La tension est montée d’un cran entre Paris et Kinshasa, à 2 jours de l’ouverture du Sommet de la Francophonie. François Hollande a durcit le ton contre le régime de Joseph Kabila en jugeant la situation « tout à fait inacceptable sur le plan des droits de l’homme« . En critiquant Kinshasa et en ne boycottant pas le Sommet, comme le demandait l’opposition, le président français a fini par mécontenter tout le monde. Sa marge de manoeuvre sera extrêmement étroite, samedi à Kinshasa.
La controverse sur la venue de François Hollande à Kinshasa pour le Sommet de la Francophonie qui doit débuter le 12 octobre n’en finit pas de faire des vagues. La dernière polémique en date émane du président français lui-même. Mardi dernier, dans d’une conférence de presse commune avec le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, François Hollande a déclaré que la situation en République démocratique du Congo (RDC) était « tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie, et de la reconnaissance de l’opposition« .
François Hollande avait beaucoup hésité à se rendre à Kinshasa pour le Sommet de la Francophonie. Les élections frauduleuses de novembre 2011, les nombreuses violations des droits de l’homme, les arrestations arbitraires d’opposants politiques et la reprise de la guerre à l’Est avaient fini par jeter le trouble sur l’opportunité d’organiser le prochain Sommet en République démocratique du Congo.
L’opposition politique avait prôné la « délocalisation » du Sommet dans un autre pays comme cela avait été le cas pour Madagascar en 2010. Les opposants affirmaient que la seule présence du président français, légitimait le pouvoir en place et validait par la même occasion la réélection très contestable de Joseph Kabila. La dernière déclaration tonitruante de François Hollande contre le régime Kabila vise sans doute à rassurer l’opposition congolaise, très en colère contre la venue du président français. Cela suffira-t-il à calmer les esprits contestataires ? Sans doute pas. L’UDPS, le premier parti d’opposition a, certes, mis de l’eau dans son vin en modérant ses appels à manifester, mais le parti d’Etienne Tshisekedi lance tout de même une « occupation des rues et des boulevards« . L’UDPS demande à ses sympathisants d' »accompagner » son leader à son tête à tête avec le président français, prévu le 13 octobre à l’ambassade de France de Kinshasa.
Si la venue de François Hollande n’était pas souhaitée par l’opposition, les autorités congolaises sont elles aussi mécontentes par les propos présidentiels. Le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende a estimé ce mardi que la déclaration du président français, qui a jugé « tout à fait inacceptable » la situation de la démocratie dans le pays, ne reflétait « aucune réalité« . Avec humour, Lambert Mende a répliqué au président français que si sa déclaration « concernait la situation dans l’Est en proie à un regain d’instabilité« , alors « nous sommes tout à fait d’accord: la situation des droits de l’homme est tout à fait inacceptable« .
Si l’opposition et les autorités congolaises attendent de pieds fermes François Hollande, avec « quelques reproches à formuler« , seul le M23 salue la condamnation du président Hollande sur la situation des droits de l’homme en RDC. Le mouvement rebelle, en guerre contre l’armée régulière au Nord-Kivu, se félicite de la déclaration française : « il n’y a pas de démocratie, ni de droits de l’homme et l’opposition est marginalisée » approuve le M23. « La communauté internationale commence à reconnaître et à découvrir les vraies réalités de notre pays. C’est parmi les causes de notre lutte armée« , conclut le porte-parole de la rébellion à l’AFP.
François Hollande devra donc faire preuve d’habileté politique et de tact diplomatique lors de sa visite express dans le « chaudron congolais« , où, mis à part le M23, personne ne semble complètement se satisfaire de sa simple venue. En août dernier, nous avions intitulé notre article sur la présence du président français à Kinshasa : Hollande dans le piège de Kinshasa. En réussissant, pour l’instant, à mécontenter tout le monde, François Hollande continue de s’enfermer patiemment dans une situation très inconfortable. Pour s’en sortir, le président devra en quelques heures « briller » à Dakar dans un discours « humaniste » au continent africain et devra ensuite « montrer les dents » à Kinshasa face au président Joseph Kabila.Si tel est le cas, nous pourrons mesurer après cette première sortie présidentielle, le poids de la France en Afrique centrale… et même en Afrique tout court.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia