Les Nations unies tirent la sonnette d’alarme sur la situation humanitaire au Katanga. La province pourrait atteindre le million de déplacés fin 2014, alors que les violences se poursuivent.
Le Katanga est-il en train de devenir un nouveau Kivu ? Alors que la situation sécuritaire se calme au Nord-Kivu depuis la reddition des rebelles du M23 en novembre 2013, la riche province du Katanga continue de s’enliser dans l’instabilité. Une note du bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) dénonce les attaques répétées des groupes armés sur les populations civiles et s’inquiète du nombre croissant de réfugiés, sans structure adaptée dans la région pour les accueillir. Entre décembre 2011 et avril 2014, les déplacés à l’intérieur du Katanga sont passés de 50.000 à 500.000.
« Pas une semaine sans attaque Maï-Maï »
Au banc des accusés : les différents groupes d’autodéfense Maï-Maï qui pillent et attaquent les villages. Selon OCHA, « du 1er janvier et 31 mars, plus de 35 attaques de Maï-Maï ont été rapportées dans les territoires de Manono, Mitwaba et Pweto« , le fameux « triangle de la mort » situé au Nord du Katanga. Les conséquences sont lourdes pour les civils : 1 500 habitations ont été incendiées dont 875 dans le Territoire de Pweto. Une situation aggravée par le fait qu’il n’y a pas de camp de déplacés au Katanga. D’après l’ONU, « 86% des déplacés se trouvent dans des familles d’accueil (souvent démunies) et 14% des autres se trouvent dans les sites « spontanés » de Kalemie, Manono, Moba et Pweto« . Résultat : 80% des ménages de déplacés souffrent d’insécurité alimentaire. Avec des conditions sanitaires extrêmement précaires, le choléra, la rougeole et le paludisme font des ravages.
« Une forte mobilisation doit se mettre en place »
Dans ce contexte de forte instabilité, le bureau de l’OCHA en République démocratique du Congo se demande ce qui pourrait empêcher le Katanga t’atteindre le million de déplacés d’ici la fin 2014 si rien n’est fait ? « Une forte mobilisation nationale et internationale doit se mettre en place » explique l’OCHA, qui demande « une implication accrue de l’Etat congolais, plus d’effort de la part des acteurs humanitaires présents, un plaidoyer afin que d’autres agences viennent s’implanter, sans oublier plus de fonds humanitaires« .
Le Katanga toujours rebelle
Au coeur de l’insécurité katangaise : le bras de fer qui oppose sécessionnistes et fédéralistes au pouvoir central de Kinshasa. Au premier rang des fauteurs de trouble, on trouve les miliciens sécessionnistes Bakata Katanga. En mars 2013, ce groupe avait brièvement investi le centre-ville de Lubumbashi au nez et à la barbe des forces de sécurité congolaises. Depuis, les Bakata Katanga sont les auteurs de dizaines d’attaques violentes dans la province. Incendies, viols, expéditions punitives… les victimes se comptent elles aussi par dizaines. Derrière ce mouvement Maï-Maï extrêmement violent, certains croient voir se cacher plusieurs hommes politiques et hommes d’affaires katangais. On cite le plus souvent John Numbi, l’ancien numéro 1 de la police congolaise, tombé en disgrâce depuis le meurtre d’un militant des droits de l’homme, et que l’on accuse de manipuler et de soutenir les Bakata Katanga. Evidemment, aucune preuve n’a encore été apportée à ces accusations, que le principal intéressé réfute en bloc. On trouve ensuite un second « baron katangais » : le très remuant Gabriel Kyungu wa Kumwanza, président de l’Assemblée provinciale du Katanga. Ce partisan du fédéralisme est avant tout le chantre d’un « Katanga fort« , qu’il ne souhaite pas voir morcelé comme le prévoit la loi de décentralisation de Kinshasa. Kyungu est à la tête de l’Union des fédéralistes du Congo (Unafec), un parti, membre de la majorité présidentielle, mais très résolu à garder un « Katanga uni« … quitte à jouer les gros bras avec les forces de sécurité congolaises de Joseph Kabila. Le week-end dernier, des affrontements entre la Jeunesse de l’Union des fédéralistes du Congo (Junafec) et l’armée ont fait trois morts et plusieurs blessés à Likasi, au Nord de Lubumbashi.
Que fait la Monusco ?
Où s’arrêtera la spirale de la violence au Katanga ? En février 2014, la Monusco, la mission de l’ONU en RDC, avait décidé de renforcer sa présence au Katanga, notamment à Pweto, dans le « triangle de la mort« . « La neutralisation des Bakata Katanga » était un des objectifs affichés par les casques bleus. Depuis, peu de résultat sur le terrain. Pire, début avril, Monseigneur Fulgence Muteba, évêque de Kilwa-Kasenga, annonçait « un mouvement de regroupement de miliciens Bakata Katanga » qui se dirigeait vers Mitwaba, sur les ondes de Radio Okapi… la radio onusienne !
« Le Katanga ne doit plus être une crise négligée » avertissait dans sa note le bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU. Pour le moment, cela semble pourtant être le cas.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia