Le dernier rapport du groupe d’experts de l’ONU affirme que des militaires rwandais et burundais opèrent dans l’Est du Congo. Kigali et Gitega démentent, Kinshasa reste silencieuse et la controverse enfle au Congo.
Que les frontières entre la RDC, le Rwanda et le Burundi soient de vraies passoires n’est pas une découverte, tout comme la présence régulière de militaires rwandais et burundais en territoire congolais. Mais cette fois, les rumeurs d’incursions étrangères à l’Est du pays viennent d’être confirmées par un rapport très documenté du Groupe d’experts de l’ONU. Avant la publication de ce rapport explosif, fin décembre 2020, plusieurs alertes sur la présence des armées rwandaises et burundaises au Congo avaient pourtant été lancées.
Un camp de l’armée rwandaise installé à Kabara
En avril 2020, le chef d’Etat major de l’armée congolaise, Célestin Mbala avait évoqué le sujet dans une lettre envoyée au Mécanisme conjoint de vérification de la CIRGL, l’institution régionale des Grands Lacs. Il y dénonçait la violation de la frontière entre le Rwanda et la République démocratique du Congo par des membres de l’armée régulière rwandaise qui avaient installé un camp à Kabara, dans le territoire du Nyiragongo, au Nord-Kivu. L’information avait également été documentée par le Baromètre sécuritaire du Kivu (KST) un projet mené par le Groupe d’Étude sur le Congo (GEC) et par Human Rights Watch (HRW). Le centre de recherche avait lui aussi constaté la présence rwandaise dans le Rutshuru où « elles ont participé à la traque des rebelles Hutu rwandais des FDLR-Foca (une milice hostile à Kigali, ndlr), conjointement avec l’armée congolaise. »
Le dernier rapport de décembre 2020 du Groupe d’experts de l’ONU pour le Congo confirme ces informations. L’ONU a entendu des officiers congolais, des membres de la société civile, des casques bleus de la MONUSCO, des ex-combattants FDLR et des chercheurs. Le 2 octobre 2020, notamment, les experts affirment que « 60 membres de la FDR (l’armée rwandaise, ndlr) portant 18 mitrailleuses PKM et quatre lance-roquettes ont été observés sur le mont Rugomba, dans le territoire de Rutshuru. Les membres de la FDR sont entrés sur le territoire de la République démocratique du Congo autour de Kabara. »
Des ex-combattants FDLR pour traquer les rebelles hutu
Le Groupe d’experts explique ensuite avoir obtenu « une photographie d’une personne identifiée comme étant le colonel Claude Rusimbi des FARDC (l’armée congolaise, ndlr) avec 13 membres de la FDR, prise vers mai 2020. Sur instruction du général Gahizi, le colonel Rusimbi était chargé d’assurer la liaison entre les FARDC et l’unité de la FDR chargée des opérations en République démocratique du Congo, selon un officier des FARDC, des chercheurs et des sources militaires, de sécurité, et issues de la MONUSCO et de la société civile. » Les militaires utiliseraient également des prisonniers FDLR, interpellés par l’armée congolaise, pour les amener « en mission » dans le Rutshuru et les guider vers les camps des FDLR. Cela a visiblement été le cas de deux ex-combattants des FDLR, arrêtés à Goma, et envoyés en mission avec l’armée rwandaise à Giseguru pour traquer les rebelles hutu sur le sol congolais.
L’ONU explique enfin que le gouvernement rwandais a nié la présence de ses troupes sur le territoire de la République démocratique du Congo et a réaffirmé que « la FDR n’avait mené aucune opération conjointe avec les FARDC ». Les autorités congolaises n’avaient pas répondu au Groupe d’experts au moment de l’établissement du rapport.
« Une violation du régime de sanctions »
L’armée rwandaise n’est pas la seule à opérer chez son voisin congolais. Le Burundi a également mené des incursions dans les territoires de Fizi et d’Uvira, au Sud-Kivu entre novembre 2019 et juillet 2020, selon l’ONU. Comme pour le Rwanda, le rapport du Groupe d’experts rappelle que « la présence de forces armées étrangères en République démocratique du Congo constitue une violation du régime de sanctions en vertu de la résolution 1807 » des Nations unies. En avril, le chef d’Etat major de l’armée congolaise avait également dénoncé trois interventions des forces de défense burundaises. Cependant, la situation est en passe de se régulariser, puisqu’en octobre 2020, les gouvernements du Burundi et de la République démocratique du Congo ont convenu d’établir « un protocole d’accord sur le renforcement et le maintien de la paix et de la sécurité le long de leur frontière commune ».
