Le groupe armé sécessionniste au sévit au Nord-Katanga serait en passe de créer sa branche politique, le MIRA, Mouvement des Indépendantistes Révolutionnaires Africains. Une transformation en cours qui inquiète deux organisations de défense des droits de l’homme qui dénoncent « l’impunité pour les auteurs de crimes contre l’humanité en RDC ».
De milice à parti politique, le chemin n’est jamais très long en République démocratique du Congo (RDC), où une trentaine de groupes armés sévissent toujours dans l’Est du pays. Au Katanga, un groupe d’auto-défense Maï-Maï s’est peu à peu mué en milice sécessionniste, contestant l’autorité de Kinshasa sur la riche province minière : les « Bakata Katanga » ou « Kata Katanga » (« couper le Katanga » en swahili). En réalité, ce groupe commet de graves exactions contre les populations civiles, sous couvert de lutte indépendantiste. Razzias dans les villages, pillages, viols de masse, massacres à l’arme blanche… le groupe contrôle, notamment dans le Nord-Katanga, ce que l’on appelle « le triangle de la mort », entre Manono , Mitwaba et Pweto. Son chef, Kyungu Mutanga, alias Gédéon, avait été poursuivi par la justice congolaise pour crimes contre l’humanité, mouvement insurrectionnel et crimes de guerre et condamné à la peine capitale en 2009. Mais Gédéon s’évadera en 2011 pour s’installer à Mitwaba.
Sécessionnisme
C’est à partir de 2012, que ce groupe armé se rapproche de mouvements sécessionnistes comme les Tigres Katangais, ou le CORAK. Une lutte « de circonstance » qui rapproche la milice d’hommes politiques katangais comme Gabriel Kyungu, le président de l’Assemblée provinciale, Daniel Ngoy Mulunda, l’ancien président de la Commission électorale ou John Numbi, le « monsieur sécurité » de Joseph Kabila avant sa mise au vert après l’assassinat de Floribert Chebeya. L’action la plus spectaculaire des « Bakata Katanga » aura lieu le 23 mars 2013, où 350 miliciens (dont 1/3 d’enfants) ont investi le centre de la capitale provinciale, Lubumbashi, sans réaction des forces de sécurité congolaises, débordées. L’incident a tout de même occasionné une trentaine de morts. La plupart des membres « Bakata Katanga » arrêtés dans cette opération ont ensuite été amnistiés par le gouvernement congolais en 2014. Depuis, des dizaines d’attaques ont été attribuées aux « Bakata Katanga ».
MIRA
Mais depuis plusieurs mois, alors que la province est en ébullition depuis son récent « découpage » en 4 nouvelles provinces, les « Bakata Katanga » étaient curieusement discrets – voir notre article. Une attitude qui étonnait les spécialistes du pays. On pouvait en effet s’attendre à un regain d’activité de ce groupe armé, pour qui la « disparition » du Katanga est tout simplement impensable. Mais ce calme précaire au Nord-Katanga a désormais une explication. Ce sont deux ONG congolaises des droits de l’homme qui ont révélé le poteau rose. l’Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains (ACIDH) et l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme (ASADHO) affirment que la milice de Gédéon serait en passe de devenir un parti politique. Et c’est Nicolas Mbokaya, ancien commandant des « Bakata Katanga », qui en serait le secrétaire général. Ce tout nouveau parti serait baptisé MIRA, Mouvement des Indépendantistes Révolutionnaires Africains.
Impunité
Selon l’ACIDH et l’ASADHO, des négociations sont en cours entre les autorités congolaises et Gédéon Kyungu pour transformer sa milice en parti politique, en échange de la cessation de toute activité insurrectionnelle de son mouvement, assortie d’une « grâce présidentielle » pour Gédéon. Les deux ONG craignent que cette démarche ne soit un moyen pour les « Bakata Katanga » de « les disculper de leur responsabilité pénale sur de nombreux crimes et allégations de violations des droits humains ». La création d’un parti politique renforcerait, pour ces défenseurs des droits de l’homme, « l’impunité des crimes graves et autres violations des droits humains que la RDC a enregistré durant ces deux dernières décennies ».
Traque
Dans un communiqué, ACIDH et l’ASADHO demandent au gouvernement congolais de ne pas valider la création de ce nouveau parti et de renforcer les opérations militaires pour traquer les milices afin de rétablir la paix, notamment dans la zone du « triangle de la mort ». Ces deux associations souhaitent également voir « élargir le processus de Démobilisation et Réinsertion de tous les éléments Maï-Maï qui se rendraient ». Pour le moment, nous n’avons pas d’information sur l’inscription officielle de ce parti par le Ministère de l’Intérieur congolais.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Chers compatriotes congolais de la RDC,
Je vous demande la patience, travaillons pour nos Provincettes.