPS s’est toujours démarquée sur la question. Notamment par rapport à la Dynamique de l’opposition (composée entre autre de l’UNC de Vital Kamerhe et du MLC de Jean-Pierre Bemba) qui a toujours affirmé sa farouche opposition au principe du dialogue, considéré comme une manoeuvre de Joseph Kabila pour s’accrocher au pouvoir. Les participants au « conclave » se sont finalement rallier à la position de l’UDPS qui consiste à un dialogue « sous condition » et « sous médiation internationale ».
L’ombre de Katumbi
La participation ou non à un dialogue avec Joseph Kabila fait donc toujours débat. Les deux grands absents du « conclave » de Belgique étaient d’ailleurs deux opposants les plus farouches au dialogue : Vital Kamerhe, le patron de l’UNC et Eve Bazaïba, la secrétaire générale du MLC. L’absence (très remarqué) de Vital Kamerhe ne tient pas au simple désaccord sur le dialogue. Pour l’ancien président de l’Assemblée nationale, la raison de son absence s’appelle plutôt Moïse Katumbi, un autre candidat possible à la prochaine présidentielle… et donc concurrent direct. Il faut dire que derrière le grand raout de Genval se profile l’ombre de l’ancien gouverneur du Katanga, lui aussi absent, mais pour « raison de santé ». L’entourage de Moïse Katumbi était très présent dans l’organisation du « conclave » et le président du TP Mazembe fait depuis de longues semaines des appels du pied à l’UDPS pour se rapprocher d’Etienne Tshisekedi. Pour certains observateurs, Moïse Katumbi serait en quête d’un « certificat d’opposant » délivré par Tshisekedi en personne. Il faut dire que l’ancien gouverneur du Katanga, ex-allié du président Kabila, vient tout juste de débarquer dans la galaxie de l’opposition… sous l’oeil plus ou moins bienveillant des opposants de la première heure. Un rapprochement avec le « vieux sage » pourrait lui permettre d’élargir sa base, pour le moment limitée aux ex-frondeurs de la majorité réunis au sein du G7 et à l’AR (Alternance pour la République).
Un rêve de transition
En retour, Etienne Tshisekedi pourra sans doute compter sur Katumbi et ses soutiens afin de décrocher une hypothétique présidence de transition. Car à l’UDPS, le mot est sur toutes les bouches, même s’il n’a jamais été prononcé en public pendant le « conclave ». L’opposant historique se rêve désormais en sauveur du pays en cas de glissement du calendrier électoral. Une transition qu’il voudrait négocier avec le président sortant et la communauté internationale. Seul problème pour le moment : ni Kabila, ni les bailleurs de la RDC ne semblent emballés par cette solution. Hors micro, il faut également dire que beaucoup de participants au « conclave » se pose des questions sur la réelle capacité physique d’Etienne Tshisekedi, 83 ans, à pouvoir assumer cette lourde charge. En fin de compte, ce rassemblement, sous ses dehors d’union de l’opposition, ressemble plutôt à un jeu de dupe : Tshisekedi voudrait accéder à une présidence de transition que personne ne souhaite, en échange de quoi il soutiendrait ensuite la candidature de Katumbi, dont le troisième homme, Vital Kamerhe, ne veut pas. Chacun joue désormais sa partition : Thsisekedi pour négocier une transition, Katumbi pour s’imposer en leader de l’opposition et Kamerhe pour continuer à peser afin de négocier in fine la primature. Chacun dans son rôle… en attendant le prochain scénario concocté par un Joseph Kabila jamais en manque d’imagination pour continuer à se maintenir au pouvoir.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia