Le réalisateur du documentaire « L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ? » attend toujours son visa pour participer au Sommet de la Francophonie en République démocratique du Congo (RDC). Après son expulsion de Kinshasa en juillet dernier, Thierry Michel avait pourtant reçu l’assurance du Premier ministre congolais et de Yamina Benguigui que la RDC lui délivrerait bien un visa. Le 20 septembre, l’ambassade a refusé sa demande. Le réalisateur belge vient également d’être cité en référé devant le tribunal de Liège par John Numbi, chef de la police congolaise, mis en cause dans son film.
Le cinéma documentaire est un sport de combat et le réalisateur Thierry Michel est particulièrement bien placé pour le savoir. Depuis la sortie de son film « L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ?« , Thierry Michel enchaîne les parcours d’obstacles. Son documentaire, particulièrement réussi, raconte la chronique du procès des assassins de Floribert Chebeya, un activiste des droits de l’homme éliminé par l’appareil sécuritaire congolais. En filigrane du film, est évoqué la responsabilité du chef de la police, John Numbi, un proche du président Joseph Kabila. Cité en témoin, John Numbi est pourtant absent du boxe des accusés, alors que toutes les pistes le désignent comme le commanditaire du meurtre. La thèse de Thierry Michel est partagée par l’ensemble les ONG congolaises et internationales sur le sujet : il s’agit bien d’un assassinat politique.
Promesse non tenue
C’est à la sortie du film que les ennuis commencent pour Thierry Michel. Le documentaire est d’abord interdit (sans surprise) par Kinshasa, ce qui ne l’empêche pas d’avoir une carrière clandestine en RDC. En juillet dernier, Thierry Michel se fait ensuite expulser du Congo, dès sa sortie d’avion. La ministre française, Yamina Benguigui, monte au créneau et promet que le cinéaste obtiendra son visa pour le Sommet de la Francophonie prévu les 12, 13 et 14 octobre prochain à Kinshasa. Yamina Benguigui tient même sa promesse du Premier ministre congolais lui-même. Rassuré, Thierry Michel dépose son passeport le 17 septembre, accompagné d’une lettre d’invitation à l’ambassade de RDC en Belgique. Le 20 septembre, la sentence tombe : visa refusé. Thierry Michel se demande donc s’il pourra participer, comme prévu, au XIVème Sommet de la Francophonie, fixé du 12 au 14 octobre prochain.
Témoin surprise
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Juste après avoir été refoulé de l’aéroport de Kinshasa, le 8 juillet dernier, Thierry Michel relance l’affaire Chebeya avec un témoignage inédit. Le cinéaste recueille l’interview de Paul Mwilambwe, un policier qui dit avoir assisté à l’assassinat de Floribert Chebeya. Pour Paul Mwilambwe, le « donneur d’ordre » de l’assassinat s’appelle John Numbi. Celui-ci aurait promis 500.000 dollars au major Christian Ngoy en échange de l’élimination de Chebeya. Le témoignage de Mwilambwe, que nous avons pu lire, est circonstancié, précis et vérifiable. Thierry Michel s’étais dit prêt à « transmettre à la justice » l’entretien filmé avec le policier, aujourd’hui en fuite à l’étranger. Depuis, plus personne ne semble s’y intéresser.
Mauvaise publicité
Ceux-ci expliquant peut-être cela, le réalisateur de « L’affaire Chebeya, un crime d’Etat ?« , vient d’être dernièrement cité en référé devant le Tribunal de 1ère instance de Liège, par le Général John Numbi, chef de la police congolaise au moment de l’assassinat de Chebeya. Motif : John Numbi souhaite faire interdire la diffusion de l’affiche du documentaire sur laquelle figure son image, à côté d’une photographie de la victime, Floribert Chebeya. Numbi réclame 5.000 euros d’amende au réalisateur Thierry Michel et sa productrice pour chaque affiche publiée.
Pour le cinéaste, « il s’agit bien d’une atteinte au droit de la presse et à la liberté d’expression de la part du Général Numbi« . Et de s’étonner : « John Numbi, lors de sa comparution devant la Cour militaire, a été photographié par les nombreux photographes présents. Ces photos ont été diffusées dans de nombreux médias nationaux et internationaux depuis plus de 16 mois déjà. A ce jour, sur Internet, John Numbi est cité 715.000 fois dans le cadre de l’assassinat et du procès Chebeya, et très souvent avec sa photo« . Selon Thierry Michel, « l’affiche du film est publique depuis les avant premières organisées en novembre 2011 et janvier/février 2012 et le film est sorti dans les salles de cinéma en Belgique en mars 2012 et en France en avril 2012« . L’audience en référé aura lieu mercredi 3 octobre au tribunal de Liège et le jugement sera prononcé le jour même.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Pour en savoir, plus vous pouvez consulter le site du film : www.chebeya-lefilm.com