Le flou des autorités congolaises
Le dernier Rapport des experts de l’ONU mentionnant la présence d’armées étrangères a fortement choqué en RDC, notamment à propos du Rwanda. Il faut dire que la relation entre le Congo et son voisin rwandais est particulièrement sensible. Nombreux sont les politiques et les membres de la société civile qui dénoncent régulièrement l’ingérence rwandaise à l’Est, les plus radicaux parlent même d’une volonté de « balkanisation » des deux Kivu par Kigali. Les accusations fusent également contre Kigali, accusée de profiter des minerais de l’Est de la RDC à son profit. Au-delà du ressentiment à l’encontre du Rwanda, c’est le flou entretenu par les autorités congolaises sur ces incursions étrangères qui choque. La question étant de savoir si Kinshasa a autorisé ou non ces opérations.
Le président congolais, Félix Tshisekedi, n’a jamais confirmé avoir passé d’accord avec Kigali. Pourtant, les relations se sont nettement réchauffées entre les deux voisins depuis l’arrivée à la présidence de Félix Tshisekedi. Le nouveau chef de l’Etat, en quête de légitimé et de soutiens régionaux, s’était rapproché de Paul Kagame, et avait affirmé vouloir instaurer un plus grande coopération militaire entre les deux pays, notamment dans le domaine du renseignement. Mais de là à autoriser des incursions armées de son voisin, Félix Tshisekedi ne s’y était pas risqué publiquement. Trop sensible. Les souvenirs douloureux des deux guerres du Congo, entre la fin des années 1990 et 2003 sont encore très présents, tout comme les deux rébellions du CNDP et du M23 soutenues par le Rwanda en 2007 et 2012. Jusqu’à neuf armées étrangères s’étaient battues au Congo lors de la deuxième guerre.
« Une bêtise à éviter »
Le député UNC, Juvénal Munubo, membre de la Commission permanente défense et sécurité de l’Assemblée nationale, résume assez bien le climat dominant à Kinshasa. Sur son compte Twitter, l’élu de Walikale a « condamné fermement » la présence de l’armée rwandaise dans l’Est de la RDC. « Je m’étais déjà opposé à plusieurs reprises à l’entrée des troupes rwandaises sur le territoire congolais, comme en octobre 2019. Le Groupe d’experts de l’ONU ne fait que confirmer notre alerte. Une bêtise qu’il faudra absolument éviter est celle d’autoriser l’entrée des troupes rwandaises, ougandaises et burundaises en RDC. L’apport de nos voisins doit se limiter à l’échange des renseignements pour combattre les rebelles FDLR, ADF et FNL… et pas des opérations conjointes. » Le député a déposé une question orale à l’Assemblée nationale destinée au ministre de la Défense. Pour le moment, les autorités congolaises sont restées muettes sur le sujet.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Apparemment ce chaos profite à plusieurs selon l’homme congolais, « Monsieur tout le monde »..
D’abord à la MONUSCO qui semble trouver une raison de s’éterniser à l’Est de la RDCongo. La population n’en veut plus puisque les massacres continuent et les groupes armées restent toujours actifs et même leurs actions sont plus intenses.
Ensuite aux politiciens qui se considèrent comme incontournables pour la cessation de l’insécurité. Certains Congolais vont jusqu’à certifier de la complicité des politiciens avec les groupes armées pendant qu’ils sont sensés protéger et les représenter au haut sommet de l’Etat.
Enfin aux dirigeants du Rwanda et de la RDC. Pour les dirigeants de la RDCongo, ce chaos est une justification suffisante et joli prétexte de n’avoir pas développé certains coins du pays. Pour les dirigeants Rwandais le pillage des ressources se fait en toute impunité. Ce pillage se passe à plusieurs niveaux. Il y a la déforestation du parc des Virunga sur la façade en regard du Rwanda. Plusieurs fours à braise y sont installés en toute impunité et des centaines de rwandais transporte la braise produite vers le Rwanda à partir du village de Kibumba. Et à cet endroit, à en croire les habitants de ces lieux ça sent la braise surtout après la pluie et la fumée de plusieurs fours à braise est visible à partir de la route nationale. Est ce que les autorités de deux pays ne sont pas informées?
Pour les ressources minérales, avec la porosité entretenue de la frontière entre les deux pays, une grande quantité de minerais y passent.
Je crois qu’il manque une volonté politique tout simplement. Cette insécurité semble arranger les autorités qui savourent nos richesses sans être inquiétées par la population préoccupée à se demander comment sauver sa peau devant les coupeurs de routes et de têtes pouvant surgir n’importe quand et n’importe où.