Avec un accord politique au point mort quatre mois après sa signature, Joseph Kabila a mis la pression sur la majorité et l’opposition dissidente afin de signer l’arrangement particulier qui fixe la mise en oeuvre de l’accord du 31 décembre. « Une mascarade » pour le Rassemblement de l’opposition.
Arrangement particulier. Quel drôle de nom pour appeler le texte qui fixe la mise en oeuvre de l’accord politique signé le 31 décembre entre l’opposition congolaise et le pouvoir ! Censée régler la transition politique jusqu’aux élections fixées fin 2017, l’application du compromis politique de la Saint-Sylvestre était toujours au point mort quatre mois après sa signature. Jeudi 27 avril, le pouvoir a réussi à convoquer au forceps quelques opposants dissidents et les signataires de l’accord du 18 octobre, pour parapher un document qui entérine la nomination du très contesté Bruno Tshibala à la Primature et enlève au Rassemblement la priorité pour occuper la présidence du Conseil national de suivi de l’accord (CNSA). « Une mascarade et une forfaiture » pour les leaders du Rassemblement de l’opposition qui ont tous boycotté la signature, à l’instar de Félix Tshisekedi, Martin Fayulu ou Pierre Lumbi. Seulement 14 des 32 délégués ont signé ce drôle d’arrangement. Et seuls deux dissidents du Rassemblement, Joseph Olenghankoy et Lisanga Bonganga, artisans du débauchage de l’opposant Bruno Tshibala pour occuper le poste de Premier ministre, ont signé l’arrangement avec Fidèle Balala, au nom du MLC, mais sans la secrétaire générale du parti, Eve Bazaïba. Ont également apposé leurs signatures : l’Opposition républicaine (OR) et les signataires de l’accord du 18 octobre comme Vital Kamerhe, Jean-Lucien Bussa ou José Makila.
Quand Joseph Kabila s’arrange..
L’arrangement particulier arrange surtout… Joseph Kabila. Car les avancées politiques de l’accord du 31 décembre pour donner au Rassemblement de l’opposition les moyens de co-gérer la transition ont discrètement été jetées aux oubliettes. L’arrangement valide la nomination de l’opposant dissident et contesté Bruno Tshibala à la Primature et entérine le choix d’un gouvernement pléthorique composé de 54 membres, manière de récompenser les différentes franges de l’opposition qui ont rejoint Bruno Tshibala, sans réduire la place des ministres de la majorité présidentielle. Deuxième acquis de l’arrangement particulier pour le président congolais : le choix de la présidence du très stratégique Conseil national de suivi de l’accord qui devait revenir au président du Conseil des sages du Rassemblement, Etienne Tshisekedi. Avec la mort de l’opposant historique début février, le poste devait revenir à Pierre Lumbi, le successeur d’Etienne Tshisekedi au Conseil des sages. Mais le camp présidentiel ne l’entendait pas de cette oreille.
Un arrangement « peu inclusif »
L’arrangement particulier signé jeudi dernier permet désormais aux membres du CNSA de désigner leur propre président. Et dans ce processus, le président Joseph Kabila aura son mot à dire à deux reprises : lors de la « validation » des membres du CNSA et lors de la désignation de leur président. Coup double pour Joseph Kabila qui garde la haute main sur le (bien peu légitime) futur nouveau gouvernement, ainsi que sur le CNSA dont il pourra contrôler la nomination du président. Exit donc Félix Tshisekedi, désigné par le Rassemblement pour occuper la Primature et Pierre Lumbi pour présider le Conseil national de suivi de l’accord. En accélérant le processus de signature de l’arrangement particulier et en forçant la main aux opposants décidés à prendre part au partage du pouvoir, Joseph Kabila permet au gouvernement Tshibala de pouvoir enfin voir prochainement le jour (on parle de la semaine à venir). Une bonne nouvelle pour la majorité qui tente toujours de rassurer la communauté internationale sur sa bonne foi pour organiser les élections dans les temps. Un artifice qui ne semble pas convaincre grand monde : l’ONU et les principales ambassades occidentales ont boudé la signature de l’arrangement particulier… trop peu inclusif.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia