Félix Tshisekedi a nommé un nouveau commandant à la tête de Garde présidentielle. Un remaniement important, mais sans rupture, alors que ces nominations ont été coordonnées avec Joseph Kabila.
Félix Tshisekedi poursuit la réorganisation des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), encore largement contrôlées par des proches de l’ancien président Joseph Kabila. Après avoir suspendu le patron des renseignements militaires, Delphin Kahimbi, décédé depuis, et fait convoqué les généraux Fall Sikabwe et Akili Mundos par la Commission de discipline, le président congolais vient de procéder à un mini remaniement au sein de la Garde républicaine (GR). Cette unité d’élite d’environ 15.000 hommes, chargé principalement d’assurer la sécurité et la protection du président et de ses résidences, a désormais un nouveau patron : le général Christian Tshiwewe Songesha. Le général Jules Banza Mwilambwe le seconde, alors que le général de brigade Ephraim Kabi Kiriza devient le chef d’état-major, et le général de brigade Jérôme Chico Tshitambwe prend la charge des opérations et des renseignements.
« Une personne de confiance »
La principale surprise de ce remaniement de la Garde républicaine ne vient pas vraiment des nouveaux promus, tous de la maison, mais du départ de son patron, le général Gaston Hugues Ilunga Kampete. Pour Jean-Jacques Wondo, spécialiste de l’armée congolaise, plusieurs raisons ont poussé Félix Tshisekedi à écarter ce proche de Joseph Kabila. « Les relations n’étaient pas bonnes entre les deux hommes. Ils ne se voyaient presque jamais, et Félix Tshisekedi préférerait déjà s’appuyer sur Christian Tshiwewe, le futur chef de la GR, pour s’occuper de sa sécurité. Il cherchait donc une personne de confiance pour assurer sa sécurité personnelle ».
Pressions américaines
Le départ d’Ilunga Kampete est également le fruit d’une pression constante des Etats-unis pour obliger Félix Tshisekedi à faire le ménage dans l’armée et à s’émanciper de Joseph Kabila. Peter Pham, l’envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs avait clairement ciblé les noms des généraux Amisi « Tango Four », John Numbi et Ilunga Kampete, tous sous sanctions internationales. « Les Etats unis avaient clairement indiqué au président congolais qu’ils ne pouvaient pas travailler avec ces généraux si la RDC voulait bénéficier de l’aide américaine » explique Jean-Jacques Wondo. Ilunga Kampete faisant clairement partie des faucons du système de répression de Joseph Kabila. Selon Human Rights Watch (HRW), « les Gardes républicains sous le commandement de Kampete étaient parmi ceux qui avaient tiré à balles réelles sur les manifestants en janvier 2015, tuant au moins 38 personnes. »
Jeu de chaises musicales
Mais attention prévient Jean-Jacques Wondo, « C’est un changement sans rupture. » Christian Tshiwewe, le nouveau commandant de la Garde républicaine était l’adjoint d’Ilunga Kampete, en charge des opérations et des renseignements. « C’est un homme de terrain qui connait bien la maison, mais c’est lui qui planifiait toutes les opérations de la GR ». Pour une source sécuritaire à Kinshasa, cette réorganisation reste « limitée ». Elle nous confirme également que « ce remaniement a recueilli l’assentiment de Joseph Kabila. Les ordonnances ont été signées le 11 avril, mais l’annonce officielle n’a eu lieu que le 22 avril, 24 heures après un tête à tête Tshisekedi/Kabila à Nsele ».
Kabila jamais très loin
Même analyse pour Jean-Jacques Wondo, qui confirme que « Félix Tshisekedi ne peut pas nommer un général sans en référer au gouvernement, qui est dominé par le FCC de Joseph Kabila ». Car l’ancien président n’est jamais très loin. « Perdre le contrôle de l’armée signifierait une mort politique pour lui » affirme Wondo, qui note qu’un nouveau promu, le général Jules Banza Mwilambwe, « est un proche de John Numbi », une pièce maîtresse du système Kabila. L’ordre géographique est également respecté : le nouveau numéro un est issu du Katanga, une province clé pour Jospeh Kabila, alors que le nouveau numéro 2 est originaire du Kasaï, le bastion des Tshisekedi.
Pas de grand soir
Ces changements, tout en douceur au sein de la Garde républicaine, ne signent pas encore le grand chambardement attendu dans l’armée congolaise. Pour l’instant, les caciques du système sécuritaire kabiliste, « Tango Four », Numbi, ne sont pas touchés par ces remaniements. Notre source sécuritaire ne voit pas encore le grand soir arrivé, et ne croit pas à une « réorganisation » plus large de l’armée congolaise, dont Joseph Kabila entend rester maître… « Cela fait partie du deal ».
Christophe RIGAUD – Afrikarabia
Les ordonnances ont été signées le 11 Avril 2020,et non le 16 Avril……..