Il n’y aura pas de d’enquête internationale sur les violences dans les Kasaï. L’Union européenne a retiré sa proposition d’envoyer une mission indépendante. Une reculade sous pression des Etats africains qui soutiennent l’enquête menée par les autorités congolaises.
L’Union européenne s’est-elle résignée à laisser tomber les provinces du Kasaï ? Devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à Genève, l’Europe a renoncé ce jeudi à son projet de Commission d’enquête sur les violences qui sévissent depuis l’été 2016 dans le centre de la République démocratique du Congo (RDC). L’Union européenne a finalement cédé aux pressions du gouvernement congolais, soutenu par plusieurs pays africains et l’Union africaine. La délicate question des Kasaï, qui s’enfoncent dans une inquiétante spirale de la violence, était sur la table des négociations du Conseil des droits de l’homme de l’ONU cette semaine. Le projet de résolution des européens soutenu par de nombreuses ONG internationales devait permettre l’ouverture d’une enquête indépendante sur les exactions commises par les miliciens Kamuina Nsapu, mais aussi par les forces de sécurité congolaises, que de nombreux rapports accusent « d’usage disproportionné et inapproprié de la force. » La création de cette commission devait faire la lumière sur les responsabilités de chacune des parties, en toute impartialité. Mais voilà, Kinshasa ne l’entend pas de cette oreille et avait menacé lundi de ne pas accorder l’accès à son territoire aux membres de cette commission.
Juge et partie
Finalement, Kinshasa a fini par avoir gain de cause, soutenu par les Etats africains. Ce second projet de résolution ne prévoit seulement que l’envoi d’une équipe d’experts pour « établir les faits » (sic). Les experts de l’ONU devant remettre leurs conclusions aux seules autorités judiciaires congolaises. Kinshasa souhaite donc garder la main sur l’enquête. Une enquête délicate puisque l’ONU a accusé hier les autorités congolaises d’armer la milice Bana Mura pour mener des attaques « contre les civils et les miliciens Kamuina Nsapu ». Le principale problème d’une enquête exclusivement congolaise, c’est que le gouvernement se retrouve alors juge et partie. A Genève, Kinshasa a pu compter sur le Burundi, le Togo, le Botswana, le Soudan, le Mozambique, l’Algérie et l’Egypte qui ont, tour à tour, plaidé en faveur du gouvernement congolais. « Certains pays qui voulaient remettre la RDC sous tutelle d’autres États ont été minoritaires alors que nous sommes un pays souverain. Nous sommes donc satisfaits d’avoir été également soutenu par la majorité des pays membres du conseil des Droits de l’Homme » a déclaré Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais.
« Une honte »
Pour les opposants congolais et les défenseurs des droits de l’homme, c’est la douche froide. « Refuser une enquête internationale sérieuse alors que plusieurs de nos compatriotes sont sauvagement tués au quotidien, sans qu’on ne sache qui les tue, est une honte pour les dirigeants africains » a déclaré au site Actualité.cd, Peter Kazadi du parti d’opposition UDPS. Pour l’EurAc, le Réseau européen pour l’Afrique centrale, « l’Union européenne fait le choix dangereux de s’en remettre à la bonne volonté d’un gouvernement qui viole lui-même les droits de sa population et fait aussi le choix de fermer les yeux sur les nombreuses victimes dans cette région ». L’Eglise catholique a en effet dénombré plus de 3.000 morts depuis octobre 2016 dans les Kasaï et l’ONU compte déjà 1,3 million déplacés. Mais visiblement ce triste bilan ne suffit pas pour que l’Union européenne ait le courage d’imposer une enquête indépendante au Congo.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Il y a des choses cachées qui ne doivent pas être connues au nom de la souveraineté.
Refuser une enquête internationale signifie que le gouvernement cache la vérité. La rdcongo n’a donc pas gagné à Genève, au contraire notre pays a perdu en termes de crédibilité et d’honneur car la communauté internationale a compris que le gouvernement congolais est bien responsable des crimes qui sont commis au kasai. M Tambwe n’a pas fait usage d’intelligence dans sa manière de présenter les faits et c’est tant mieux. Les congolais et la communauté internationale ont l’obligation de dénoncer les crimes du gouvernement qui, par ces crimes horribles, trouve les prétextes de ne pas organiser les élections. Stratégie machiavélique de courte vue.