« Beauté Congo, 1926-2015, Congo Kitiko » met en lumière plus de 300 oeuvres d’artistes congolais retraçant un siècle d’une création artistique bouillonnante. Une exposition unique qui présente également une jeune génération prometteuse. Ravigorant.
Loin des clichés et des conflits qui endeuillent depuis une vingtaine d’années la République démocratique du Congo (RDC), une exposition de la Fondation Cartier à Paris met en avant l’extraordinaire foisonnement artistique de ce géant africain. Dans cette exposition, pas de masques, ni de sculptures estampillés « arts premiers », ce sont bien des artistes contemporains qui sont exposés à la très chic Fondation Cartier de Paris. « Beauté Congo – 1926 – 2015 – Congo Kitoko » retrace 90 ans d’histoire artistique du Congo-Kinshasa et démontre l’immense vitalité de sa scène culturelle.
L’école d’Elisabethville
Le commissaire de l’exposition, André Magnin, fait remonter l’explosion de la scène artistique congolaise aux années 1920. Côté peinture, les artistes « précurseurs » s’appellent Albert et Antoinette Lubaki et Djilatendo qui signent les premières toiles de l’histoire de l’art moderne congolais. Une peinture souvent figurative. Après la Seconde guerre mondiale, c’est un Français, Pierre Romain-Desfossés qui crée à Élisabethville (l’actuelle Lubumbashi) l’atelier du Hangar : la première école de peinture du pays, encore colonie belge. Des artistes comme Bela, Mwenze Kibwanga et Pilipili Mulongoy émergent dans des styles très inventifs. Ils formeront l’école d’Elisabethville.
Chéri Samba, le maître
Il faut ensuite attendre la fin des années 1970 pour voir apparaître les nombreux « artistes populaires » comme ils se nomment. A la fois figuratifs et naïfs, ces peintres « urbains » s’inspirent « d’événements quotidiens, politiques et sociaux, dans laquelle toute la population se reconnaît ». Le plus connu de ces artistes est sans doute Chéri Samba, la « star » de l’exposition. Avec Chéri Chérin, Moke et Papa Mfumu’eto Ier, il font entrer les événements politiques que traverse le Congo dans leurs toiles et leurs bandes dessinés.
L’art du reflet
C’est du côté de la photographie que va notre coup de coeur de l’exposition. Le jeune artiste Kiripi Katembo offre des visions tout à fait fascinantes de la ville de Kinshasa à travers des flaques d’eau. La capitale bouillonnante de la RDC se retrouve alors affublée de différents objets (cailloux, rails de chemins de fer…) proposant des reflets oniriques et poétiques de Kinshasa. La modernité de son regard en fait sans doute l’un des photographes les plus prometteurs de sa génération.
« Congo Far West »
La jeune génération est très présente dans l’exposition, avec l’émergence au début des années 2000 de nouveaux artistes « expérimentateurs » comme Kura Shomali, Pathy Tshindele et Mega Mingiedi Tunga qui participent à la création du collectif Eza Possibles (« c’est possible » en lingala). A voir également, les oeuvres proches du graffiti de Pathy Tshindele ou les dessins « topogragraphiques » de Mega Mingiedi Tunga, sorte de représentation imaginaire de la ville de Lubumbashi. Enfin, Sammy Baloji utilise le photo- montage pour confronter l’histoire coloniale belge à l’histoire contemporaine du Congo dans sa série « Congo Far West ». L’artiste associe des photos d’archives d’une expédition scientifique belge au Katanga (1898-1900) à des aquarelles du peintre belge Léon Dardenne (1865-1912)… un regard dur de la vision des explorateurs sur les peuples indigènes.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
« Beauté Congo – 1926 – 2015 – Congo Kitoko » est à voir du 11 juillet au 15 novembre 2015 à la Fondation Cartier. L’exposition est ouverte tous les jours sauf le lundi, de 11h à 20h. Nocturne le mardi jusqu’à 22h. 261, boulevard Raspail 75014 Paris. http://fondation.cartier.com/fr/