Deux réalisateurs congolais accusent le cinéaste belge de plagiat dans son dernier film « L’Empire du silence » qui dénonce l’impunité des crimes commis au Congo. « Un procès politique » qui vise à interdire la diffusion de son documentaire, selon le réalisateur.
Le 30 août prochain devrait se tenir un procès ubuesque à Kinshasa. Gilbert Balufu Mbaye et Balufu Bakupa Kanyinda, deux réalisateurs congolais du film « Congo, le silence des crimes oubliés », attaquent en justice Thierry Michel pour plagiat et contrefaçon. Selon eux, le documentaire du cinéaste belge, « L’Empire du silence », présenterait « près de 80 éléments de comparaison » avec leur film, produit en 2015. Pourtant, une analyse des deux documentaires par la SCAM, une société d’auteurs dont font partie les frères Balufu, a conclu à « l’absence totale de plagiat ». Seules quatre images communes, provenant de l’agence Capa, ont été relevées. Ironie du sort, les frères Balufu ont utilisé ces séquences sans en payer les droits à l’agence de presse, ce qui n’est pas le cas de Thierry Michel. Ce qui vaut aux réalisateurs congolais d’être poursuis en justice par Capa, mais aussi par Thierry Michel pour diffamation devant les tribunaux belges et congolais.
Une plainte pour faire interdire le film
Pour avoir visionné le documentaire congolais, disponible sur internet, et celui de Thierry Michel, la plainte pour plagiat en serait presque comique. Oui, les deux films évoquent le même sujet, les crimes commis au Congo, mais le traitement, la réalisation, les témoignages, le commentaire, sont considérablement distincts… sans parler d’une différence notable de qualité. Lors d’une conférence de presse, tenue à Bruxelles cette semaine, le cinéaste belge estime que la plainte au pénal des frères Balufu n’a pas d’autres objectifs que de faire interdire la diffusion de son film au Congo. Selon Thierry Michel, cette plainte n’est pas sans rapport avec la campagne « Justice for Congo », lancée en parallèle de « L’Empire du silence » et relayée par des organisations internationales des droits de l’homme, ainsi que par le prix Nobel de la paix, Denis Mukwege.
« Procès politique »
Le film de Thierry Michel dénonce les exactions commises pendant plus de deux décennies au Congo. Il pointe notamment l’absence de justice malgré la publication du Rapport mapping en 2010 qui désigne nommément les responsables de ces crimes, qu’ils soient Congolais, Rwandais ou Ougandais. Certaines personnalités citées dans le documentaire belge pourraient donc avoir intérêt à ce que « L’Empire du silence » soit interdit de diffusion. Pour Thierry Michel, c’est l’unique explication d’un « procès politique ».
Risque d’arrestation ?
Une décision de la justice congolaise en faveur des frères Balufu entraînerait la saisie du film, mais aussi le risque d’arrestation du cinéaste belge et de sa productrice, Christine Pireaux. Le 30 août, jour du procès, Thierry Michel se trouvera justement en République démocratique du Congo, pour une grande tournée de projections à Kinshasa, Bukavu, Goma et Kisangani. Sous la présidence de Joseph Kabila, le réalisateur avait déjà été interpellé brièvement en 2009, 2010 et expulsé en 2012. Son avocat Alexis Deswaef « n’ose pas croire que le pouvoir judiciaire ou le pouvoir gouvernemental se laisserait aller à cela »… sous Félix Tshisekedi.
Christophe Rigaud – Afrikarabia