Entre 2013 et 2016 plus quarante jeunes filles ont été enlevées et violées dans un village du Sud-Kivu. Un procès décisif dans la lutte contre l’impunité au Congo.
C’est un procès symbolique qui s’ouvrira le 6 novembre prochain en République démocratique du Congo (RDC). L’affaire des enfants violés de Kavumu pourrait à elle seule résumer tristement les 20 dernières années de cauchemar qu’a traverser le Congo dans un conflit à bas bruit qui a pourtant fait des centaines de milliers de victimes. Le procès de Kavumu est devenu l’emblème des crimes sexuels à grand échelle qui ravagent l’Est de la RDC, mais surtout de l’impunité dont jouissent les responsables de ces exactions.
Sur le banc des accusés : 18 miliciens et un politicien local. Mais le plus effrayant dans l’affaire des crimes de Kavumu réside dans le très jeune âge des 46 victimes : entre 8 mois et 12 ans. « Les ravisseurs s’introduisaient dans nos maisons de nuit pour enlever nos filles », raconte une mère de famille sous couvert d’anonymat. « Ils les violaient par pure superstition, et beaucoup souffriront de lésions toute leur vie. » Les 18 suspects sont inculpés de crimes contre l’humanité « tant les viols étaient nombreux et systématiques » estime l’ONG Trial International, qui note que « l’importance du procès Kavumu va bien au-delà des victimes et leurs familles. Il ébranle toute l’omerta et l’inertie judiciaire qui entourent les violences sexuelles dans le Sud-Kivu. »
L’affaire a été longue à être mise au jour, et les ONG de la société civile ont joué un rôle déterminant. Pour Trial International, Physicians for Human Rights et la Fondation Panzi du Docteur Denis Mukwege, « juridiquement, la complexité consistait à prouver le caractère collectif des attaques. Pour constituer un crime contre l’humanité, celles-ci doivent émaner d’une organisation systématique, difficile à faire mettre en évidence dans un climat aussi instable qu’en RDC. Nous espérons maintenant que le procès se déroulera dans de bonnes conditions et que la justice congolaise punira ces crimes avec la fermeté qu’ils méritent.»
Christophe RIGAUD – Afrikarabia