Après le retrait de l’investisseur espagnol ACS, un rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Phuzomoya Consulting, avertit d’un possible désengagement de l’Afrique du Sud du mégaprojet de barrage hydroélectrique sur le fleuve Congo.
Nouveau coup dur pour Inga III. Le projet de la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique subsaharienne cumule les déconvenues. En janvier 2020, l’un des deux groupes chargé du développement d’Inga III, l’espagnol ACS (Actividades de Construcción y Servicios), jette l’éponge. D’une capacité de 11.000 mégawatts et d’un coût de 14 milliards de dollars, Inga III voyait alors sa construction reportée sine die. Après le retrait espagnol du consortium (monté avec le chinois China Three Gorges Corporation et deux autres sociétés européennes), le président congolais revoit le projet et annonce un nouveau phasage de la construction. Inga III pourrait démarrer, dans un premier temps, avec une puissance de 4.800 MW, puis 7.500 MW, pour terminer par les 11.000 MW prévus. Problème : ce phasage du projet inquiète le consortium et les partenaires, qui considèrent qu’un barrage de 4.800 MW ne serait pas économiquement viable.
Des doutes sur l’engagement sud-africain
Alors que le doute plane désormais sur le montage financier du projet, un rapport du Groupe d’étude sur le Congo (GEC) et Phuzomoya Consulting, jette un pavé dans la mare en se penchant sur l’engagement de l’Afrique du Sud. En 2013, le gouvernement sud-africain s’était engagé à acheter 2,5 des 11.000 MW du barrage congolais. Un soutien au projet renouvelé en février dernier. Mais avec le retard pris par le projet, l’engagement sud-africain a-t-il encore un intérêt ? C’est ce que craint le GEC, qui estime que « s’engager dans Inga n’a aucun sens sur le plan financier ou énergétique pour l’Afrique du Sud ». Et de pointer la politique « contradictoire » du géant africain. Car, à la fois l’Afrique du Sud tente de soigner son image de puissance panafricaine qui développe économiquement du continent, et à la fois « acheter de l’électricité auprès d’Inga III est risqué et peut être plus cher que la plupart des autres sources disponibles sur le marché intérieur », indique le rapport.
Un traité caduc ?
L’Afrique du Sud semble chercher le bon timing pour annoncer son désengagement du projet. Les retards, le retrait du partenaire espagnol, et les difficultés de la République démocratique du Congo (RDC) à tenir ses engagements pourraient être les prétextes avancés par Pretoria pour se retirer d’Inga III. Le rapport souligne d’ailleurs que « selon le département sud-africain de l’énergie, si la construction du barrage ne démarre pas d’ici le 2023, l’Afrique du Sud ne pourra pas commencer à prélever ses 2,5 gigawatts à Inga en 2030, comme convenu, et pourrait ainsi déclarer caduc le traité relatif au projet Grand Inga. »
Un nouveau redimensionnement du projet
Les experts du GEC notent enfin que « dans le meilleur des cas, Inga III pourrait fournir de l’électricité supplémentaire à la compagnie nationale d’électricité sud-africaine en difficulté, mais à un coût probablement plus élevé que les autres sources (d’énergie). Dans le pire des cas, l’Afrique du Sud s’engagera à acheter de l’électricité dont elle n’aura peut-être pas besoin, à un prix plus élevé que celui des autres sources, et se rendra complice de dommages importants pour les communautés congolaises et l’environnement ». Reste maintenant au président congolais Félix Tshisekedi à trouver un nouveau redimensionnement du projet, ni trop grand car trop coûteux, ni trop petit car non rentable.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia